[30 mars 2012, bibliothèque des Eaux Claires de Grenoble, 18h]
Souvenez-vous, en novembre 2011, j’ai eu un coup de cœur pour « Les Déchaînés » de Flo Jallier, son deuxième roman paru aux éditions Sarbacane, dans la collection eXprim’ que vous savez chère à mon cœur. Depuis, je n’ai cessé de vous crier mon amour pour ce roman, et de vous harceler pour que vous le lisiez…
Je vous propose aujourd’hui de faire un peu mieux connaissance avec cette auteur, Flo Jallier ayant été invitée à Grenoble dans le cadre du Printemps du Livre. Je n’allais pas rater ça ! La rencontre a commencé de manière un peu chaotique : Flo Jallier, très à l’aise avec le jeune public, s’est sentie intimidée par cette salle « d’adultes ». Elle a donc choisi de sortir du schéma « questions-réponses » pour nous présenter son parcours, avant d’engager une discussion avec le public. Ce qui, à défaut d’avoir obtenu les clés de compréhension de ses romans, nous a permis d’en savoir un peu plus sur elle et sur le message qu’elle porte.
Son parcours
Flo Jallier a fait des études de droit, pour accomplir le rêve de ses parents qui voulaient qu’elle « réussisse ».
Mais elle a rapidement pris un virage à 180 degrés suite à sa rencontre avec un groupe de musique. Elle s’est mise à la batterie et a joué de la musique dans deux groupes, « Les coquines » et « En vrac ». En tant que musicienne, elle a écrit des textes de chanson, et c’est comme cela qu’elle a commencé à avoir envie d’écrire.
Avant cela, des « chocs littéraires » lui avaient donné envie d’écrire : Balzac et Zweig à l’adolescence, puis le Voyage au bout de la nuit de Céline.
Sa manière d’écrire, de travailler
Flo Jallier se définit elle-même comme une « bosseuse », dans la musique comme dans l’écriture. Passionnée par ses activités, elle est capable de passer des jours sans manger, boire ou dormir ! Pour en arriver à ces romans, elle a travaillé 10 ans, c’est un travail de fourmi. En parallèle de ce profil de travailleuse acharnée, elle écrit à l’instinct, à l’intuition, guidée par deux questions : « Qui suis-je dans ce monde ? Pourquoi ? » ?
Dans l’écriture, elle recherche la simplicité, elle essaie d’aller à l’essentiel. Mais avant tout, elle prend du plaisir : avant, elle écrivait pour être publiée, et elle avait perdu ce plaisir d’écrire. C’est finalement en retrouvant le plaisir d’écrire qu’elle a créé de bons romans.
Ses romans et leurs grands thèmes
Les filles ne mentent jamais : Ce roman se passe entre les années 1970 et les années 2000, dans la banlieue parisienne et raconte le quotidien de quatre jeunes femmes, chacune s’exprimant tour à tour. Cette première histoire lui a permis d’aborder les violences faites aux femmes. Elle a mis en scène des femmes qui ont des vies difficiles, mais qui s’en sortent malgré tout.
Les Déchaînés : Pour le résumé, je vous renvoie à ma chronique. Pour Flo Jallier, le but de ce roman, c’est d’apprendre à dire non, un non qui marque le début de la liberté. Il lui a également permis d’aborder l’histoire antillaise, une histoire qui selon elle n’a pas été « digérée » par la France. Elle a souhaité remonter le temps, pour mieux comprendre ses origines. Pour Flo Jallier, l’Histoire et les commémorations sont importantes : il faut savoir ce qui s’est passé, pour mieux comprendre et en réparer les blessures.
Un message à faire passer : la liberté
Durant cette rencontre, Flo Jallier nous a surtout parlé de liberté. Elle estime en effet qu’en 2012, on a encore besoin de parler de la liberté. Le livre n’est pour elle qu’un support pour délivrer ce message.
Mais qu’est-ce que la liberté ? Pour Flo Jallier, la liberté ne signifie pas faire ce qu’on veut, mais chercher comment se réaliser et pouvoir s’épanouir. La liberté est cadrée, nous vivons tous dans un système : la vraie liberté est d’abord intérieure.
Au-delà de cette liberté, elle souhaite aussi parler du rêve, du plaisir, de l’urgenceécologique, et de la violence que chacun de nous porte en lui.
La jeunesse
Flo Jallier s’adresse particulièrement aux jeunes lorsqu’elle écrit. Aujourd’hui, les jeunes ne savent pas ce qu’ils veulent faire de leur vie, quels sont leurs rêves. Ils ne pensent pas à rêver, c’est une génération angoissée, qui baigne dans la crise, le chômage. Elle veut donc leur dire de prendre conscience de leurs possibilités et de faire ce dont ils ont envie, en prenant du plaisir. En apprenant à se connaître, ils pourront mieux affronter le monde. L’important, c’est de se trouver, au risque d’être différent, d’être un peu marginal. Mais apprendre à se connaître permet aussi de mieux appréhender les autres.
Ainsi, le message qu’elle souhaite délivrer aux jeunes générations pourrait se résumer ainsi :travaillez pour vos rêves, pour les réaliser et vous accomplir.
La violence
Si Flo Jallier insiste autant sur la liberté et sur la nécessité de vivre en adéquation avec soi-même, c’est que la négation de soi entraîne selon elle une frustration qui débouche sur de la violence. Quand on vit dans le secret, le non-dit, que l’on est privé d’informations sur ses origines, on ne peut se construire, on est bancal.
Pour Flo Jallier nous avons tous de la violence en nous, dont il faut prendre conscience. Sur ce thème, elle nous conseille « Carnage », un film de Roman Polanski.
Et l’amour dans tout ça ?
Pour Flo Jallier, l’amour est un moteur, il fait avancer. Les individus ont besoin de savoir qu’ils sont issus d’un amour, la quête des origines est importante pour cela. Le manque d’amour conduit à la frustration et à la violence évoquées ci-dessus. La phrase « dans le plus terrible des hommes se terre l’enfant mal aimé » est récurrente dans les Déchaînés, un message on ne peut plus clair.
En résumé ?
Pendant cette rencontre, nous avons parlé de liberté, de violence, d’amour, des vraies discussions de société qu’il serait bon d’avoir plus souvent. Flo Jallier est une femme passionnée et profondément révoltée, admirable pour la force de ses convictions. Dans la salle, on a bien retenu le message : il serait temps d’essayer de nous accomplir en tant qu’individu avant de courir après une image idéale, celle que la société attend de nous. A méditer !
Merci à la bibliothèque des Eaux Claires pour l’organisation de cette rencontre !
Stellabloggeuse