samedi 27 septembre 2014

Kinderzimmer, de Valentine Goby : puissant et subtil à la fois

[ActesSud, 2013]

Je viens aujourd’hui vous parler d’un titre de la rentrée littéraire de l’année dernière. Et oui, même si à l’automne dernier ma copinaute Cajou m’avait donné très envie de découvrir « Kinderzimmer » de Valentine Goby (qui a reçu le Prix des Libraires 2014), il m’aura fallu attendre ce mois de septembre pour trouver le temps et l’occasion de le lire enfin.

Résumé

Aujourd’hui comme souvent, Suzanne Langlois est invitée dans une classe de lycée pour raconter son expérience des camps de concentration. Déstabilisée par la question de l’une des élèves, elle est amenée à s’interroger sur sa manière de présenter son histoire, leur histoire à toutes. Alors elle redevient Mila, celle qui est entrée au camp de concentration de Ravensbrück début 1944, enceinte. Une grossesse dont elle ne sait pas si elle doit la vivre comme une menace ou comme une chance.

De la survie à la maternité

On peut distinguer plusieurs parties dans ce roman. A son arrivée dans le camp de concentration, c’est l’horreur qui domine, Mila découvre les autres prisonnières, elle les voit comme un miroir d’elle-même dans l’avenir. Elle n’a alors plus qu’un objectif, survivre envers et contre tout. Dans ce contexte, sa grossesse passe complètement au second plan, le bébé n’est alors qu’une menace qui pèse sur sa vie. Mais peu à peu, le bébé à naître devient une perspective tangible. Une fois l’enfant né, Mila découvre la Kinderzimmer, ce gigantesque paradoxe : une pouponnière dans un camp de concentration. Désormais, toute l’attention de Mila est focalisée sur la survie du bébé, cela devient son objectif, sa guerre. J’ai préféré cette seconde partie, plus originale et émouvante.

Dur et émouvant

Kinderzimmer est un roman coup de poing qui ne ménage pas son lecteur. Valentine Goby nous plonge dans l’horreur des camps, on sent qu’elle s’est bien documentée sur le sujet, qu’elle a recueilli des témoignages. Durant les dernières semaines du camp, les autorités allemandes sentent la fin approcher, elles essaient de faire place nette et l’extermination prend des proportions inégalées. Pourtant, ces femmes ne perdent pas l'espoir, sabotent autant que possible ce que les allemands leurs confient, se soutiennent. L’émotion est présente également, sans déballage, on est toujours sur le fil, en retenue, car laisser cours à ses émotions dans ce contexte c’est s’effondrer, c’est mourir.

Les personnages

Mila est un personnage fort, son instinct de survie chevillé au corps. Ce n’est pas une héroïne, elle est entrée dans la Résistance parce que ses proches y étaient également, elle a fait son devoir, sans passion. Elle n’est pas prête à mourir pour sa cause. Elle devient une mère malgré elle. Elle n’a aucune idée de ce qu’elle doit faire, de ce qui se passe dans son corps, sa mère ne lui a rien expliqué. Mais son lien avec son bébé se tisse malgré tout, elle devient Mère et se bat de toutes ses forces. On rencontre d’autres personnages au camp : Lisette la cousine de Mila, Georgette qui lui enseigne son rôle de mère, la douce et volontaire Teresa qui lui a certainement sauvé la vie…

L’écriture

Le style du roman est assez particulier, avec de longues phrases hachées, entrecoupées de mots allemands. Cette écriture assez brute a rebuté quelques lecteurs, mais pour ma part j’ai trouvé cette plume très juste. Les phrases sont peu structurées, comme si les idées venaient en vrac, l’une entraînant l’autre, parfois sans logique apparente. Or, il me semble que cela colle tout à fait au travail de la mémoire, à cette narratrice qui rassemble ses souvenirs.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un roman très fort que nous offre Valentine Goby, à la fois dur et émouvant. Le lecteur est plongé dans la vie quotidienne d’un camp de concentration féminin, dans toute son horreur. La présence de ces bébés dans les camps est un bouleversant paradoxe, servi par une plume très juste, sur le fil de l'émotion. Le lien mère-fils se tisse, à l’intérieur du camp comme pour ceux du dehors, et devient pour Mila la seule guerre à gagner. L’auteure nous fait partager cette tranche de vie et met en évidence la difficulté de raconter les camps, de préserver cette mémoire collective.

Note : 4/5
Stellabloggeuse

--------

« Pouvoir te nommer, c’était une joie violente, plus encore que celle de voir ton visage, plus que celle d’être mère. Nommer quelque chose qui n’appartenait pas au camp. Prononcer, décider James, le temps de dire James prendre mon corps à mon cou et franchir les hauts murs. »


« Quand elle retournera dans cette classe au lycée, Suzanne Langlois dira exactement cela : il faut des historiens, pour rendre compte des événements ; des témoins imparfaits, qui déclinent l’expérience singulière ; des romanciers, pour inventer ce qui a disparu à jamais : l’instant présent. »

mardi 23 septembre 2014

Persuasion, de Jane Austen : un caractère très fouillé, malgré quelques longueurs

[France Loisirs, 2011]

Après avoir adoré « Orgueil et préjugés » de Jane Austen et apprécié « Raison et sentiments », cela faisait un moment que je souhaitais découvrir un troisième titre de cette auteure. Mon choix s’est porté sur « Persuasion », plébiscité par plusieurs copinautes.

Résumé

Les Elliot sont une famille noble et fière, mais désargentée à cause d’une gestion calamiteuse depuis que l’épouse de Sir Walter est décédée. Ils sont alors forcés de louer le château familial et d’aller vivre dans une demeure moins onéreuse à Bath. Anne, la fille cadette, décide de ne pas les accompagner tout de suite et de visiter sa sœur, Mary, à Uppercross. Elle est alors amenée à revoir le capitaine Wenworth, un homme qu’elle a aimé huit ans plus tôt mais qu’elle a refusé d’épouser par sens du devoir… Malgré les années, les sentiments sont-ils intacts ?

Quelques longueurs

J’ai trouvé dans ce roman de Jane Austen davantage de longueurs que dans les deux que j’ai lus précédemment. Le ton est moins vif et l’intrigue démarre très doucement. En effet, dans une première partie, l’auteure s’attache longuement au caractère de Sir Walter Elliot et de sa fille aînée, Elizabeth. Ensuite, nous faisons la connaissance des habitants d’Uppercross. Ainsi, ce n’est que dans le dernier tiers du roman que l’intrigue amoureuse se développe réellement. En revanche, j’ai trouvé la déclaration et la fin très belles, cette dernière partie m’a vraiment convaincue.

Un caractère très fouillé

Contrairement aux deux autres romans de Jane Austen que j’ai lus, où le point de vue était plutôt omniscient, ici on ne quitte jamais Anne et l’on ignore pratiquement tout des pensées des autres personnages. Ce point de vue interne permet à Jane Austen de développer une psychologie plus fouillée que jamais. Elle nous permet de mesurer les avantages qu’il y a à prendre de l’âge, la sagesse et la fermeté de caractère que cela donne. Elle vante également les vertus d’un équilibre entre un esprit trop malléble et un esprit imperméable à la persuasion.

Les personnages

Anne est un personnage à part parmi les héroïnes de Jane Austen, beaucoup plus discrète, presque terne au premier abord. Ce n’est qu’en apprenant à la connaître que l’on découvre ses mérites. Quant au capitaine Wenworth, il est charmant, et je trouve dommage que l’on ne le connaisse pas un peu mieux, il est au final assez en retrait et dialogue peu avec Anne. La famille d’Anne est un parfait exemple de famille noble orgueilleuse et désespérément à la recherche d’un mariage pouvant sauver leur situation. Les habitants d’Uppercross sont beaucoup plus simples et chaleureux. Ainsi, encore une fois, Jane Austen a construit toute une galerie de personnages qui a su me convaincre.

L’écriture

Le style de Jane Austen est toujours très plaisant. Ici, les dialogues ont un peu moins d’importance que dans les autres romans que j’ai lus, et laissent davantage place à l’introspection d’Anne. Les descriptions sont étayées et nous permettent de nous représenter les scènes. En revanche, encore une fois, l’humour rafraîchissant de « Orgueil et préjugés » m’a un peu manqué.

En quelques mots…

Ainsi, il m’a fallu un peu de temps pour « entrer » dans ce roman et en apprécier le personnage principal. Je regrette quelques longueurs, mais la dernière partie a su me convaincre et la fin est très belle. Le couple phare du roman est bien assorti, il est dommage qu’ils n’interagissent pas beaucoup entre eux durant la majeure partie de l’histoire. Enfin, l’humour qui m’avait tant séduite dans « Orgueil et préjugés » m’a un peu manqué. Malgré ces bémols, j’ai passé un bon moment.

Note : 3,5/5
Stellabloggeuse

--------

« Il n'avait pas pardonné à Anne Elliot. Elle l'avait lésé, délaissé et déçu et , ce qui est pire, elle avait montré, en agissant ainsi, une faiblesse de caractère que son tempérament décidé et confiant ne pouvait tolérer. Elle l'avait abandonné pour obliger autrui. Cela avait été l'effet d'un excès de persuasion. C'était un signe de faiblesse et de timidité. »

« Elle se fiait plus à la sincérité de ceux qui disent parfois une parole irréfléchie qu'à ceux dont la présence d'esprit ne faisait jamais défaut, et dont la langue ne se trompe jamais. »

"Je ne puis écouter davantage en silence. Il faut que vous parle, avec les moyens dont je dispose. Vous transpercez mon âme. Je suis partagé entre l'angoisse et l'espoir."

--------

Ce roman fait partie des challenges :

Challenge ABC 2014 : 12/13

 Challenge New Pal 2014 : 32/20
(Le n°31 étant le t.4 du manga Sailor Moon, non chroniqué ici)

samedi 20 septembre 2014

On ne voyait que le bonheur, de Grégoire Delacourt : un beau roman sur le manque d’amour et le pardon

[Lattès, 2014]

J’ai découvert Grégoire Delacourt avec son premier roman « L’écrivain de la famille », et succombé avec son second, « La liste de mes envies ». Si son troisième roman (« La première chose qu’on regarde ») m’a paru assez maladroit et un peu décevant, j’étais néanmoins très curieuse de découvrir son nouveau titre, qui fait déjà couler beaucoup d’encre et figure dans la première sélection du Goncourt.

Résumé

Ce roman se développe en trois volets. Dans la première partie de ce roman, Antoine, un assureur, met des chiffres sur les choses de la vie, leur donne une valeur. Ce faisant, il revient sur son enfance, le manque d’amour et de sa mère qui a quitté le foyer, la lâcheté de son père. Il évoque aussi sa vie d’aujourd’hui, l’absence de courage dont il a hérité, l’échec de sa famille. Puis dans une seconde partie, on le retrouve au Mexique, après un drame, comme dans un rêve. Enfin, dans une troisième partie, sa fille Joséphine s’exprime avec ses douleurs et ses espoirs…

Combien vaut une vie ?

J’ai mis un peu de temps à entrer véritablement dans ce roman. La première partie est intelligente, c’est un joli exercice de style de revenir sur les moments clés de la vie d’Antoine via des valeurs monétaires. S’esquissent peu à peu les lignes directrices de sa vie, son besoin d’amour insatisfait, cette absence de courage reçue en héritage, les non-dits, son incapacité croissante à exercer son métier sans compassion, cette colère qui grandit grandit grandit… jusqu’au drame, qui m’a complètement prise par surprise. La seconde partie est comme un rêve, on se trouve face à l’océan, sur les plages paradisiaques du Mexique. Antoine y réapprend à vivre, dans la simplicité, retrouve un sens à sa vie.

Une troisième partie touchante

Mais c’est la troisième partie qui m’a véritablement touchée et qui donne toute sa force à ce roman. La voix de Joséphine en fait une histoire de pardon, de rédemption. Elle affirme l’importance du lien père-fille, le besoin vital d’avoir des parents, si imparfaits soient-ils, sous peine de « grandir de traviole ». Elle brise l’engrenage du malheur. Alors oui, il y a dans ce roman quelques facilités et une issue improbable, trop belle pour être vraie, MAIS j’ai été touchée et j’ai eu envie d’y croire.

Les personnages

Antoine est un personnage de loser. Dépassé par sa propre vie, il est incapable de vivre la vie dont il a rêvé, il n’ose pas. Il est une preuve vivante des dégâts causés par le manque d’amour. Ce n’est que lorsqu’il aura tout perdu qu’il sera capable de se reconstruire. Si on ne le trouve pas forcément très sympathique, on compatit. En revanche j’ai beaucoup aimé Joséphine, sa volonté de s’en sortir, sa franchise avec elle—même. En revanche son frère, Léon, est à la dérive. J’ai également aimé Anne, la sœur d’Antoine.

L’écriture

Quant au style, il m’a paru un peu plus simple, un peu plus épuré que dans les précédents romans de l’auteur. Il est également moins chargé en références culturelles. En somme, il va à l’essentiel. Dans la première partie, les phrases sont longues, il y a beaucoup de juxtapositions par des virgules, des accumulations. La même accumulation que celle qui va pousser Antoine à agir dramatiquement. Par la suite, la plume se délie, devient plus fluide, plus légère, et l’émotion va crescendo. Ainsi, l’écriture de Grégoire Delacourt colle bien à son roman, à mon sens.

En quelques mots…

Ainsi, j'ai encore du mal à démêler les sentiments complexes que ce roman a suscité en moi, cette chronique n’a pas été facile à écrire. Mais j'ai aimé cette histoire de manque d'amour et de non dits, une histoire de pardon dont la dernière partie m’a émue. Peut-être que c'est un peu improbable, un peu facile, mais j'ai eu envie d'y croire. Pas le meilleur de l'auteur, mais un roman réussi, qui ne mérite certainement pas le mépris que lui ont opposé certains critiques "pros" qui, visiblement, n'ont jamais lu ses romans avec attention.

Note : 4/5

Stellabloggeuse
--------

« Ne sois jamais comme ton père, Antoine, sois brutal, sois fort, sers-toi, bouscule les femmes, fais-les tourbillonner, fais-les rêver, promets, même ce que tu ne pourras pas tenir, on vit toutes d’espérances, pas de réalité. La réalité c’est pour les ânes et les imbéciles, le dîner à 19h30, les poubelles, le baiser du soir, les tartelettes du dimanche à quatre cinquante chez Montois, une vie se rate, si vite Antoine, si vite. »

« Je pensais juste que j’avais eu de la chance, que c’était moi qu’elle avait choisi ce jour-là, dans la cabine d’essayage du Printemps. Moi avec lequel elle voulait des enfants, Joséphine, toi ; boire des blood and sand au bar d’un hôtel au nom imprononçable au Mexique ou ailleurs ; avec qui elle voulait vieillir. Celui qu’elle voulait rendre heureux. Je pensais que c’était à moi qu’elle offrait ce qu’elle refusait aux autres, mais l’amour rend aveugle, et sourd, et seul, et mutile, et on ne le sait qu’après. »

« Le bonheur est une telle ivresse, une telle violence qu’il emporte tout. Les pudeurs. Les peurs. Il peut être si douloureux, il peut faire vaciller, anéantir. Exactement comme le malheur. Mais on ne le dit jamais de crainte que tout le monde se méfie du bonheur. Parce que alors tout s’écroulerait. Parce que deviendrions tous des fauves qui se dévoreraient les uns les autres. »

mardi 16 septembre 2014

Ici et maintenant, d’Ann Brashares : la nostalgie du présent


Ann Brashares a d’ores et déjà marqué ma vie de lectrice avec Quatre filles et un jean, une histoire d’amitié et d’adolescence particulièrement chère à mon cœur. Aussi, lorsque l’occasion s’est présentée de découvrir ce nouveau titre davantage tourné vers la dystopie, je n’ai pas hésité.

Résumé

Prenna et ses compatriotes ont immigré de la fin des années 2090, marquées par la maladie et le chaos, pour rejoindre l’année 2010 qui leur semble paradisiaque en comparaison. Le petit groupe tente de se fondre à la société et à préserver son secret. Pour cela, il faut respecter un certain nombre de règles, notamment celle de ne pas nouer de relation intime avec les natifs de cette époque. Mais faut-il pour autant renoncer à changer le futur ?

Une dystopie qui revisite le voyage dans le temps

J’ai apprécié l’idée de base de ce roman, à savoir une sorte de science-fiction inversée : cette fois, c’est le futur qui s’installe à notre époque. Ainsi Ann Brashares a revisité avec intelligence le thème du voyage dans le temps. L’histoire est bien menée, assez prenante, même s’il ne se passe rien de très complexe. L’auteure s’approprie le genre dystopique, nous sommes en présence d’un groupe qui a immigré avec des intentions louables, qui a mis en place un certain nombre de règles, mais qui a finalement dérivé vers un embrigadement des esprits et une surveillance constante. Le groupe dans lequel vit Prenna a perdu de vue ses idéaux et privilégie son confort de vie.

Action, écologie et romance

Ce roman nous propose ainsi un mélange d’action, de réflexion écologique et de romance. L’action réside dans la tentative de Prenna pour tenter de changer le futur, d’éviter à l’humanité de connaître l’époque d’où elle vient. J’ai aimé la dimension écologique de cette histoire, Ann Brashares nous invite à ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure, sur notre chance de bénéficier de la biodiversité et d’un climat tempéré. L’auteure est nostalgique de ce que nous allons perdre. Le réchauffement climatique menace cet écosystème et pourtant, nous ne ferons sans doute rien avant qu’il soit trop tard. Espérons donc que nous serons capables de voyager dans le temps nous aussi… En revanche, concernant la romance, elle est assez effacée et n’a qu’un intérêt limité, même s’il y a une pointe d’émotion à la fin.

Les personnages

Les personnages ne sont pas extrêmement fouillés. Prenna m’a été assez sympathique, elle est révoltée et n’hésite pas à prendre des risques pour ce qu’elle croit juste. Ethan est un garçon qui a de l’humour et qui la comprend mieux qu’elle ne s’y attend, mis à part cela il n’a pas vraiment d’utilité propre. Les dirigeants de la communauté de Prenna font froid dans le dos et sont assez méprisables. Dans l’ensemble il n’y a pas vraiment de personnage qui m’aurait frappée et dont j’aurais envie de vous parler.

L’écriture

Quant au style d’écriture, il est fluide et simple, la lecture est agréable et sans obstacle. Les descriptions sont suffisantes, il n’y a rien à redire pour un roman de ce genre.

En quelques mots…

Ainsi, Ann Brashares s’approprie avec succès le thème du voyage dans le temps et la dystopie. Elle développe un propos écologique intéressant et nous propose de l’action, même si elle est assez simple. En revanche, les personnages et la romance ne m’ont pas pleinement convaincue, l’ensemble manque un peu de profondeur. Mais j’ai passé un bon moment avec ce roman, à destiner aux ados à partir de 13 ans.

Note : 3,5/5
Stellabloggeuse
--------

« Cela fait quatre ans que j’habite ici et je n’en reviens toujours pas. Quelle beauté. Au début, c’était trop pour moi – les sons, les couleurs, les odeurs, les chants, les oiseaux, les facéties des écureuils, le simple fait de pouvoir rester dehors. J’étais sous le choc ; Maintenant, je savoure tout cela intensément chaque jour. Je suis abasourdie par la luxuriance, la générosité de la nature, par tout ce qu’on peut planter, cueillir, ramasser, par les endroits où l’on peut se baigner. Les gens d’ici prétendent que les plus belles choses ont déjà disparu, mais ils se trompent. Ils ont encore tant à perdre. »

« J’ai du mal à supporter qu’une telle souffrance puisse être résumée en une phrase correcte avec des mots ordinaires. On peut même la résumer en un mot : épreuve. »


« Mais les gens d’ici ont une drôle de manière d’agir pour éviter le désastre. Ils organisent la journée mondiale de la planète et achètent des produits bio pour se donner bonne conscience. Comme s’il suffisait de porter des chaussette en chanvre et de dormir dans des draps en coton produits sans pesticide pour y changer quelque chose. En revanche, personne ne s’attaque au plus important. Parce que ça leur coûterait trop. Personne n’est prêt à faire les sacrifices nécessaires. Les hommes politiques n’en ont pas le courage. Un jour, ils seront bien obligés d’exiger des sacrifices, ils n’auront plus le choix, mais ce jour-là ce sera déjà trop tard. »

samedi 13 septembre 2014

La pluie, avant qu’elle tombe, de Jonathan Coe : trois générations de femmes

[Gallimard, 2009]

Si vous suivez un peu ce blog, vous connaissez mon amour pour Jonathan Coe, l’un de mes auteurs contemporains préférés. « La pluie, avant qu’elle tombe », est le dernier roman de son œuvre que je n’avais pas lu. Poussée par QuelBookan dont c’est le roman chouchou, j’ai fini par l’ouvrir à son tour.

Résumé

Isolée dans sa campagne du Shropshire, Rosamond vient de mourir. Mais elle laisse derrière elle une collection de cassettes enregistrées, destinées à la mystérieuse Imogen. Ne parvenant pas à retrouver cette dernière, Gill, la nièce de Rosamond, se décide à les écouter. Elle écoute Rosamond décrire pour Imogen vingt photos, qui marquent des étapes clés de la vie de Rosamond et mènent peu à peu au secret qui entoure la vie d’Imogen…

Un roman très féminin et bien mené

Selon moi, ce roman est à mettre à part dans l’œuvre de Coe, notamment parce qu’il est très féminin, tous les personnages importants de cette histoire sont des femmes, sur trois générations. Il a su, avec beaucoup de sensibilité, se glisser dans la peau de Rosamond. Il met ainsi en relief plusieurs destins, tous liés les uns aux autres. L’histoire est très bien menée, j’ai beaucoup aimé cette idée de décrire des photos pour revenir sur les tournants de la vie des personnages. Seule la fin m’a laissée assez perplexe, je me suis posée la question du but de l’auteur, du sens de tout ceci. Mais peut-être faut-il considérer que, comme souvent dans la vie, cela n’a aucun sens. Le trouver serait vain, comme il est vain de vouloir de goûter la pluie avant qu’elle tombe.

Une histoire de famille et d’amour

Rosamond fait la lumière sur l’histoire d’une partie de sa famille. L’enjeu du roman réside dans les relations mère-fille, dans le manque d’amour, dans les liens rompus faute de savoir s’y prendre. Les regrets, les secrets, les incompréhensions, les rendez-vous manqués dressent des murs infranchissables et occasionnent des drames. Il est également question de femmes qui aiment les femmes, qui dans les années 1950 et 1960 aspirent à vivre autrement. Ce thème est traité avec beaucoup de délicatesse et de justesse.

Les personnages

Rosamond est un sacré personnage que j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir. C’est une femme indépendante, qui a choisi de vivre comme elle l’entendait. Mais c’est aussi quelqu’un qui a du mal à tourner la page après un chagrin d’amour et qui vit beaucoup dans le passé. Quant aux autres, Beatrix et Théa principalement, elles sont mal aimées et aiment mal en retour, elles perdent la tête pour des hommes et négligent leur propre sang. Enfin, Imogen reste assez mystérieuse, on la connaît assez peu.

L’écriture

Dans ce roman, le style de Jonathan Coe est légèrement différent. Il délaisse l’humour pour davantage de gravité. Néanmoins, cela n’est pas trop lourd, il y a beaucoup de douceur, même si elle est teintée d’amertume. Il y a beaucoup de descriptions puisque la narration se base sur des photographies. La plume est belle soignée, c’est toujours un régal.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un roman à part dans l’œuvre de Coe, très féminin et si particulier que je n’ai pas le sentiment d’avoir su en parler comme je l’aurais voulu. Il est doté d’une construction très intelligente et d’une belle sensibilité. L’auteur a vraiment su se glisser dans la peau d’un personnage féminin. Si la fin m’a laissée perplexe, c’est une très belle lecture, même si elle ne détrône pas pour moi « Bienvenue au club » qui reste mon favori de l’auteur.

Note : 4,5/5

Stellabloggeuse
 --------

« Beatrix pouvait se montrer très égoïste, c’est incontestable : elle allait me le prouver à maintes reprises pendant des années, des décennies. Mais en même temps, elle était tout à fait capable d’amour. Plus que capable, devrais-je dire : elle était vulnérable à l’amour, voilà le mot, profondément, mortellement vulnérable. Et je crois sincèrement que, durant mon séjour à Warden Farm, elle a fini par m’aimer. A sa façon. »

« Oui, c’est vrai, rien de tout ça n’aurait dû arriver, ce n’est qu’une longue suite d’erreurs terribles, et pourtant regarde à quoi ça a abouti.  Ça a abouti à toi, Imogen ! Et quand je vois le portrait que Ruth a fait de toi, il me paraît évident qu’il fallait que tu existes. Il y a chez toi quelque chose de bon, de juste, de nécessaire. […] la vie ne commence à avoir un sens qu’en admettant que parfois, souvent, toujours, deux idées absolument contradictoires peuvent être vraies en même temps. Tout ce qui a abouti à toi était injuste. Donc, tu n’aurais pas dû naître. Mais tout chez toi est absolument juste : il fallait que tu naisses.

Tu étais inévitable. »

mardi 9 septembre 2014

La gueule du loup, de Marion Brunet : Madagascar, sublime et dangereuse

[Sarbacane, 2014]

L’année dernière, j’ai découvert Marion Brunet avec son premier roman, « Frangine », qui racontait en toute simplicité le quotidien d’une famille homoparentale. Avec ce nouveau roman qui vient de paraître, elle prend un virage radical et nous propose un thriller initiatique.

Résumé

Bac en poche, Mathilde et Lou s’offrent un voyage à Madagascar, des vacances sensées être paradisiaque. Elles s’installent en bord de mer, mais Lou ne supporte plus les insectes et l’absence d’eau courant. Alors elles partent vers la capitale, Tananarive. Elles en appréhendent le fracas et la pauvreté. Mais une mauvaise rencontre et tout bascule, les forçant à une fuite qui les entraînera au cœur de la forêt tropicale…et plus encore ?

Un thriller initiatique

Ce roman est bel et bien un thriller, il y a des passages haletants où l’on tourne les pages à toute vitesse et où l’angoisse nous serre le ventre. Le danger est là, la violence et le sang également. Les jeunes filles traversent des épreuves terribles. Pas de doute, ce n’est pas un conte de fées, même si l’ogre les poursuit dans la forêt. Mais c’est aussi un roman initiatique, puisque les deux amies sont à l’aube de leur vie d’adulte, l’heure des choix. Si Lou a peur de se tromper, Mathilde a le vertige devant les possibilités qui  s’offrent à elle et voudrait les embrasser toutes. Elle rêve d’autre chose que d’une vie rangée, et ce voyage nourrit cette envie. Les événements mettent à l’épreuve leur amitié et marqueront la fin de leur enfance.

Madagascar, belle et dangereuse

Marion Brunet nous plonge littéralement dans Madagascar, on a l’impression d’y être. L’auteure a vécu sur l’île et la connaît intimement, cela se ressent. Les cinq sens sont sollicités. On voit Madagascar, on la touche, on la hume, on la sent sur notre peau, on en découvre les sons, les chants. On la découvre à la fois sublime, dans sa végétation, ses baleines, ses lagons, mais aussi dangereuse et étouffante, désespérément pauvre mais toujours en mouvement.

Les personnages

J’ai trouvé les personnages de ce roman extrêmement vivants, Lou et Mathilde m’ont vraiment semblé réelles. Je me suis beaucoup retrouvée dans la première, craignant de faire les mauvais choix, refusant de gaspiller le temps qui lui est alloué en erreurs, mais désirant devenir un peu plus audacieuse. Quant à Mathilde, elle fonce, quitte à se cogner à la vie, mais elle découvre ici qu’elle pourrait se brûler les ailes. Autre personnage marquant, la jeune malgache Fanja, qui a une culture très différente, régie par l’honneur et guidée par les esprits.

L’écriture

En ce qui concerne l’écriture, le ton est résolument jeune, dynamique. Le style n’est pas familier, mais direct et spontané, vivant. Il n’est pas très littéraire mais colle très bien à ce que l’auteure veut raconter. Mention spéciale aux descriptions qui font prendre vie à Madagascar nous nos yeux.

En quelques mots…

Ainsi, ce nouveau roman de Marion Brunet est une réussite, entre thriller et roman initiatique. Il est bien mené, les personnages sont vivants et on tremble avec eux. On respire Madagascar, on la goutte, on la hume, on l'aime et on la craint. Un livre que je conseille aux jeunes adultes, et aux grands ados à partir de 16/17 ans.
Merci à Victor et aux éditions Sarbacane pour cette lecture!

Note : 3,5/5
Stellabloggeuse

--------

« Elle n’a peur de rien, Mathilde, jamais. Elle ne se démonte pas. Elle plonge, elle court, se jette. Dans les vagues, dans la vie, dans les bras des mecs, dans leur lit, dans l’alcool, les plans foireux, l’aventure. Plus c’est casse-gueule et plus elle y va. Lou, ça la rend dingue. »

« Elle s’égare. Son imagination lui souffle des bouts de poèmes exaltés. Sa mère le lui répète assez souvent, pourtant : de la demi-mesure en toute chose, Mathilde ! Et puis quoi encore ? Un demi-bonheur ? Des demi-amis ? Et pourquoi pas une demi-vie tant qu’on y est ? »

« Si Lou chérit cette histoire, c’est parce qu’au fond, elle aurait rêvé d’avoir la même chose que cet homme – mais pour bloquer la bobine… quitte à végéter dans le rien quelques temps. Juste cesser de sentir la course folle du temps lui grignoter la vie. C’est pour ça qu’elle a toujours peur de se planter, de faire les mauvais choix, et de regretter. Du coup, parfois elle ne vit pas. Pas comme Mathilde et ses mille vies en une seule, toujours à galoper au-devant du fil. »

samedi 6 septembre 2014

Contrecoups, de Nathan Filer : la schizophrénie, vue de l’intérieur

[Michel Lafon, 2014]

En ce début du mois de septembre, me voici avec un premier titre de la rentrée littéraire : « Contrecoups », premier roman de Nathan Filer. Cajou et son avis plus qu’enthousiaste m’avait donné très envie de le découvrir, aussi je n’ai pas hésité lorsqu’il m’a été possible de le recevoir de la part de l’éditeur !

Résumé

Matthew, 19 ans, est hanté par la voix de son grand frère, mort une dizaine d’années auparavant. Il est schizophrène, une maladie qui « ressemble à un serpent », qui lui fait perdre le fil du temps, qui brouille les frontières entre le rêve et la réalité. Pourtant, armé d’un ordinateur ou d’une machine à écrire, il s’efforce de reconstituer le puzzle, de relier son enfance marquée par le deuil à son présent nébuleux, à comprendre comment il en est arrivé là. Pourra-t-il se libérer de ce passé trop lourd ?

Un roman sensible

J’ai été touchée par ce roman très sensible qui nous fait vivre la schizophrénie de l’intérieur. Le ton est juste, il n’y a ni dramatisation ni angélisme rose bonbon, on est sur le fil, en équilibre parfait. La maladie de Matthew habite tout le roman, elle est omniprésente. Il nous fait partager le quotidien routinier d’un schizophrène, le traitement à l’hôpital de jour, les piqûres, les séjours en service psychiatriques lors des rechutes. Mais d’autres thèmes affleurent également, comme le handicap mental ou la restriction du service public en Angleterre.

Une narration maîtrisée

Matthew présente sa schizophrénie comme une maladie intelligente, qui apprend elle aussi de ses expériences. Elle brouille le fil du temps, le réel et l’imaginaire. Cela se ressent dans la construction du roman qui n’a rien de linéaire, on passe régulièrement de l’enfance de Matthew à son présent immédiat, puis à son adolescence, lorsque la maladie montre ses premiers signes. Pourtant, le lecteur n’est jamais perdu car la narration est impeccablement maîtrisée, ce qui est à saluer pour un premier roman. On assemble peu à peu les pièces du puzzle, les brides de souvenirs, les émotions, les obsessions, la répétition du quotidien.

Les personnages

Matthew est un personnage extrêmement attachant, parce qu’il se livre en toute sincérité. Il nous montre tout, de ses accès de colère et de violence, ses regrets, sa tendresse, ses peurs. Malgré la maladie il est lucide, il sait qu’il ne va pas guérir, qu’il va osciller toute sa vie entre la lutte contre sa maladie et son désir d’entendre la voix de son frère et de le retrouver. Il est entouré d’une famille qui fait tout ce qu’elle peut pour l’aider et notamment sa merveilleuse grand-mère, Nanny Noo. Sa mère est davantage sur le fil, elle a aussi ses propres démons. Enfin, même si on le connaît assez peu, on ne peut s’empêcher d’aimer Simon.

L’écriture

En ce qui concerne le style, il est très agréable, c’est un roman bien écrit et bien traduit, avec de belles métaphores et de petites illustrations bien choisies. On est dans la simplicité, Matthew s’exprime avec ses émotions, sans chercher l’effet de style. Ainsi la plume est adaptée au personnage et à son propos. Nathan Filer, qui a été infirmier psychiatrique pendant dix ans, a vraiment réussi à se mettre dans la peau de son personnage et à le faire parler. Très encourageant pour ce jeune auteur !

En quelques mots…

Ainsi, c’est un roman très bien mené et avec une belle sensibilité, qui nous fait vivre la schizophrénie de l'intérieur. De l'enfance à l'âge adulte, du deuil à la spirale de la maladie, de l'internement au suivi à domicile, Matt nous emmène dans son quotidien et retrace sa vie pour nous avec sincérité et simplicité. Une belle lecture que je vous conseille volontiers.
Un grand merci à Camille et aux éditions Michel Lafon pour cette découverte!

Note : 4/5

Stellabloggeuse
--------

« En phase de traitement lourd, je peux dormir jusqu’à dix-huit heures par jour. Pendant ces périodes-là, je m’intéresse beaucoup plus à mes rêves qu’à la réalité puisqu’ils prennent beaucoup plus de place qu’elle. Si je fais des rêves sympas, je me dis que la vie a du bon. Quand les médicaments ne marchent pas comme prévu – ou si je décide de ne pas les prendre –, je passe plus de temps éveillé. Mais alors mes rêves trouvent le moyen de me rattraper. On a tous en nous un mur qui sépare les rêves de la réalité, mais le mien est fissuré. En se tortillant, en se faisant tout petits, les rêves arrivent à passer au travers jusqu’à ce que je ne puisse plus faire la différence. »

« J’ai une maladie, une affection qui sonne comme un serpent et y ressemble. Chaque fois que j’apprends quelque chose de nouveau, elle l’apprend aussi. »

« Le pire, dans cette maladie, ce n’est pas ce qu’elle me fait croire ni ce qu’elle me fait faire. Ce n’est pas l’emprise qu’elle a sur moi, ni même l’emprise qu’elle autorise les autres à avoir. Le pire de tout, c’est qu’elle m’a rendu égoïste. La maladie mentale nous replie sur nous-mêmes. C’est mon avis. Elle fait de nous les prisonniers à vie de la douleur qui occupe nos têtes, tout comme la douleur d’une jambe brisée ou d’un pouce entaillé accapare l’attention et s’y cramponne au point que la jambe ou le pouce valides cessent d’exister. »

mardi 2 septembre 2014

Couleur ketchup, d’Annabel Pitcher : un triangle amoureux fatal

[Plon, 2013]

J’ai repéré « Couleur ketchup » d’Annabel Pitcher l’année dernière, au cours de l’une des masses critiques de Babelio. Si je n’ai pas obtenu ce titre en partenariat, le pitch du roman m’est resté en tête, et j’ai fini par l’acquérir d’occasion, avant de le mettre au programme de mes challenges 2014.

Résumé

Zoé, une adolescente de 15 ans, entreprend d’envoyer des lettres à Stuart Harris, un homme condamné à la peine de mort pour avoir tué sa femme. Elle s’imagine que, du fait du crime qu’il a commis, il pourra la comprendre, elle qui se sent responsable de la mort d’un garçon. Son erreur, c’est d’être tombée amoureuse d’un garçon tout en sortant, sans le savoir, avec son frère… Au fil des lettres, elle revient sur toute une année marquée par ce triangle amoureux fatal.

Un roman bien mené

La première qualité de ce roman, c’est d’être bien mené. L’auteure mêle habilement le présent et le passé de Zoé, sa vie avant et après le drame, en nous livrant petit à petit les pièces du puzzle. Le fait que Zoé écrive à un détenu apporte une originalité bienvenue et permet également d’aborder le thème de la prison, de la peine de mort et de la culpabilité. Malgré la mort de l’un des garçons qui pèse sur tout le roman, il y a aussi quelques touches d’humour, un humour noir et grinçant qui m’a bien plu. Enfin, on s’intéresse également à la vie de famille de Zoé, une famille un peu particulière puisque sa plus petite sœur est sourde, et que cela impacte toute la vie quotidienne.

Un triangle amoureux particulier

En dehors des thèmes de la culpabilité et du secret, le triangle amoureux est bien évidemment au centre du roman. Il change de ceux auxquels on est habitués, avec une jeune fille hésitante. Ici, Zoé sait parfaitement qui elle aime, et c’est une série de quiproquos qui met en branle un terrible engrenage, où elle finit par être piégée. Les erreurs s’accumulent et les personnages agissent mal, mais il y a derrière une belle histoire d’amour contrariée, et j’ai les dernières pages assez émouvantes.

Les personnages

Zoé est un personnage assez immature et égocentrique. Tout au long du roman, elle prend des décisions sans vraiment se soucier des sentiments des autres. Elle est très jeune, elle n’a que 14 ans lorsque cette histoire commence, et cela se ressent. Je ne me suis pas vraiment attachée à elle. Max ne m’a pas vraiment plu non plus, c’est un garçon habitué à être populaire et qui n’a pas grand-chose d’intéressant à raconter. J’ai eu du mal à oublier le coup tordu qu’il a fait à Zoé au début du roman. En revanche, on s’attache facilement à Aaron, à sa douceur et à ses rêves.

Quant à la famille de Zoé, j’ai eu beaucoup de mal avec sa mère, étouffante avec ses enfants et injuste avec son mari. Néanmoins, à la fin du roman, on la comprend un peu mieux. J’ai beaucoup aimé Sophie, la sœur du milieu qui se sent délaissée, et Dot, la petite sœur sourde qui est très espiègle.

L’écriture

En ce qui concerne le style, il est typique des romans young adult actuels, d’autant plus qu’ici, c’est Zoé qui s’exprime en écrivant ces lettres : aussi, le style est simple et parfois maladroit. Ainsi, l’écriture colle bien à une adolescente de cet âge. Le roman est assez vivant, les dialogues sont convaincants et les descriptions suffisantes. Ainsi, ce n’est pas un style très travaillé, mais l’essentiel est là.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un roman assez sombre mais non dénué d’humour, mais surtout bien mené avec une petite touche d’originalité. L’auteure nous propose un triangle amoureux un peu particulier à la fin tragique. Les thèmes de la surdité, de la culpabilité et du secret sont les fils rouges de cette histoire, à lire à partir de 14/15 ans.

Note : 4/5

Stellabloggeuse

--------

Ce roman fait partie des challenges :


Challenge ABC 2014 : 11/13


Challenge New PAL 2014 : 30/20

--------

« Aaron a fait un signe de la main et j’ai fait un signe de la main. Il a posé sa main sur la vitre et j’ai posé la mienne sur la vitre et il a pris cet air moqueur en écarquillant les yeux et en battant des cils comme si nous étions en train de vivre un moment particulier. Ce qui était marrant, c’est que c’était vrai et que nous le savions tous les deux, et c’est pour ça que nos joues se sont mises à briller d’un rouge vif parfaitement identique. »

« Si vous voulez mon avis, personne n’a le droit d’effacer un être humain comme ça, comme s’ils avaient jeté un coup d’œil à leur âme et qu’ils avaient conclu que tout y était mauvais, qu’il ne restait vraiment pas la moindre miette de bonté qui vaudrait la peine d’être sauvée. »


« Au bout d’un moment, l’officier de police a dû finir par me croire parce qu’il m’a dit que je pouvais rentrer chez moi. Sauf que ce n’était pas chez moi. C’était une bâtisse que je ne reconnaissais pas avec une famille qui me semblait être un groupe d’étrangers. Ma chambre n’était pas ma chambre et mon lit n’était pas mon lit, parce que ce n’était pas moi. J’étais quelqu’un d’autre, une étrangère que mes parents ne connaissaient pas. Une tricheuse. Une menteuse. Une tueuse. »