samedi 25 février 2012

La délicatesse, de David Foenkinos : récit tout en finesse d’une reconstruction amoureuse

[Gallimard, 2009]

« La délicatesse » de David Foenkinos est un titre dont on a beaucoup parlé dans les médias et entre lecteurs, un livre qui est présenté comme « le roman aux dix prix littéraires ». Sa récente adaptation cinématographique (que je n’ai pas encore vue) a rappelé ce titre à mon bon souvenir, alors qu’il me tentait beaucoup depuis la chronique très enthousiaste de ma blogocopine Floly. J’ai donc saisi au vol la proposition de beL qui a organisé une Lecture Commune autour de ce titre sur Livraddict !

Dans ce roman, David Foenkinos commence par nous présenter un couple qui marche parfaitement, François et Nathalie. Mais François meurt brutalement un dimanche, et Nathalie perd tous ses repères. Des gens essaient de l’aider, notamment son patron et ses collègues, sans succès. De manière générale, ils manquent de délicatesse, ils la heurtent. Une délicatesse qu’elle va pourtant retrouver de manière inattendue…

Il est difficile de parler de ce livre sans trop en dire sur l’histoire, mais la première chose qui me vient à l’esprit, c’est que l’écriture de cet auteur est merveilleuse. Non pas pour des considérations littéraires ou de vocabulaire, mais par sa manière de raconter l’amour et l’intime, tout en finesse, avec de belles images très bien choisies et un humour tendre. Très souvent au cours de ma lecture, j’ai eu envie de m’arrêter pour relever des citations, pour garder en mémoire ces jolies phrases. Ainsi, comme me l’avait dit ma blogocopine Cajou, c’est un livre qui porte très bien son nom !

Nathalie est un personnage attachant, c’est une jeune femme dont le monde s’est écroulé brusquement et qui se trouve sans repères. Elle n’agit pas toujours de la meilleure des manières, elle a des faiblesses, et c’est ce qui la rend extrêmement crédible, humaine. Le lecteur suit les étapes de son deuil, sans voyeurisme, mais en entrant suffisamment dans sa psychologie. Je regrette cependant que ce roman soit un peu court, j’aurais parfois aimé que l’auteur aille un peu plus loin en profondeur.

Ce roman est également une jolie histoire d’amour, assez atypique, teintée à la fois de doutes et d’humour. Le personnage de Markus y est pour beaucoup dans cette originalité : ce jeune suédois a beaucoup d’esprit, je l’ai vraiment apprécié. Il sait agir instinctivement de la manière appropriée, tout en ayant un manque de confiance en lui qui le rend touchant.

Enfin, j'ai bien aimé la construction de l'histoire, en petits chapitres courts, avec quelques éclairages sur le passé des personnages. L'originalité réside dans de petites notes que l'auteur intercale entre les chapitres, sur un thème présent dans le chapitre précédent (par exemple, après un chapitre sur un dîner au restaurant, on a une recette de cuisine). J'ai bien aimé le petit côté décalé de ces parenthèses (qui peuvent aussi agacer je pense).

Je n’irai pas plus loin dans mon commentaire, car comme je vous le disais, c’est un livre assez court, et j’ai peur de trop en dire. Quoi qu’il en soit, j’ai beaucoup aimé. Ce n’est pas un coup de cœur car il m’a manqué une petite étincelle, et parce que l’on sait très vite comment l’histoire va se terminer. Mais c’est une très belle histoire, peinte par petite touches, un vrai travail d’artiste de la part de David Foenkinos. Au risque de me répéter, une histoire tout en délicatesse…

Je vous invite maintenant à découvrir les avis des autres participants de la lecture commune : club beLecteur (organisatrice) -A S K!-Nath - Dex - PetiteMarie - Felina - ptitelfe
Et de mon côté, il va falloir que je voie le film !

Note : 4,5/5 
Stellabloggeuse 
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Ce livre fait partie du Challenge :

Challenge ABC 2012 : 7/26

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 « Il n’y avait rien d’autre à dire. Notre horloge corporelle n’est pas rationnelle. C’est exactement comme un chagrin d’amour : on ne sait pas quand on s’en remettra. Au pire moment de la douleur, on pense que la plaie sera toujours vive. Et puis, un matin, on s’étonne de ne plus ressentir ce poids terrible. Quelle surprise de constater que le mal être s’est enfui. Pourquoi ce jour-là ? Pourquoi pas plus tard, ou plus tôt ? »

« Et puis, le degré suprême de l’absurdité : les dossiers nous survivront. Oui, voilà ce qu’elle se disait, en archivant des documents. Que toute cette paperasse nous était supérieure à bien des égards, qu’elle n’était pas soumise à la vieillesse, à la maladie, ou à l’accident. Aucun dossier ne se ferait jamais renverser en allant courir le dimanche matin. »

« Est-ce que je peux vous embrasser ? demanda-t-il.
-Je ne sais pas…J’ai un début de rhume.
-Ce n’est pas grave, je suis prêt à être malade avec vous. Je peux vous embrasser ?
Nathalie avait tellement aimé qu’il lui pose la question. C’était une forme de délicatesse. »

jeudi 23 février 2012

La Quête d’Ewilan, tome 3, de Pierre Bottero : L’Ile du Destin

[Rageot, 2003]

 * Attention, cet article concerne le troisième tome d’une saga : présence de spoilers sur les précédents tomes ! *

C’est avec une grande joie que j’ai retrouvé la plume de Pierre Bottero pour clore la saga de La Quête d’Ewilan ! Souvenez-vous, j’avais beaucoup apprécié le tome 1 et le tome 2 de cette saga fantasy jeunesse, avec son univers fantastique très bien construit et ses personnages attachants.

Dans ce dernier volet, le monde de Gwendalavir est sur le point d’être pacifié. Ewilan a réussi à éveiller les Sentinelles et à débloquer ainsi les Spires, permettant de contrer les adversaires de l’Empire grâce au pouvoir du Dessin. Mais sa Quête n’est pas encore terminée, car il lui reste à retrouver et éveiller ses parents, qui ont été trahis et emprisonnés par les autres sentinelles. Accompagnée de ses amis et de son grand frère, elle poursuit donc son chemin, qui la conduira tout au Sud de l’Empire, sur l’Ile du Destin.

J’ai beaucoup apprécié la manière dont cette saga se termine, notamment en ce qui concerne les personnages. Il y a davantage de maturité chez Ewilan, qui commence à reconnaître ses erreurs et ses faiblesses. Il en est de même pour Salim, qui se retrouve confronté à la partie animale de lui-même. Les relations d’amitié (et un peu plus que cela) entre nos compagnons s’étoffent encore, et nous découvrons quelques nouveaux venus tout aussi sympathiques.

L’univers mis en place par Pierre Bottero est toujours aussi fascinant, à la fois merveilleux et dangereux. Tout comme Ewilan, on a envie d’explorer un peu plus ces territoires… Et j’ai beaucoup aimé la manière dont il s’est approprié la légende de Merlin et de Vivianne.

Du côté de l’action, il y a toujours beaucoup de rythme, aucun répit pour nos aventuriers qui multiplient les péripéties. Cependant, tout comme dans le précédent volet de la saga, j’ai trouvé que certaines difficultés étaient franchies d’une manière un peu trop facile, même si les choses se corsent un peu. De ce point de vue, cela reste assez « jeunesse ». Mais il n’y a là rien de rédhibitoire, et nous nous sommes volontiers laissées emporter, moi et mon âme d’enfant !

Je n’en dirai pas trop, car je souhaite vous laisser le plaisir de la découverte de cette jolie saga. Néanmoins, nous avons perdu un grand auteur avec le décès de Pierre Bottero, qui était sans doute le meilleur auteur français de Fantasy. Et cette saga est une belle entrée en matière pour découvrir son œuvre. N’hésitez pas, faites le pas sur le côté, basculez en Gwendalavir ! Vous ne le regretterez pas !

Note : 3,5/5 
Stellabloggeuse 
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 « -Et tu dis que j’avais les yeux jaunes ?
-Parfaitement !
-Ma vieille, tu exagères ! J’étais à quatre pattes, en train de me disputer avec un loup gros comme une vache, et j’avais les yeux jaunes ? Comment veux-tu que je te croie ? Arrête l’alcool !
Camille et Salim étaient assis côte à côte, à l’arrière du chariot, les jambes pendant dans le vide. Leurs compagnons s’affairaient à monter le camp et Camille était chargée d’expliquer à son ami les évènements de la veille. » 

mardi 21 février 2012

L’ami retrouvé, de Fred Uhlman : esquisse d’une amitié dans l’Allemagne des années 30

[Gallimard, 1971]

C’est un livre dont il va être difficile de parler, car il est bref et assez atypique. Ce n’est pas vraiment un roman (il n’en a pas la densité), ce n’est pas vraiment une nouvelle. Il s’agit plutôt d’une tranche de vie, d’une peinture de l’Allemagne des années 1930, vue sous l’angle de l’amitié.

Le narrateur créé par Fred Uhlman s’appelle Hans. Il est de religion juive, mais se sent pleinement et avant tout allemand et citoyen de sa ville, Stuttgart. Son père, médecin, a acquis une certaine reconnaissance sociale, et Hans fréquente une école plutôt huppée. C’est là qu’il fait la connaissance de Conrad, un jeune homme issu de la noblesse allemande, avec lequel il va nouer une amitié très forte. Une amitié qui sera bientôt mise à l’épreuve par l’Histoire.

Le lecteur, dans la tête de Hans, assiste par petites touches à la naissance et au déploiement de cette amitié. Il est intéressant de voir de jeunes garçons animés de sentiments aussi forts, à un âge où leurs congénères essaient plutôt de paraître viril et détachés. Cette amitié très forte et assumée est touchante.

On pressent néanmoins que des obstacles vont vite se dresser entre les deux amis, et notamment leurs familles. L’antisémitisme latent qui anime alors l’Allemagne les sépare peu à peu, car même si leurs sentiments n’ont pas changé, les deux amis n’ont pas la même vision du monde.

En effet, même si le récit est centré sur l’amitié des deux garçons, il s’agit aussi pour l’auteur d’évoquer l’Allemagne de son enfance. Cette Allemagne qui l’a rejeté en tant que juif, qu’il a fuie, et avec laquelle il refuse de renouer des liens, ou alors avec une extrême prudence. On sent pourtant dans sa manière de la décrire qu’il a profondément aimé cette Allemagne, et il nous en restitue les couleurs et les paysages avec douceur, avec grâce.

Et puis, il y a cette fin, qui tombe comme un couperet et qui est très touchante…

Ainsi, en une centaine de pages, l’auteur réussit à évoquer l’atmosphère d’une époque, et de montrer comment l’Histoire avec un grand H a pu influer sur les destins individuels. Il met en évidence le sentiment de trahison de ces Juifs qui se sentaient pleinement allemands et étaient prêts à mourir pour leur pays. Il montre également que quelles que soient les circonstances, les individus ont toujours le choix, qu’ils ont la possibilité d’agir en conformité avec leurs idéaux.

Pour toutes ces raisons, j’ai aimé ce petit livre, même si par moment j’aurais aimé en savoir plus, avoir davantage de matière (mais il existe une suite à ce récit). Je vous invite à découvrir cette histoire d’amitié pas comme les autres.

Note : 3,5/5 
Stellabloggeuse

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Ce livre fait partie du challenge :
  

 Challenge ABC 2012 : 6/26

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 « Jusqu’à son arrivée, j’avais été sans ami. Il n’y avait pas dans ma classe, un seul garçon qui répondît à mon romanesque idéal de l’amitié, pas un seul que j’admirais réellement, pour qui j’aurais volontiers donné ma vie et qui eût compris mon exigence d’une confiance, d’une abnégation et d’un loyalisme absolu ».
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Post-scriptum du 19/09/2015 (attention, spoilers sur la fin de L'Ami retrouvé) :
J'ai découvert ce mois-ci qu'il existait une "suite" ou plutôt un pendant de "L'ami retrouvé", intitulé "La lettre de Conrad". Dans cet autre court roman, Conrad est en prison et attend son exécution. Il écrit une longue lettre à Hans, dans laquelle il revient sur leur amitié et sur les raisons qui les ont séparés.
Ce roman permet de creuser le personnage de Conrad, un jeune noble qui a parcouru le monde et dont tout le monde recherche la compagnie. Il rejette pourtant celle de ses "semblables" qui lui semblent bien creux, pour jeter son dévolu sur Hans. C'est un personnage ambigu, conscient de sa supériorité malgré ses bonnes intentions, et les excuses qu'il se donne son un peu vaines. Mais son amitié est sincère, et peut-être est-ce là tout ce qui compte.
Un petit roman à lire donc, pour compléter et prolonger la lecture de L'ami retrouvé.
Cette lecture me permet en outre de compléter la lettre U du challenge ABC 2015.


Challenge ABC 2015 : 25/26

samedi 18 février 2012

Le jardin d’Hadji Baba, Isabelle Delloye

[Héloïse d’Ormesson, 2011]

Aujourd’hui, en quelque sorte dans la continuité de « Rani » il y a quelques semaines, nous allons voyager un peu ! En empruntant ce roman, j’ai pu me plonger dans un lointain pays du Moyen-Orient, qui fait souvent l’actualité pour de tristes raisons : il s’agit de l’Afghanistan, qu’Isabelle Delloye a choisi pour décor de son premier roman.

Le personnage principal de ce roman s’appelle Djon Ali (prononcez « John »). Ce jeune garçon Afghan a perdu ses parents lorsque les Soviétiques ont pris le contrôle du pays. Avec les rares survivants de sa famille, il a fui vers Kaboul et a été recueilli par un commerçant qui est avant tout un sage : Hadji Akbar, surnommé Hadji Baba. La première partie raconte par brides la vie d’Hadji Baba : sa réussite professionnelle, sa rencontre avec son épouse, ses enfants, les guerres qui ont émaillé sa vie. La seconde partie relate ensuite la vie de Djon Ali après la mort du vieil homme : il quitte l’Afghanistan et parcourt le monde.

C’est un roman qui a le mérite d’être original et de nous faire découvrir un pays qui ne nous est pas familier. En effet, dans la première partie du roman, on en découvre plus sur l’Afghanistan, ses sages, son patrimoine culturel immense, ses esprits brillants. C’est intéressant, mais malheureusement on a parfois l’impression d’un « cours » sur l’Afghanistan, les informations sont intégrées au récit de manière un peu trop artificielle.

La seconde partie qui relate le parcours de Djon Ali est d’une tout autre nature. Le jeune homme fait plusieurs rencontres, il réussit dans un domaine artistiques, il perd un peu de son identité. Le roman nous fait ainsi connaître la diaspora afghane et le sentiment de malaise, de culpabilité qui animent ces personnes, qui ont délaissé ce pays qui avait tant besoin d’eux. Néanmoins, là aussi j’ai quelques regrets. La réussite de Djon Ali semble un peu trop facile, elle manque de crédibilité. Le récit va parfois trop vite, on parcourt parfois plusieurs années en quelques dizaines de pages. Enfin, les relations entre les personnages auraient pu être plus fouillées.

Ainsi, pour résumer, c’est un roman agréable à lire, qui contient de bonnes choses : il y a du potentiel, mais l’ensemble part parfois « dans tous les sens », cela manque un peu de cohérence. Le tout aurait mérité d’être étoffé. Néanmoins, c’est un roman qui nous permet d’aborder une culture qui nous est étrangère, et qui recèle beaucoup de sagesse et de poésie. Un joli roman, qui aurait mérité un peu plus de profondeur.

Note : 3/5

Stellabloggeuse 
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 « Chacun se renvoie les preuves de l’existence de Dieu ou de Son absence, tous les arguments logiques ont été énoncés. Mais songe à la petitesse de nos connaissances quant à notre planète, notre propre corps ; notre esprit même est souvent indéchiffrable. On ne connaît qu’une infime partie du monde vivant et on n’explique scientifiquement qu’une minuscule part des mécanismes qui sont à l’origine de la vie.
L’homme moderne oublie qu’il a toujours été le jouet de forces incompréhensibles. Il n’est souvent qu’une marionnette dans le devenir incessant, la croissance et le déclin, la naissance et la mort. L’animal subit cela. L’homme par son intelligence devrait être supérieur, et pourtant il a la prétention de se croire à part dans la création. Sa vanité suicidaire l’aveugle et il ne sait pas tirer les leçons de sa propre histoire ».

jeudi 16 février 2012

Isidore Tiperanole et les trois lapins de Montceau les Mines, de Pierre Thiry : un petit conte musical en forme de fable

[Books on demand, août 2011]

Voilà bien longtemps que je n'avais pas eu l'occasion de faire une lecture véritablement "jeunesse", dédiée aux enfants. Pierre Thiry a remédié a cela en m'envoyant gentiment un petit conte intitulé "Isidore Tiperanole et les trois lapins de Montceau-les-Mines". Je me suis donc offert avec délices un petit retour en enfance.

Dans ce conte, l'auteur s'intéresse à une famille de trois lapins vivant à Montceau-les-Mines, il y a fort longtemps : Arthur, Théobald et Justin. La cité était alors dirigée par une hermine plus belle que le jour. Elle était prospère, grâce aux généreuses quantités de diamants que l'on trouvait dans le sol. Les trois frères lapins sont amoureux de la princesse, du doux nom d'Ermelinde. Mais pour conquérir son coeur, ils devront affronter le gardien du château, le redoutable Isidore Tiperanole.

C'est un conte très rafraîchissant, agréable à la lecture grâce à sa musicalité : il est fait de jolies phrases avec de nombreuses allitérations, et semé de poèmes composés par les trois frères lapins. Le lecteur peut également se régaler de quelques jeux de mots disséminés ça et là. L'auteur s'amuse notamment avec le nom de la ville, Montceau-les-mines, lui donnant une origine légendaire. Les plus grands noteront également quelques petites références théâtrales.

L'histoire respecte également les codes du conte, avec un certain nombre de péripéties et un soupçon de merveilleux, ses monstres, ses gentils liés par des liens de famille, ingénueux et talentueux. La fin du récit s'apparente à celui d'une fable, avec une petite morale intéressante sur la manière d'appréhender le temps et de réfléchir avant d'agir.

Ajoutons que cette histoire a également le mérite de mettre en valeur la ville de Montceau-les-Mines, de la montrer sous un angle différent. En effet, elle n'est pas présentée ici uniquement en tant que ville minière, même si cette dimension est intelligemment intégrée dans le récit. L'auteur lui donne un passé glorieux, et réussit à susciter l'intérêt du lecteur. Une manière de faire un pied de nez à ceux qui penseraient "avant les mines, il n'y avait que des lapins". En quelques phrases, il nous permet aussi d'en imaginer la topographie.

Autre point fort de ce récit, il est illustré de quelques images par Myriam Saci. J'ai bien aimé ces illustrations, simples, dans des tons assez doux. Je me suis d'ailleurs demandée durant la lecture si elles ne mériteraient pas d'être plus présentes, faisant de ce conte un véritable album, dans lequel l'histoire prendrait vie. Néanmoins, le fait que l'illustration ne soit pas omniprésente permet aussi de faire travailler l'imagination.

En résumé, j'ai passé un joli moment avec ce conte, poétique et léger, qui peut s'apprécier à tout âge, si tant est que l'on ait gardé un peu de son âme d'enfant (personnellement, la glace géante m'a fait rêver...) Je remercie encore une fois Pierre Thiry pour son intérêt et sa confiance.
  
Note : 3,5/5 

Stellabloggeuse
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   « Toute la journée, et souvent même la nuit, Isidore courait après le temps. Il essayait en vain de le rattraper. Mais toujours il lui échappait. Isidore avait beau s’énerver, il ne parvenait jamais à le rattraper. Le temps allait à toute allure. Isidore ne réussissait jamais à être à l’heure. Il haletait après le temps pour voir quelle allure il avait. Il allait trop vite. Isidore ne parvint jamais à voir sa figure. »

vendredi 10 février 2012

La réparation, de Katia Gagnon : une enquête journalistique et humaine

[Boréal, 2011]
  
Envolons-nous cette fois pour le Canada, avec le premier roman d’une journaliste québécoise, Katia Gagnon. Dans ce livre, elle met en scène Marie Dumais, une journaliste spécialiste des questions sociales, des dossiers sensibles. Son patron lui demande d’enquêter sur le suicide de Sarah, une jeune fille de 16 ans, qui était victime d’intimidation dans son lycée. Elle cherche à connaître la vérité, à découvrir les raisons qui ont poussé Sarah à effectuer ce geste, en espérant ainsi venir en aide à d’autres adolescents en difficulté.

En parallèle, nous avons une autre histoire, qui se déroule dans les années 1980, au moment de la mise en place des services sociaux à Montréal. La toute jeune Direction de la Protection de la Jeunesse est confrontée au cas difficile d’une petite fille de cinq ans à qui sa mère n’a jamais adressé la parole, et qui n’est jamais sortie de son appartement. Les deux histoires sont liées, d’une manière que vous découvrirez si vous lisez ce livre…

Si l’on s’en tient aux apparences, la couverture m’a plu, j’ai bien aimé son illustration. Et à l’intérieur, j’ai beaucoup apprécié ce roman, qui n’est pas du tout lourd, comme son thème pourrait le laisser supposer. Le lecteur se laisse rapidement prendre par l’enquête menée par la journaliste, il veut savoir le fin mot de l’histoire, et les pages se tournent toutes seules.

Découvrir les coulisses du travail d’une journaliste m’a bien plu, on voit l’analyse que Marie tire de ce que lui disent les gens. La mise en place des services sociaux au Québec était également intéressant. Le thème de l’intimidation dans les établissements scolaires est bien exploité, on retrouve le collège que l’on a connu avec sa hiérarchie, ses modes vestimentaires, ses moutons noirs.

Le personnage de Marie est plutôt attachant, elle fait son métier de journaliste, réalise ses investigations avec une certaine humanité, en respectant les gens, mais en adoptant parfois une distance humoristique assez agréable. On comprend également peu à peu qu’elle a des failles, elle est touchante.

Du point de vue formel, le roman est bien construit, divisée en trois grandes étapes, qui sont cohérentes pour les deux histoires développées. Les deux parties de l’intrigue se répondent très bien. L’auteur varie également les formes, avec des rapports de psychologue, d’éducatrices, etc.

Quant au style, il est assez simple. Il n’y a pas de grandes phrases, pas de tournure tarabiscotée, mais l’écriture est agréable et efficace, elle va droit au but. C’est une caractéristique que j’ai remarquée dans plusieurs romans québécois. Et bien sûr, il y a le côté pittoresque des expressions québécoises, certains mots ont du charme, tels que « clavarder », pour dire « chatter sur Internet ».

Si j’ai quelques bémols à apporter, je dirais que certains points de l’intrigue sont assez prévisibles, on les pressent dès le départ. L’enquête menée par Marie est peut-être également un peu « facile », il n’y a pas suffisamment d’obstacles sur sa route. Enfin, ce roman n’est pas tout à fait un coup de cœur, il m’a manqué pour cela une petite étincelle, un petit truc qui aurait fait la différence.

Mais ces réserves s’effacent devant le beau message sur la survie que fait passer ce roman, sur la manière dont les gens peuvent se relever de situations désespérées, grâce à leur propre force et à l’humanité de quelques personnes. C’est un excellent premier essai pour l’auteur, un livre qui donne de l’espoir, et cela fait du bien.

Note : 4,5/5
Stellabloggeuse

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« Le Collège Notre-Dame-des-Sept-Douleurs était divisées en castes précises et quasi insurmontables, lui expliqua le prof en phrases hachées et concises. Chez les hindous, ce sont les brahmanes qui trônent au sommet de la hiérarchie des castes. Au collège, les brahmanes, c’était la bande à Florence Dugré. Tous des fils et des filles de notables aisés, qui habitaient le centre historique de la petite ville et se connaissaient depuis qu’ils étaient petits. Et à la base de cette hiérarchie, les Intouchables de Notre-Dames-des-Sept-Douleurs, c’étaient les élèves qui venaient des villages éloignés. Pour la plupart des fils et des filles de cultivateurs. Dès son entrée au collège, le rang de Sarah Michaud avait été clair. Tout en bas. »

mercredi 8 février 2012

Le Tag des 11 questions

J'ai été tagguée par Vanessa - Alohomora, une bloggueuse suisse très sympa et dont le blog est un monde de tentations infinies...


 Avant tout, voici les règles du tag:

1) Poster les règles du tag dans l'article
2) Dévoiler 11 choses à propos de soi
3) Répondre aux 11 questions posées et en créer 11 nouvelles pour les personnes taguées
4) Taguer 11 personnes et faire un lien vers leurs blogs
5) Prévenir les personnes que l'on a taguées

  Voici donc 11 petites choses sur moi :

1) Je lis surtout dans les transports en commun, car je prends beaucoup le train et le bus.
2) Parmi les divers genres littéraires, celui vers lequel j'ai du mal à aller, c'est le polar.
3) Mon péché mignon, c'est Gibert Joseph, j'adore fouiller pendant des heures dans les bacs de livres d'occasion. J'y ai trouvé des trésors !
4) Je n'aime pas trop regarder des films, et j'ai en tout cas beaucoup de mal avec tous les films d'action. Je préfère un bon roman !
5) Lorsque j'étais adolescente, j'ai dévoré tous les Marie Aude Murail, Moka et Judy Blume du CDI
6) J'adore organiser les choses, et je fais toujours plein de listes
7) Cette année, je prépare un mémoire sur les bibliothèques scolaires durant le Second Empire et la Troisième République
8) Je suis favorable à la sortie du nucléaire, c'en est assez de mettre en jeu la vie de l'humanité pour une question d'argent.
9) J'adore cuisiner, et particulièrement les desserts. J'ai hâte d'avoir un appartement avec une vraie cuisine pour faire plein d'expériences.
10) Je suis un coeur d'artichaut livresque : je tombe facilement amoureuse des personnages masculins des romans !
11) Quand j'étais plus jeune, j'ai lu beaucoup de littérature sentimentale, des Coeurs Grenadine aux Harlequins...

Et maintenant, les 11 questions posées par Vanessa :

1) Quel est ton dernier coup de coeur littéraire ?
Divergent de Veronica Roth, j'ai été happée par ce roman.

2) Aimes-tu les séries TV ? Si oui, laquelle préfères-tu ?
Oui, j'aime beaucoup les séries TV, que je préfère aux films. En ce moment je suis accro à Vampire Diaries, mais ma série culte, c'est Buffy contre les Vampires.

3) Si tu étais un être fantastique, tu serais ?
Une sorcière, pour pouvoir transplaner ! Mon amoureux me compare souvent à Hermione Granger...

4) Quel est ton film préféré ?
Euuuh, c'est difficile d'en dégager un seul, je vais en donner trois : Titanic (pour la midinette qui se cache en moi), Avatar (parce qu'il m'a marqué et que j'ai adoré voir les humains se faire casser la figure) et Carnets de Voyage (pour le voyage justement).

5) Quel est le plat que tu détestes le plus manger ?
Les épinards c'est pas booooon ! D'ailleurs, je n'en mange pas, parce que je suis grande et que c'est moi qui décide !

6) Quelle est ta fête favorite ?
Avant, j'aimais vraiment Noël. Maintenant, je dirais le 14 juillet, non pas en tant que Fête Nationale mais en tant que jour où il fait beau, où on est souvent en vacances, et où on sort voir un feu d'artifice.

7) Quel pays aimerais-tu visiter ?
J'adore la ville de Rome, et j'aimerais vraiment découvrir le reste de l'Italie. Sinon, je dirais les Etats Unis, pour leur incroyable variété.

8) As-tu un objet dont tu ne te sépares jamais ?
J'ai toujours un livre avec moi, même si ce n'est pas toujours le même. Sinon, mon netbook, mon bébé ordi chéri, me quitte rarement.

9) Quelle célébrité (morte ou vivante) aimerais-tu rencontrer ?
Je vais encore tricher et donner deux réponses : Julien Doré pour les vivants, et Daniel Balavoine pour les morts.

10) Quel est ton personnage fictif préféré ?
C'est trop duuuur cette question ! On va dire Hermione Granger (encore elle) parce qu'on se ressemble un peu, et Mr Darcy pour passer une vie avec lui ^^

11) Si tu étais la couverture d'un roman, tu serais ?
Loup y es-tu de Henri Courtade, c'est élégant et mystérieux (mais c'est plus un choix esthétique que quelque chose qui me ressemble^^)

Je vais maintenant poser 11 questions aux personnes qui seront tagguées :

1) Quel est le livre qui t'a le plus ému ?
2) Quelle est l'adaptation de livre au cinéma qui t'a le plus déçu ?
3) Quel livre aurais-tu aimé écrire ?
4) Comment es-tu devenu accro à la lecture ?
5) Quel livre "honteux" as-tu lu et aimé ?
6) As-tu une autre passion, non littéraire ?
7) Où aimerais-tu vivre ? (que ce soit un endroit existant réellement ou un univers littéraire)
8) Si tu ne pouvais sauver qu'un seul livre dans ta bibliothèque, lequel garderais-tu ? (oui, je sais, c'est cruel).
9) Quel est ton péché mignon ?
10) Quelle chanson écoutes-tu en boucle en ce moment ?
11) Y a-t-il un livre peu médiatisé que tu aimes beaucoup ? Voudrais-tu nous en parler en quelques phrases ?

Et voilà maintenant les personnes que je taggue :


Bien sûr ce ne sont que des propositions, je sais que certaines personnes ne sont pas fans de ce genre de chaîne, et vous être libres d'accepter ou non !
A bientôt et bonnes lectures !
Stellabloggeuse

samedi 4 février 2012

L'autre fille, d'Annie Ernaux : une lettre dense, intimiste et sincère

[Nil, 2010]

Le livre que je vais vous présenter aujourd'hui n'est pas vraiment un roman, il tient plutôt de l'essai et de la lettre. Il est publié dans une collection intitulée "Les Affranchis", justement destinée à publié des récits sous forme de lettres. C'est un tout petit texte, de soixante-dix-sept pages.

Dans ces quelques dizaines de pages, Annie Ernaux, auteur par ailleurs de nombreux romans, s'adresse à sa soeur, qu'elle n'a jamais connue car elle est morte plusieurs années avant sa naissance. Elle a appris son existence par hasard, alors qu'elle avait une dizaine d'années. L'auteur essaie donc d'analyser ce qu'elle ressent vis à vis de cette soeur qui est pour elle une étrangère, de la place qu'a prise l'absente dans sa vie.
   
Je ne connaissais pas cette auteure avant de découvrir ce texte, c'était donc une manière originale de l'appréhender, par ce récit très intime, très psychologique. Le lecteur suit en effet le fil de sa réflexion, pas à pas. Annie Ernaux nous met face à certaines des choses qui l'ont façonnée aujourd'hui. L'auteur analyse ses propres réactions, évoque sa furieuse envie de vivre. Elle essaie de décrypter les silences, de trouver sa place dans sa famille.

J'ai trouvé cette immersion dans sa psychologie très intéressante et bien racontée. On ne se sent pas comme un intrus, il n'y a pas de voyeurisme dans cette histoire. De même, il n'y a rien de larmoyant, pas d'appitoiement, seulement l'analyse d'une situation particulière, et qui résonne avec sincérité.

Au travers de ce texte, de nombreux thèmes sont évoqués, tels que la perte d'un enfant pour des parents, ou la difficulté de grandir et de s'affirmer face au modèle d'une soeur jugée parfaite. Il y a une réflexion sur l'altérité, l'auteur essayant de se positionner par rapport à cette soeur fantôme. Les espoirs du Front Populaire et la Seconde Guerre Mondiale planent également sur le récit.

Ainsi, au final, c'est un petit texte très dense que nous propose Annie Ernaux, riche de son passé et de réflexions qui ont grandi en elle sa vie durant. Et même si le lecteur ne peut pas forcément s'identifier à elle, elle lui propose des pensées qui peuvent résonner en lui, à son échelle. C'est un joli moment à passer.

Note : 3,5/5 
Stellabloggeuse 
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Ce livre fait partie du challenge :


 Challenge ABC 2012 : 5/26
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 "Dans ma chambre chez les parents, j'ai affiché cette phrase de Claudel, soigneusement recopiée sur une grande feuille aux bords brûlés avec un briquet, comme un pacte satanique: "Oui je crois que je ne suis pas venu au monde pour rien et qu'il y avait en moi quelque chose dont le monde ne pouvait se passer". Je n'écris pas parce que tu es morte. Tu es morte pour que j'écrive, ça fait une grande différence".

"Il me semble que le silence nous a arrangés, eux et moi. Il me protégeait. Il m'évitait le poids de la vénération qui entourait certains enfants décédés de la famille avec une cruauté inconscience pour les vivants qui me révoltait quand j'en étais le témoin."