mercredi 27 juillet 2011

Les pensées sauvages, Marc Durin-Valois : jeux destructeurs au village

[Plon, 2010]

Me voilà aujourd’hui avec un livre à l’atmosphère particulière, qui se dégage nettement de ce que j’ai pu lire récemment. Un livre qui reste en tête. Dans « Les pensées sauvages », Marc Durin-Valois met en scène Antonin, un jeune homme de 19 ans. Après trois années d’études en classe préparatoire, il a échoué au concours de l’Ecole Nationale Supérieure pour n’avoir pas su répondre, dans sa dissertation de philosophie, à cette épineuse question : « A quoi sert une vie ? »

Alors, il plaque tout : il vend l’appartement que lui ont acheté ses parents, dilapide son argent en drogues diverses, et part se réfugier dans la maison où vivait auparavant sa grand-mère, dans un petit village d’Ariège. Il fuit une vie qui semblait toute tracée.

Il fait là-bas un certain nombre de rencontres : la jeune Bernadette, d’une laideur repoussante, qui le suit comme son ombre tout en se demandant ce qu’est vraiment l’amour ; Lise, une femme, entrée dans la cinquantaine mais qui le refuse, cherchant à se sentir vivante dans la passion ; Hugo, le patriarche du village dont l’attitude oscille entre intimidation et compréhension amicale.

Dans ce petit village, il noue des relations troubles avec les gens, il les defie. Il cherche les limites. En effet, Antonin veut exister dans le regard des gens, retrouver une identité, un contour. Mais il ne se reconnaît pas, se sent étranger à lui-même, extérieur à tout. Alors, il multiplie les provocations, cherche à faire du mal aux autres et à lui-même, et le roman prend des allures de voyage initiatique vers l’âge adulte. S’adapter ou mourir, tel est le choix qu’Antonin doit faire.

Comme évoqué au début de ce billet, c’est un livre qui a une vraie atmosphère, sombre, un peu pesante. Le lecteur y est plongé jusqu’au cou, comme s’il était lui-même un habitant du village, observant les faits et gestes d’Antonin. Marc Durin-Valois nous fait ressentir le mal-être de son personnage, ses peurs, ses hésitations. De belles phrases, bien balancées, nous font progresser dans le livre sans obstacle.

Voilà pourquoi c’est une expérience de lecture que je vous conseille…

Note : 3,5/5 
Stellabloggeuse
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« C’est une traversée, continua-t-il. Un fil tendu entre l’adolescence qui s’enfuit et un enfermement qui approche. Un entre-deux qui n’arrive qu’une seule fois dans la vie. Il ressemble à ces câbles que l’on accroche en haut des arbres pour divertir les gamins. Si vous l’aviez dévalé, paupières fermées, vous n’auriez rien senti, vous l’auriez déjà oublié. Mais vous avez pris du retard […] Cela ne durera pas. Vous êtes forcé de passer de l’autre côté. De céder au réel. Il vous faudra entrer dans des normes, des modèles, des organisations […] Le monde dans lequel vous basculez appartient aux masses. Il n’offre aucun espace pour votre complexité et vos rêves. L’ère des individus est révolue »

lundi 18 juillet 2011

L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, de Nicholas Evans

[Albin Michel, septembre 1995]
  
Me voilà aujourd’hui avec un roman qui m’a bien fait pleurer… (ouais, je suis une midinette au cœur tendre, et alors ?). Je me souviens l’avoir emprunté dans une bibliothèque, chez des amis, durant une semaine de vacances, et de l’avoir rapidement dévoré.

Ce roman de Nicholas Evans commence sur une scène tragique. La jeune Grace, âgée de 14 ans, part pour une balade à cheval avec sa meilleure amie, Judith, un matin d’hiver. Mais le verglas joue les troubles-fêtes. Les chevaux et les automobiles dérapent, les jeunes filles se retrouvent face à un camion. Grace n’est que blessée, ainsi que son cheval, Pilgrim, mais Judith et son cheval sont tués sur le coup.

Pour Grace, c’est une nouvelle vie qui commence, pleine d’obstacles. Elle a été amputée d’une jambe, et doit désormais vivre avec une prothèse. Pour se reconstruire et s’accepter, elle ressent le besoin de renouer son lien d’amitié et de confiance avec son cheval, brisé par l’accident. La mère de Grace, Annie, débordée par les événements, décide de mettre toutes les chances de leur côté en rendant visite au « chuchoteur », Tom Booker, réputé pour savoir communiquer avec les chevaux, même les plus rétifs.

Beaucoup de choses sont racontées dans ce roman. Il y a la vie à la campagne, au sein d’un ranch, au sein d’une famille unie. Pour Annie, célèbre journaliste new-yorkaise, c’est un véritable dépaysement. Il y a cette mère, dépassée, qui ne vivait que pour son travail et se voit forcée de revenir à la réalité. Il y a ce couple, heureux en apparence mais qui est miné par l’absence d’un second enfant. Il y a Tom Booker, cet homme aux allures taciturnes qui cache des blessures. Mais surtout, il y a cette jeune fille et son cheval, que l’on voit renaître à la vie.

Combat contre le handicap physique, amitié, relation mère-fille, histoire d’amour… Nicholas Evans mêle le tout avec talent. Il en ressort un roman consistant, qui vous emporte, sans doute mieux que l’adaptation cinématographique de Robert Redford. Je vous invite à vous y plonger.

Note : 4,5/5

Stellabloggeuse
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« Pilgrim se tenait peut-être pour responsable de l'accident. Pourquoi les êtres humains auraient-ils le monopole du remords? Tom avait souvent vu des chevaux protéger leur cavalier, en particulier les enfants, des dangers auxquels lesexposait leur inexpérience. Pilgrim avait laissé Grace tomber. Et lorsqu'il avait voulu la protéger du camion, il n'avait récolté que souffrance et châtiment. »

lundi 11 juillet 2011

L’oiseau bleu, de Madame d’Aulnoy : conte merveilleux sur le mariage d’amour

[PEMF, 2010]

Me revoilà pour la suite du partenariat avec le blog Lire pour le plaisir, pour les éditions PEMF. Il s’agit cette fois de la réédition d’un conte de la fin du XVIIe siècle, imaginé par la baronne d’Aulnoy. Il est contemporain des contes de Perrault.

Ce conte rapporte l’histoire de la princesse Florine. Cette dernière, belle et gracieuse, vit avec son père, sa belle-mère et la fille de cette dernière, nommée Truitonne, au physique et au caractère ingrat. Un beau jour, le roi Charmant, qui cherche à se marier, leur rend visite. La belle-mère, qui manipule le père de Florine, obtient de lui qu’il tienne la jeune princesse en retrait, pour favoriser le mariage de Truitonne.

Mais le charme opère entre le roi et Florine. Alors, Truitonne a recours aux services de sa marraine, la fée Soussio : cette dernière, après l’avoir menacé pour qu’il épouse Truitonne, transforme le roi en oiseau bleu. Les deux amoureux viendront-ils à bout de toutes ces épreuves ?

Ce récit présente les principales caractéristiques du conte merveilleux : un amour qui doit triompher d’obstacles, des bonnes fées, des objets magiques, des métamorphoses, une méchante belle-mère. La féérie est très présente. Bien sûr, le conte met également en valeur une morale (plus libertine que celles de Perrault) : un mariage d’amour est préférable à un mariage de raison. Il s'agit donc d'une bonne entrée en matière pour l'étude du conte merveilleux.

Ainsi, ce conte offre une heure d’évasion, et vous transporte dans l’univers merveilleux de la fin du XVIIe siècle, avec son langage précieux . Petits et grands peuvent apprécier, chacun à leur niveau : pour rêver, ou pour la belle langue (néanmoins, l'absence de notes explicatives peut rendre certaines expressions difficilement compréhensibles pour les plus jeunes.). Laissez-vous charmer…

Note : 3/5

Stellabloggeuse

mardi 5 juillet 2011

Comment j'ai raté ma vie de super-héros, par David Tavityan : le règne de l'imagination

[Sarbacane, 2010]

Je vous propose aujourd'hui une chronique sur "Comment j'ai raté ma vie de super héros" de David TavityanCe livre attire l'attention par sa couverture aux couleurs acidulées, mais surtout grâce à son titre, prometteur. Mais ce titre n'est que le premier des tours que nous joue l'auteur : on imagine l'histoire d'un jeune Superman en herbe, vivant des aventures trépidantes mais vouées à l'échec. En réalité, le véritable thème de ce roman est l'absence paternelle, et la manière dont les enfants et adolescents peuvent réagir à ce vide.

L'auteur nous conte donc l'histoire de Morgan, un adolescent de 15 ans. Son père, un comédien, était son modèle. Morgan admirait sa façon de changer de peau, et son sens de la répartie, du bon mot. Quelques années plus tôt, ce père s'est effacé brutalement de sa vie. Alors, quand Morgan reçoit de sa part un costume de super-héros, il décide d'en endosser le rôle. Il veut impressionner son père en jouant la comédie du super-héros, en se montrant fort et courageux. Morgan, tout comme son père, croit au pouvoir de l'imagination, et s'y abandonne tout entier.

  "Voler, fendre l'air. Ouvrir mes ailes. Ne plus redescendre"

Ce roman nous conte donc les aventures de Morgan, qu'elles soient totalement réelles, enjôlivées, ou imaginées. Sur sa route, il croise Linda, une coach célèbre qui l'entraîne à courir, et Lorraine, une camarade de classe qui tout comme lui court après un père absent (d'une manière très particulière...à vous de le découvrir). L'auteur mêle si bien le réel et l'imaginaire que le lecteur ne sait plus ce qu'il doit croire ou non. Il n'a qu'à se laisser emporter. Morgan nous fera-t-il revenir au réel ?

Mais cette manière de brouiller les frontières, ajoutée au style très (trop?) recherché de l'auteur qui cherche visiblement à faire de bons mots, aura entraîné, pour ma part, une lecture parfois un peu inconfortable. Il n'en reste pas moins que "Comment j'ai raté ma vie de super héros" est un roman qui aborde, de manière très originale, un thème sensible, pouvant trouver un écho chez un bon nombre d'entre nous. Et il nous rappelle qu'au final, les super-héros n'existent pas : nul n'est infaillible, et nos faiblesses doivent être acceptées.

Ce roman sera en tout cas pour vous une bonne entrée en matière avant la sortie d'un nouveau titre de cet auteur en août !

Note : 3/5 
Stellabloggeuse
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Du même auteur : Lorraine Super-Bolide

vendredi 1 juillet 2011

Construire un feu, par Jack London : la toute puissance de la nature

[PEMF, 2011]

Je vous écris aujourd’hui suite à mon premier partenariat avec le blog Lire pour le plaisir, un blog pour les enfants de 9 à 12 ans géré par le CRDP d’Amiens. J’ai reçu de leur part deux petits romans des éditions PEMF.

Celui que je vous présente maintenant rassemble deux nouvelles de Jack London : il s’agit de la même histoire de base, mais l’une, écrite en 1902 est destinée aux enfants, et l’autre, datée de 1908, est plus longue et dédiée aux adultes. La comparaison entre ces deux textes fait tout l’intérêt de cet ouvrage.

L’histoire de base, c’est celle d’un homme qui marche par grand froid, le long d’un cours d’eau, pour rejoindre son camp. Il n’a pas écouté les conseils du vieux sage, et s’est aventuré seul sur la route. Un incident lui arrive alors : il passe au travers de la glace et se mouille les pieds. Pour survivre, il doit construire un feu.

Les deux versions sont présentées de manière différente. Celle dédiée aux enfants insiste sur l’aspect moral : l’homme n’a pas respecté le commandement de l’ancien, et cela le met en danger. S’il en prend conscience et modifie son comportement, il peut être sauvé.

En revanche, la version destinée aux adultes met en avant l’incompréhension de la nature qui caractérise cet antihéros : malgré le concours de circonstances qui le met en difficulté, il pense toujours pouvoir gagner face à la nature. Il n’a pas de respect pour le Husky qui l’accompagne, et ne parvient pas à s’en faire un allié dans cette épreuve. Il n’a pas conscience de sa fragilité dans ce milieu hostile, décrit avec beaucoup de finesse par Jack London. Ce dernier nous emmène avec lui dans le grand froid, on se surprend à frissonner !

Ainsi, cet ouvrage introduit le jeune (ou moins jeune) lecteur dans l’univers de Jack London. Tenterez-vous l’aventure du grand froid ?

Note : 3/5 
Stellabloggeuse