samedi 27 juin 2015

Invisibilité, d’Andrea Cremer et David Levithan : une intrigue originale et philosophique

[Michel Lafon, 2015]

J’ai découvert David Levithan en 2013 avec « A comme aujourd’hui », un roman original pour ados, qui n’était pas loin du coup de cœur pour moi. J’étais donc ravie de le retrouver, en duo avec Andrea Cremer pour « Invisibilité », un roman au pitch prometteur.

Résumé

Depuis sa naissance, Stephen est invisible, frappé d’une malédiction. Il mène un quotidien monotone, entre son appartement et Central Park, observant la vie autour de lui, en étant tout à la marge, existant à peine. Tout change lorsqu’il réalise que sa nouvelle voisine, Elizabeth, est capable de le voir. Pourrait-elle, à elle seule, briser le sort qui l’accable ? Ou finiront-ils irrémédiablement par être séparés ?

Une intrigue originale…

Le thème de base de l’invisibilité donne d’emblée de l’originalité à ce roman. L’explication fournie, liée à une malédiction qui sera éclaircie au cours de la lecture, ne manque pas d’imagination elle non plus, tout comme la forme de magie qui est à l’œuvre dans ce roman. C’est un aspect qui m’a plu, d’autant plus que l’invisibilité pose des questions philosophiques intéressantes concernant l’existence et la vie en société. A ces idées originales se greffe une romance qui m’aura un peu moins convaincue car trop rapide, trop évidente, mais elle devrait séduire les adolescentes. On aborde aussi le thème de l’homosexualité, de plus en plus présent dans les romans pour ados.

…mais qui manque de crédibilité

En revanche, j’ai éprouvé un certain manque de crédibilité au cours de ma lecture. Car oui, j’estime qu’une histoire fantastique peut-être crédible et s’accommoder au monde réel. Ici, j’ai eu du mal à croire pleinement à l’histoire, à entrer complètement dedans. A aucun moment je n’ai pu oublier qu’il s’agissait d’un livre, et j’ai conservé mon œil extérieur sans m’impliquer.

Les personnages

Stephen est un personnage attachant et réussi. Son invisibilité l’isole de la société, qu’il s’acharne pourtant à observer et à comprendre, dépourvu de colère, tout en questionnant sa propre existence et son rapport particulier aux autres. L’arrivée d’Elizabeth donne enfin un sens à sa vie. J’ai eu plus de mal à comprendre et apprécier cette dernière, c’est un personnage impulsif et parfois très têtu. J’ai apprécié Laurie, son petit frère à la personnalité fantasque et généreuse, toujours prêt à dédramatiser les pires situations.

L’écriture

Le roman est écrit en tandem, Andrea Cremer et David Levithan ayant, je suppose, rédigé alternativement les chapitres, offrant tour à tour le point de vue de Stephen et celui d’Elizabeth. J’ai préféré le style de David Levithan qui nous offre encore quelques belles citations sur l’amour et l’existence, à la plume plus nerveuse d’Andrea Cremer.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un roman à lire pour son originalité, liée à son thème peu commun qui incite le lecteur à une réflexion quasi philosophique. La romance est moins originale mais les adolescentes devraient y trouver leur compte. J’ai eu pour ma part un peu de mal à croire véritablement à cette histoire et à entrer pleinement dans le roman. Mais je continuerai à suivre David Levithan dont j’apprécié décidément la « patte » ! A partir de 13/14 ans.
Merci à Camille et aux éditions Michel Lafon pour cette découverte.

Note : 3/5
Stellabloggeuse
--------

« Je suis resté, à contrecoeur. Je me suis immergé dans les mots des autres, dans le parc, acharné à tisser, un nid pour mon avenir avec des brins épars qui traînaient dans ma vie. Après, un moment, j’ai cessé de me demander pourquoi. De me demander comment. Ce qui me reste, c’est simplement ma vie, et je la mène simplement. Je suis comme un fantôme qui ne serait jamais mort. »

« J’étends les bras. Je tourne sur moi-même. J’escalade quatre à quatre l’escalier illuminé de rouge qui se dresse au centre de la place. Je voltige de photo en photo. Je pose avec les touristes. Je me poste devant leurs objectifs ; Je crois leur boucher la vue, mais je me trompe. Je crois les gêner, mais je me trompe. Je crois être là, mais je me trompe. »


« Mes pensées sont libres d’aller se poser sur elle, et sur elle seule. Mais si elles vont trop loin, mon corps, réduits à ses seuls mécanismes, devient incapable de toucher, de saisir, de se tenir debout. Je dois apprendre à être conscient d’elle et conscient de moi en même temps. »

mardi 23 juin 2015

Terre-Dragon, tome 2, d’Erik L’Homme : Le chant du Fleuve

[Gallimard, 2015]

*Attention, il s’agit du tome 2 d’une série, présence de spoilers sur le tome précédent*

Je reviens aujourd’hui avec le dernier roman en date d’Erik L’Homme, la suite de sa série fantasy « Terre-Dragon » dont le premier tome avait su me convaincre grâce à son univers et son humour.

Résumé

Sur leur radeau de pierre, Aegir, Sheylis, Doom et Gaan suivent le cours du fleuve métallique qui doit les mener à Kesh la Grande. Ils devront franchir les étangs de Gansh et leurs dangers, alors que la magie est perturbée. Pendant ce temps Ishkar le Naatfarir et Chakor le sorcier noir sont toujours à leurs trousses, le long du fleuve. Quant à Sahr’sa, le dernier survivant des prêtres du Crâne, il escorte Naabin en territoire Kaafri pour accomplir une mystérieuse prophétie…

Péripéties sur le Fleuve

La grande majorité du roman se déroule sur le Fleuve, qui révèle des propriétés surprenantes et n’a pas encore livré tous ses secrets. Les étangs de Gansh recèlent bien des dangers et les personnages devront affronter de nombreuses péripéties, alors que les sorciers se trouvent privés de magie. Entre les créatures qui peuplent les étangs, les bandits, et les Naatfarirs, cette traversée n’est pas de tout repos ! Il y a du rythme, les pages se tournent toutes seules.

Des informations au compte-goutte

Ainsi, l’auteur nous offre encore un véritable roman d’aventure. Il apporte également au fur et à mesure du récit des informations sur les origines du Royaume, qui nous mènent à une mystérieuse prophétie. De nombreuses questions restent néanmoins en suspens, il faudra attendre le tome 3 pour en connaître les réponses !

Les personnages

Les personnages restent attachants, surtout Aegir qui ne sait plus vraiment qui il est, qui se découvre de nouveaux pouvoirs et qui craint le monstre tapi en lui. Son amitié avec le loyal Doom lui apporte un soutien important. Quant à Sheylis, elle perfectionne sa magie aux côtés de Gaan. Ce dernier révèle un nouveau visage, il semble en savoir beaucoup plus qu’il ne le dit…

L’écriture

Quant au style, il est similaire au premier tome : fluide et agréable, avec des bonnes descriptions, de l’humour, des extraits d’épopées/poèmes…

En quelques mots…

Ainsi, ce second tome apporte son lot de péripéties qui se succèdent à un rythme effréné. Nous en apprenons un peu plus sur le royaume et ses origines, mais le mystère reste entier et la fin nous laisse dans l’attente insoutenable du troisième tome. Pour les esprits aventuriers, dès 10/12 ans.

Note : 3,5/5
Stellabloggeuse
--------

« Par moments, je me surprends à regretter ma cage. Tout était plus facile. Maintenant, j’ai l’impression que le monde s’effondre sur moi. Je cours dans la pente, poursuivi par une avalanche. Je ne sais plus où je suis, ce que je dois faire. Ni même qui je suis… »

« C’étaient des Brûlés. Le peuple maudit, marqué à jamais par la grande guerre des temps anciens. Le vivant reproche adressé à toutes les violences. Il remarqua l’état de délitement des corps, les chairs crevassées, les cloques immondes, le malheur écrit en marques profondes dans des yeux empreints de tristesse. Leurs vies étaient sacrées à la mesure des souffrances qu’ils enduraient. »

dimanche 21 juin 2015

Sœurs sorcières, tome 3, de Jessica Spotswood : un final explosif !

[Nathan, 2015]

*Attention, il s’agit du tome 3 d’une série, présence de spoilers sur les tomes précédents*

« Sœurs sorcières » de Jessica Spotswood est l’une des séries fantastiques pour ados qui m’aura le plus enchantée ces dernières années, grâce à son mélange réussi de sorcellerie, de société mondaine à la Jane Austen et de lutte pour les droits des femmes dans un monde où elles sont opprimées. Le premier tome était excellent, et le second agréable malgré quelques longueurs. Que me réservais donc cet ultime tome ?

Résumé

En une nuit, la vie de Cate a basculé. Si la libération des prisonnières de Harwood a été un succès, Sœur Inez a été trop loin en effaçant la mémoire du conseil des Frères, rendant imminente l’affrontement entre ces derniers et les sorcières. Mais surtout, elle a perdu Finn, Maura ayant effacé les souvenirs de leur relation. Cate va devoir puiser dans des forces insoupçonnées pour défendre la justice et sa conception du rôle des sorcières. Mais pourra-t-elle pardonner à sa sœur ? La prophétie va-t-elle se réaliser en tous points ?

Un tome extrêmement prenant

Si le second tome comportait des longueurs, il n’en est rien pour celui-ci, qui démarre sur les chapeaux de roue et vous tient en haleine tout du long ! Cela a été une torture de ne pas pouvoir le lire de manière continue, et de devoir le poser pour reprendre mon quotidien. L’intrigue est rythmée, surprenante, cohérente, et la fin est très réussie, à la fois spectaculaire, et crédible concernant la suite des événements. La narration est donc impeccablement maîtrisée.

Une intrigue riche et équilibrée

J’ai trouvé ce tome équilibré, très bien dosé entre des moments d’action opposant les sorcières aux Frères, l’évolution de Tess hantée par ses visions, les intrigues au sein de l’ordre des Sœurs, les rapports entre Cate et ses deux sœurs (la prophétie selon laquelle l’une en tuera une autre pesant de plus en plus sur leurs épaules), la nouvelle tournure de sa relation avec Finn, le développement de ses amitiés avec les autres sorcières et ses tous nouveaux liens avec la Résistance. C’est donc un tome très riche qui m’a ravie du début à la fin, qui m’a fait frissonner et qui m’a émue.

Les personnages

Cate restera un personnage cher à mon cœur. Elle est profondément bonne, désintéressée pour elle-même, soucieuse de justice. Elle a connu une belle évolution, acceptant enfin ses pouvoirs de sorcière comme un don, et non comme une malédiction. Maura quant à elle est un personnage d’une belle complexité, tiraillée entre son besoin d’être aimée, de prouver sa valeur, et de son affection pour ses sœurs. Tess s’assombrit dans ce tome, ses visions sont un lourd fardeau pour ses douze ans, et même si elle est très mûre, c’est beaucoup pour elle. Finn reste gentil, solide et rassurant malgré ses trous de mémoire. Enfin, nous découvrons le personnage d’Alistair, un brin misogyne mais dont le duo explosif avec Rilla est très rafraîchissant.

L’écriture

Quant au style, il est toujours aussi agréable, surtout pour un roman écrit à la première personne et au présent. Les descriptions sont réussies, les sentiments et les émotions sont présents, ainsi que l’humour, bienvenu dans ce tome sous tension.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un petit coup de cœur pour ce troisième tome qui apporte la meilleure conclusion possible à cette saga, avec une narration maîtrisée, une intrigue haletante et une belle palette d’émotions. Avec son mélange de magie, d’intrigues politiques et de relations amicales, familiales et amoureuses, c’est sans doute l’une des meilleures séries fantastiques pour ado parues ces dernières années. Pour un public plutôt féminin, à partir de 13/14 ans.

Note : 5/5 (coup de cœur)
Stellabloggeuse
--------

« Je voudrais pouvoir la briser. Je voudrais que la porcelaine explose entre ses mains, que ses éclats la transpercent, que sa peau crème se couvre d’écarlate. Je voudrais lui faire mal comme elle nous a fait mal, à Finn et à moi. »

« Non, aimer Finn ne m’a jamais rendue faible. Et le perdre… Je ne laisserai pas non plus cette perte m’affaiblir. Je suis plus forte que tu ne le crois, Maura. »


« De nouveau, mes joues ruissellent. Mère. Je voudrais qu’elle soit là. Je voudrais quelqu’un pour me prendre dans ses bras, me caresser les cheveux, me murmurer que tout ira bien. Mais je ne suis plus une enfant, et même si quelqu’un me disait que tout ira bien, je ne le croirais pas. Ce soir est une croisée des chemins. »

mercredi 17 juin 2015

Night School, tome 5, de C.J. Daugherty : Fin de partie


*Attention il s’agit du dernier tome d’une série, présence de spoilers sur les tomes précédents*


Me voilà aujourd’hui pour conclure la chronique d’une série en cinq tomes, qui m’aura fait passer par toutes les émotions, des meilleures aux pires : Night School de C.J. Daugherty, bien évidemment ! Après un premier tome prometteur, un second à s’arracher les cheveux, un troisième avec une bonne évolution du personnage, et un quatrième qui se terminait sur un suspense insoutenable, j’attendais avec impatience la conclusion de cette saga !

Résumé

Allie est anéantie, une fois de plus. Cette fois, Nathaniel lui aura arraché le temps d’une même soirée sa grand-mère Lucinda et l’amour de sa vie, Carter. De retour à Cimmeria, elle n’a qu’une obsession : trouver une preuve qu’il est en vie et le localiser. S’engage une dernière course contre la montre pour le récupérer vivant, avant de pouvoir enfin terminer la partie et la perdre en beauté…

Une bonne conclusion

Ce tome continue sur la lignée des précédents avec un mélange de thriller et d’intrigues sentimentales. A ceci près que cette fois, le thriller prend le dessus avec une tension inédite, un suspense insoutenable lié au sort de Carter, alors qu'Allie vient tout juste de réaliser (enfin!) qu'elle l'aimait. Je ne vous dirai pas, bien évidemment, comment tout cela a fini, simplement que ce tome est à la hauteur des précédents, et qu’il apporte une conclusion tout à fait satisfaisante à la série. C.J. Daugherty a de la suite dans les idées et son histoire se tient.

Alors oui, on peut reprocher à cette série un côté très teenager et le sempiternel triangle amoureux est parfois pesant. Mais n’oublions pas que les ados sont le public visé. Pour ma part, ces romans m’auront fait retrouver mes 15 ans, j’ai été embarquée, bien malgré moi, à chaque fois. L’auteure est douée pour susciter des émotions, pas de doute là-dessus. Sans oublier que l’histoire est originale, avec ce thème des sociétés secrètes, je n’avais encore rien lu de tel.

Les personnages

Allie et moi sommes passés par bien des phases dans notre relation, de la sympathie à l’envie de lui donner des baffes, rien ne nous a été épargné. Mais elle a connu une belle évolution, la voilà plus forte et enfin sûre d’elle. Elle reste assez épouvantablement lâche dans ses rapports amoureux, mais on va dire que c’est l’âge, et la peur de blesser… Carter reste LE personnage masculin marquant, son côté ténébreux et son humour fonctionnent du tonnerre, même s’il est quasiment absent de ce tome. Je n’aurais jamais vraiment apprécié Sylvain, malgré ses efforts, je fais partie de ceux qui sont incapables d’oublier ce qu’il a fait dans le premier tome. En revanche j’ai aimé les personnages secondaires : Rachel, Zoé, Katie, et certains nouveaux comme Neuf, le garde de Nathaniel.

L’écriture

En ce qui concerne l’écriture, elle est typique des romans young adult, plutôt simple et efficace. Il y a du rythme, des émotions, les réflexions sont cohérentes : le lecteur e retrouve engagé auprès d’Allie. Les descriptions de Cimmeria m’auront particulièrement ravie tout au long de la série, et donné envie d’aller dans une telle école !

En quelques mots…

Ainsi, cette série qui m’aura fait passer par toutes les émotions trouve ici une conclusion à la hauteur des événements précédents, avec un tome plein de tension. C.J. Daugherty fait passer Allie et son lecteur par des moments de bonheur intense, de grand doute, de peur, de rage. Si les triangles amoureux ne vous dérangent pas (trop), si vous voulez une intrigue originale, et si l’envie vous prend de revivre vos années lycée, n’hésitez pas, lisez Night School ! A partir de 14/15 ans.

Note : 4,5/5
Stellabloggeuse
--------
« Tout s’éclairait à présent. Jerry Cole lui avait dit de n’aller aux pourparlers qu’accompagnée de personnes de confiance. Maintenant, elle comprenait pourquoi. « Emmène quelqu’un en qui tu as toute confiance pour que Nathaniel puisse te l’arracher. Emmène quelqu’un en qui tu as toute confiance pour que Nathaniel puisse le tuer. Comme il a tué Jo. » Se débattant vainement avec la portière, elle étouffa un sanglot. Elle ne pouvait pas descendre. Elle ne pouvait pas y retourner. »

« -Vous vous êtes parfaitement fait comprendre. Maintenant, laissez-moi à mon tour vous faire comprendre une bonne chose : Lucinda Meldrum s’est battue pour mettre un terme à cette guerre. Elle a donné sa vie pour ça. C’est tout ce qu’elle voulait : la paix. Ce conflit a ruiné sa vie, la vie de Nathaniel, la mienne et celle de tous ceux qui vivent entre ces murs.
Elle reprit son souffle, indifférente à la stupeur qui se peignait sur les visages de ses auditeurs.
-Alors non, je ne me joindrai pas à vous pour regagner le contrôle d’Orion. Je ne veux rien avoir à faire avec Orion. Je ne veux même plus en entendre parler. »
--------

Ce roman fait partie des challenges :

Challenge ABC 2015 : 20/26

Challenge 100% R : 26e lecture

vendredi 12 juin 2015

La symphonie des abysses, tome 2, de Carina Rozenfeld : un hymne à la différence et à la liberté


*Attention, il s’agit du second tome d’une série, présence de spoilers sur le tome précédent*

Depuis 2012 et la parution de « Phaenix », j’apprécie beaucoup les écrits de Carina Rozenfeld, qui possède une belle plume associée à de bonnes idées. J’avais été plutôt convaincue par la première partie de sa « Symphonie des abysses », même si beaucoup de questions restaient en suspens. Il était donc temps de terminer cette aventure.

Résumé

Arrivés dans la ville de Portes et attaqués par la population, Abrielle, Cahill et Sand ont été secouru par Eyal, un jeune métis. Le début du roman nous en apprend davantage sur ce jeune homme et son histoire, ce qui l’a mené jusqu’ici. Nous retrouvons ensuite nos amis qui quittent la ville, en quête d’une nouvelle piste pour trouver une brèche dans le Mur, quitter l’Atoll et goûter enfin à la liberté. Cette quête leur apprendra les origines de l’île, pour le meilleur et pour le pire.

Un univers à part

Une nouvelle fois, ce second tome m’aura emmené complètement ailleurs, le dépaysement est garanti tant cet univers n’a rien en commun avec notre quotidien. De plus, les explications tant attendues sont enfin fournies, vous saurez tout sur les origines de l’Atoll et sur ce qu’est devenu le monde après la Pluie de la Lune. J’ai aimé ces explications, les trouvailles de l’auteur sont bonnes. Le mystère de la symphonie des abysses est également levé, et là encore j’ai trouvé l’idée brillante et très jolie. Cet univers m’a bel et bien convaincue !

Une fin ouverte mais satisfaisante

Si le premier tome faisait la part belle à la musique, celle-ci est un peu plus en retrait dans ce tome, qui prend davantage des allures de roman d’aventure. L’Atoll recèle décidément bien des dangers, et nos amis ne sont pas au bout de leurs peines. Les thèmes de la différence et de la liberté sont traités de belle façon. Quant à la fin, elle reste ouverte, mais suffisamment précise pour ne pas frustrer le lecteur, à mon goût en tout cas. Seuls bémols pour ce tome : un peu trop de guimauve dans les rapports entre les personnages, même si la relation entre Cahill et Sand reste à mes yeux très juste et très belle. Certains obstacles sont également franchis de manière un peu trop « miraculeuse ».

Les personnages

Mis à part Eyal que l’on découvre véritablement dans la première partie du roman, les personnages sont moins fouillés que dans le premier tome. En effet, nous suivons le groupe dans son ensemble la plupart du temps, et non chaque personnage individuellement. Cahill et Sand gardent ma préférence, eux dont l’amour est à l’épreuve des changements de leurs corps.

L’écriture

Lire Carina Rozenfeld est toujours un plaisir. Les phrases sont belles et rythmées, les descriptions sont riches. La lecture est fluide et agréable.

En quelques mots…

Ainsi, ce second tome clôt la Symphonie des abysses de manière tout à fait satisfaisante. Cette saga est un vrai voyage, ainsi qu’un hymne à la différence et à la liberté. L’univers a su me convaincre et j’ai particulièrement apprécié les idées de l’auteure concernant le monde extérieur à l’Atoll, ou les origines de ce dernier. Malgré un peu « d’eau de rose » dans les rapports entre les personnages et des solutions parfois un peu faciles, j’ai passé un bon moment. Pour les grands ados à partir de 15/16, et les adultes qui aiment faire appel à leur imaginaire.

Note : 4/5
Stellabloggeuse
--------

« -En écoutant vos histoires, je me dis que rien n’arrive par hasard. Tous ici, dans cette pièce, nous souffrons de nos différences, nous aspirons à la liberté et à une autre vie. Nous voulons pouvoir affirmer nos choix et ce que nous sommes, sans avoir à nous cacher ou à craindre les autres. Je suis comme vous… Exactement comme vous… »

« Sand laissa passer un silence, cherchant ses mots. Comment exprimer ce qu’il avait au fond du cœur, comment lui faire comprendre que l’amour qu’il ressentait à son égard n’avait jamais été une question de physique ? Quand ils étaient Neutres, ils étaient laids, l’un et l’autre, et pourtant ils s’aimaient. Et quand ils avaient eu peur que leur choix au moment de l’Injection change quelque chose entre eux, c’était pour leurs âmes, pour ce qu’ils étaient au fond d’eux-mêmes et qui les rendait beaux à leurs yeux. »
--------

Ce roman fait partie des challenges :

Challenge ABC 2015 : 19/26


Challenge 100% R : 25e lecture

mardi 9 juin 2015

Et plus encore, de Patrick Ness : original malgré quelques longueurs

[Gallimard, 2014]

Je n’avais encore jamais lu de roman de Patrick Ness, même si je sais qu’il est très apprécié de mes collègues bibliothécaires et sur la blogosphère. Je me suis donc lancée avec son dernier titre intitulé « Et plus encore ».

Résumé

Seth se noie, après une lutte contre des vagues trop puissantes et trop froides. Il se réveille en Angleterre, dans la ville de son enfance, à ceci près que les lieux sont complètements déserts, et le climat très étrange. Dans cet univers post-apocalyptique, il va partir en exploration pour tenter de déterminer où il est : est-il en enfer ? Est-ce une manière pour son cerveau de lui faire accepter sa mort ? Ou quelque chose de plus réel et de plus incroyable ?

Quelques longueurs, et une fin frustrante

Mon ressenti sur ce roman est assez paradoxal, dans le sens où j’ai ressenti pas mal de longueurs tout au long de ma lecture, certaines actions mettant extrêmement longtemps à se dérouler, mais où j’ai aussi trouvé à ce roman assez addictif : je voulais savoir la suite, je voulais connaître le fin mot de l’histoire… ce qui n’est jamais arrivé puisque la fin est très très très ouverte. C’est quelque chose que j’apprécie la plupart du temps, mais là il m’a semblé que l’auteur ne savait pas comment dénouer une bonne fois pour toute son intrigue, comment aller plus loin sans s’embarquer dans 400 pages supplémentaires.

Un univers et des réflexions intéressants

Au-delà de ces considérations sur le rythme du roman et sur sa fin, j’ai apprécié l’univers développé, ce monde désert et ses dangers. Il ouvre une réflexion à la fois sur la mort et ce qui peut se situer après, mais aussi sur les univers virtuels et la vie par procuration qu’ils proposent. Enfin, le roman propose également une romance, avec un dramatique triangle amoureux (un carré, même, pourrait-on dire !).

Les personnages

Seth est un jeune homme attachant et complexe. Il est rongé par la culpabilité, vis à vis d’un événement dramatique de son enfance. Il se sent délaissé par ses parents, invisible à côté d’un petit frère qui prend toute la place. Une histoire d’amour lui apporte un temps la sensation qu’une autre existence est possible, mais les choses tournent mal. Je l’ai trouvé touchant. Mais je crois que j’ai encore plus apprécié le jeune Tomasz, son côté classique et rétro, son côté enfantin allié à la profondeur de ses réflexions. Régine m’a laissée plus indifférente, malgré sa colère à fleur de peau.

L’écriture

Quant au style, je l’ai trouvé agréable dans l’ensemble, mais j’ai eu la sensation que la traduction aurait pu être meilleure, je ne sais pas bien comment l’expliquer. L’auteur alterne des passages assez littéraires et d’autres plus simples. En tout cas, puisqu’on parle de la forme, j’ai regretté la présence de nombreuses coquilles, il me semble qu’une maison comme Gallimard pourrait être plus rigoureuse dans la correction.

En quelques mots…

Ainsi, j’ai passé un bon moment en compagnie de ce roman original qui propose des réflexions intéressantes. J’ai regretté quelques longueurs mais les pages se sont tournées facilement tant je voulais connaître la fin. Cette étant mon plus gros regret, tant je l’aurais aimé un peu plus tranchée, pas forcément complètement, mais davantage. Un roman pour les bons lecteurs à partir de 15 ans.

Note : 3/5
Stellabloggeuse

--------
« En ces derniers instants, ce n’est pas l’eau finalement qui l’achève, c’est le froid. Le froid a saigné à blanc toute son énergie et contracté ses muscles en une inutilité douloureuse, malgré ses efforts désespérés pour rester à la surface. Il est fort, et jeune, presque dix-sept ans, mais les vagues hivernales ne cessent de revenir, chacune apparemment plus grosse que la dernière. »

« La bête va l’attraper avant qu’il atteigne les marches qui descendent de l’autre côté.
‘Je vais me faire tuer. Par un COCHON. En ENFER.’
Et cette pensée lui paraît tellement insupportable, tellement révoltante, qu’il manque presque l’opportunité de s’en tirer. »
--------

Ce roman fait partie du challenge :

Challenge ABC 2015 : 18/26

vendredi 5 juin 2015

Perdue et retrouvée de Cat Clarke : kidnappée à 6 ans, retrouvée 13 ans plus tard


Si vous suivez ce blog depuis un petit moment, vous savez sans doute que j’apprécie Cat Clarke et son originalité, même si ses romans ont quelques points faibles. J'ai apprécié "Confusion" et "A kiss in the dark", et adoré « Revanche » qui a été l’une de mes lectures préférées en 2013. Quand l’occasion s’est présentée de découvrir son petit dernier grâce à la Masse Critique de Babelio, je n’ai pas hésité !

Résumé

Faith, 17 ans, vit depuis des années dans l’ombre de sa sœur Laurel, enlevée dans leur jardin alors qu’elle était âgée de 6 ans. Ses parents n’ont jamais cessé les recherches et sont très actifs dans les médias pour que personne n’oublie sa sœur…jusqu’au jour où on la retrouve enfin. Faith appréhende la cohabitation avec cette sœur qu’elle connaît à peine, mais les choses se passent bien…à quelques détails près, des détails qui comptent pour Faith et la plongent dans le doute.

Un thème original

Aucun des romans de Cat Clarke ne ressemble à l’autre, et celui-ci n’échappe pas à la règle. Elle s’empare ici du thème des enfants disparus, en adoptant le point de vue de la petite sœur, ce qui apporte une distance intéressante. L’histoire tourne en partie autour de la « machine médiatique » qui entoure Laurel : les médias espèrent bien profiter de son retour pour vendre, sous couvert d’empathie pour la famille. Cat Clarke nous fait également entrer dans l’intimité de la famille. Les parents se réjouissent du miracle du retour de Laurel. L’existence de Faith est bouleversée, sa sœur prend toute la place dans sa vie et elle a du mal à retourner à ses centres d’intérêts habituels, à porter de l’attention à sa meilleure amie et à son petit ami.

Un roman addictif

Dans une première partie, peut-être un peu longue, les choses se passent bien et les deux sœurs nouent des liens forts. Puis le doute s’insinue… Dans cette seconde partie, j’ai eu du mal à lâcher le roman. Même si je me suis doutée de la teneur de la fin, je voulais savoir comment les choses allaient se passer, et le dénouement lui-même m’a surprise (je ne sais pas si je l’approuve ou non pour l’instant).

Les personnages

J’ai eu de la sympathie pour Faith et je me suis attachée à elle, ce qui n’est pas toujours le cas avec les personnages de Cat Clarke. Mais Faith est une jeune fille honnête avec elle-même. En son for intérieur, elle admet que le retour de sa sœur lui fait peur, après s’être habituée à vivre sans elle. Pourtant elle se réjouit et même lorsque les doutes apparaissent, elle hésite longtemps avant de faire confiance à son instinct, elle se raisonne beaucoup. On peut avoir l’impression qu’elle change tout le temps d’avis, mais cela reflète son débat intérieur entre prendre soin d’elle-même et la préoccupation de sa sœur. Laurel m’a peu inspiré confiance, notamment dans son attitude avec la presse. En revanche j’ai beaucoup aimé Michel, le compagnon du père de Faith et Laurel, un homme sensible et clairvoyant (et français !).

L’écriture

Concernant le style, on est dans la lignée des derniers romans de l’auteure : des tournures moins familières qu’auparavant, plus classiques, qui passent mieux à l’écrit. Et ce même si l’on reste dans la simplicité. Ici, on a vraiment l’impression d’être dans la tête de Faith, d’une jeune fille de 17 ans.

En quelques mots…

Ainsi, ce roman est un bon cru de Cat Clarke, mon préféré après « Revanche ». J’ai apprécié l’originalité du thème. Même si l’intrigue met du temps à véritablement démarrer, j’ai dévoré la seconde moitié du roman et été surprise par la fin, même si une partie était nettement prévisible. Ce titre devrait plaire aux adolescents à partir de 13 ans.

Note : 4/5
Stellabloggeuse
--------

« -Je suis désolée. Je n’ai pas été là pour veiller sur toi.
Un nœud se forme au fond de ma gorge.
-C’est ce que les grandes sœurs sont censées faire, pourtant. Et je n’étais pas présente pour toi.
-Tu es là, maintenant. C’est la seule chose qui compte.
C’est un mensonge. Tout compte. Chaque petit bout d’histoire. Mais nous ne pouvons pas changer le passé. Je me surprends à formuler en silence le vœu d’être la meilleure sœur qui soit – d’agir du mieux possible pour rattraper les années perdues. C’est le moins que je puisse faire. »

« La culpabilité… Toujours présente, tapie dans l’ombre. Comme Laurel ! C’est comme si j’avais à me sentir éternellement reconnaissante, comme si le moindre sentiment négatif m’était interdit. Parfois, tard la nuit, quand le sommeil ne vient pas, j’ai peur que quelque chose d’affreux arrive à ma sœur. Qu’une voiture la renverse, qu’une arête de poisson l’étouffe… à cause de moi, parce que je ne serais pas assez contente de l’avoir retrouvée. Je m’inquiète qu’on nous reprenne Laurel pour me punir. »
--------

Ce roman fait partie du challenge :

Challenge 100% R : 24e lecture

mercredi 3 juin 2015

Et je danse, aussi, d’Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat : drôle et touchant

[Fleuve, 2015]

De Mourlevat, j’ai lu et beaucoup aimé « Le combat d’hiver », « Terrienne » et "Silhouette". D’Anne-Laure Bondoux, j’ai beaucoup entendu de bien, mais je n'ai pas encore vraiment pris le temps de la lire, mis à part quelques titres de l’Ecole des loisirs il y a bien longtemps… Aussi, l’idée de voir ces deux auteurs réunis dans un roman épistolaire m’a beaucoup plue !

Résumé

Pierre-Marie, un écrivain célèbre en panne d’inspiration, reçoit un jour une épaisse enveloppe de la part d’Adeline Parmelan. Pensant qu’il s’agit d’un manuscrit, il refuse de l’ouvrir mais envoie un mail à son expéditrice. Une correspondance s’engage alors, presque à leur insu, où ils retracent des brides de leur existence comme on rassemblerait des poussins égarés. Une authentique affection s’installe entre eux, mais le paquet n’a pas encore livré son terrible secret…

Un début un peu rapide

Au tout début de ma lecture, j’ai éprouvé un certain malaise à la lecture des premières lettres. En effet, pour moi, l’échange s’instaurait trop rapidement, les deux protagonistes commençaient un peu trop vite à se livre, surtout Pierre-Marie pour qui cela marquait un fort contraste avec son refus du début. Néanmoins je suis entrée dedans assez rapidement, et j’ai commencé à croire à l’histoire de ces deux personnages. Ils nous racontent l’histoire d’un écrivain confronté à la page blanche, patriarche d’une vaste tribu, et d’une femme qui manque terriblement de confiance en elle et que la vie n’a pas épargnée.

Un roman moins léger qu’il n’en a l’air

La première moitié du roman est assez légère, marquée par l’humour des deux correspondants (certaines scènes sont même assez tordantes), et par les bons mots dont ils nous régalent. Mais peu à peu se dessine un secret, une révélation qui menace leur amitié et jette un nouvel éclairage sur tout ce qui a été lu précédemment. Ainsi, ce roman est plus profond qu’il n’en a l’air. En approchant de la fin, la légèreté laisse d’ailleurs de plus en plus la place à l’émotion, et j’ai été touchée par la conclusion du roman.

Les personnages

Les personnages font la force de ce roman. Adeline est très attachante, de par son manque de confiance en elle mais aussi sa grande sensibilité. Malgré sa relative solitude elle est extrêmement vivante, et on aimerait la connaître. Pierre Marie est un peu moins sympathique, il est parfois un peu vaniteux ou donneur de leçons, mais on lui pardonne assez volontiers. Le tandem fonctionne bien, et c’est là l’essentiel. Quelques autres personnages apportent leur grain de sel : Max et Josie, les meilleurs amis de Pierre Marie, son éditeur Olivier, ou le « bulldozer » Lisbeth.

L’écriture

Autre point fort du roman : le style. Chacun de ces deux auteurs possède une belle plume qui nous régale par leurs tournures de phrases, leur sensibilité et leur humour. Le format du mail les oblige à une certaine simplicité, à aller à l’essentiel, mais ils parviennent néanmoins à déployer tout leur talent.

En quelques mots…

Ainsi, ce roman est une bonne surprise, à la fois rafraîchissant par son humour et moins léger qu’il n’en a l’air, et même touchant, sur la fin. Il est porté par des personnages attachants qui forment un tandem de choc, et par deux des plus belles plumes francophones. Que demander de plus ?

Note : 4/5
Stellabloggeuse
--------

« La fête des cœurs et des corps. Ça dure ce que ça dure. Et puis les couleurs pâlissent, les lignes claires se brouillent. Viennent les malentendus, le doute, le ressentiment (j’ai failli mettre ici des points de suspension, je me suis rattrapé de justesse). J’ai l’impression de vivre tout cela avec vous, en virtuel et en accéléré, mais avec toutes les nuances du processus, par exemple celle-ci : en vous écrivant à l’instant, je fais comme si tout allait bien, de la même façon que les couples qui se séparent jouent, le temps d’un répit, sur l’oreiller ou non, la comédie de leur amour fini. Leur été indien. Encore une fois. Une dernière fois. Ils y ajoutent juste leurs larmes. »

« Je vous envoie quelques grains de sel d’Oléron, Pierre-Marie : de celui que l’on trouve au bord des marais, mais aussi au bord des paupières, certains soirs, quand la lumière du couchant enveloppe les choses d’une douceur insupportable. »