vendredi 1 novembre 2013

En octobre 2013...

L'automne avance, les jours raccourcissent, et voici l'heure du bilan du mois d'octobre !

Ce mois-ci, j’ai donc lu et/ou chroniqué :
  
Déception :

La fête de l'ours, de Jordi Soler (2,5/5)

J'ai vraiment aimé :

Une part de ciel, de Claudie Gallay (3,5/5)
Les passagers de l'Anna C, de Laura Alcoba (3,5/5)

Ils m'ont "embarquée" :

Les mondes d'Ewilan, tome 1 : La forêt des captifs, de Pierre Bottero (4/5)
Kléber, de Henri Courtade (4/5)

Les faibles et les forts, de Judith Perrignon (4,5/5)
La fabrique du monde, de Sophie Van der Linden (4,5/5)
La 5e vague, tome 1, de Rick Yancey (4,5/5)







Autant vous dire que je suis absolument ravie de mon mois livresque ! Sur 8 lectures, 5 ont mérité une note d'au moins 4/5. Je me suis régalée, dans des genres très différents, de la fantasy aux tranchées de Verdun en passant par la Louisianne et la Chine, avec un petit détour par la science-fiction !

   
Le chouchou du mois :


 Les articles les plus consultés par les visiteurs :
  
-Antéchrista, d'Amélie Nothomb (235 vues)
 -L'oiseau bleu, de Madame d'Aulnoy (179 vues)
  -Kléber, de Henri Courtade (148 vues)
  
Un petit nouveau dans le trio de tête des articles consultés, je suis très contente que "Kléber" vous ai intéressée car j'ai beaucoup aimé ce petit roman sur le héros méconnu de la bataille de Verdun !

Le mois prochain je souhaite lire : 

-Esprit d'hiver, de Laura Kasischke
-Iced, de Karen Marie Moning
-Zouck, de Pierre Bottero
-Pietra Viva, de Leonor de Recondo

  En ce moment je lis :
  


Du nouveau dans ma bibliothèque :

-La fille de braises et de ronces, tome 2 : La couronne de flammes, de Rae Carson (cadeau)
-Persepolis, de Marjane Satrapi (cadeau)
-Iced, de Karen Marie Moning (cadeau)
-Raison et sentiments suivi de Persuasion, de Jane Austen (troc)
-Kléber, de Henri Courtade
-Esprit d'hiver de Laura Kasischke (rentrée littéraire Price Minister)
-Pietra Viva de Léonor de Recondo (rentrée littéraire Price Minister)





 Un mois bien rempli, mais sans frais ! :D

Ce mois-ci le blog a reçu :

  3543  visites.
Merci à tous pour vos passages par ici et vos commentaires ! 
      

    Je vous souhaite un bon mois de novembre,
A très vite!


Stellabloggeuse

mardi 29 octobre 2013

La fabrique du monde, de Sophie Van der Linden : un dramatique espoir


Jusqu’ici, Sophie Van der Linden était connue en tant que professionnelle de la littérature jeunesse. Avec « La fabrique du monde », elle nous a offert en cette Rentrée littéraire 2013 un premier roman dont le résumé et la couverture m’ont immédiatement attirée.

Résumé

Agée de 17 ans, Mei vit et travaille dans une usine chinoise. Elle a quitté ses parents et la campagne, tandis que son grand frère poursuit des études à l’université. Mei voulait découvrir la ville, mais elle n’en voit rien. Sa vie est collective, vouée à l’usine, rythmée par les commandes. Mei a l’habitude, mais un sentiment de révolte gronde en elle. Lors d’une parenthèse enchantée, à l’occasion du nouvel an, elle laisse libre cours à ses rêves et à ses émotions. Avec de terribles conséquences.

Le quotidien d’une usine

L’auteure nous plonge au cœur d’une usine textile en Chine. Mei travaille à l’atelier de couture et nous décrit la routine des commandes, la sensation du tissu sous les doigts. La surveillance impitoyable du contremaître, le chantage au salaire. La révolte, parfois, vite étouffée. Les accidents, parfois graves, lorsque l’on veut travailler trop vite ou que l’on est distrait. Les temps de pause sont quasiment inexistant et le bol de nouilles du midi presque avalé en marchant. Le soir, les filles essaient de se détendre malgré la fatigue, elles vont au marché nocturne, elles se sont la lecture. Prises dans ce système, les filles ont tendance à oublier leur individualité et à disparaître derrière les intérêts de l’usine.

Une parenthèse enchantée…

Pourtant, dans ce quotidien sans surprise, Mei se voit offrir une parenthèse enchantée. A l’occasion du Nouvel an, elle reste quasiment seule à l’usine, faute d’argent pour rendre visite à ses parents. Sa vie est alors bouleversée par des rêves obsédants, et par un rapprochement inattendu. J’ai beaucoup aimé cette parenthèse de douceur, presque trop belle, mais comme Mei, on a envie d’y croire. Le retour sur Terre n’en est que plus brutal, un terrible engrenage se met en place et le lecteur bascule avec Mei.

Les personnages

Mei est un personnage attachant, une jeune fille qui rêve de vivre sa vie et qui se sent prise au piège dans cette usine. Incapable de gagner assez d’argent pour partir ailleurs, ni de rentrer chez elle et d’avouer son échec. Contrairement à ses camarades, elle a des rêves d’une autre vie, des rêves d’amour transmis par sa grand-mère, qui venait d’un milieu aisé. J’ai eu du mal à comprendre son entêtement à la fin du roman, mais j’imagine qu’il est simplement trop dur pour elle de renoncer à ses rêves après les avoir touchés du doigt.

Quant à Cheng, il a deux facettes, l’une tendre, l’autre impitoyable. Déterminé à obtenir pour lui-même une bonne situation, il n’est absolument pas prêt à prendre de risque pour les autres. Il a bon fonds, mais l’usine et son fonctionnement l’ont rendu dur. J’aurais bien aimé passer un petit moment dans sa tête pour savoir ce qu’il ressentait au fond de lui.

L’écriture 

Sophie Van der Linden écrit très bien, c’est un roman vraiment agréable à lire. Les rêves de Mei qu’elle nous raconte sont assez frappants, écrits avec des mots forts et des phrases brèves. Le quotidien est décrit efficacement, et les paysages prennent vie sous nos yeux.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un premier roman étonnant et très prenant que nous offre l’auteure, j’ai eu du mal à m’en détacher et il me trotte encore en tête après l’avoir refermé. Elle met en exergue les dangers de l’espoir et du rêve dans un milieu hostile qui ne l’autorise pas. Pourtant, à regarder en arrière, on se dit que cette parenthèse enchantée en valait sans doute la peine.

Note : 4,5/5

Stellabloggeuse

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" Comme chaque fois, je ne peux m’empêcher d’imaginer l’étranger qui portera la pièce que je suis en train de commencer. Cette chemise-là sera portée par un homme qui aime les jeans et qui fait de la moto. Un homme aux cheveux un peu dorés. Mais pas trop clairs. Si ça continue, je vais faire comme Yuan qui, un jour, a glissé en douce un mot dans la poche d’un pantalon pour hommes, en pensant que le prince charmant qui le porterait trouverait le message et, hop, sauterait dans le premier avion pour venir la sauver. Est-ce qu’il leur arrive de penser à nous ? »

Je n’ai pas été au bout de ma douleur car je sais qu’elle est sans fin. Pourtant, je dois garder ma fierté. Alors, j’ai repoussé ma colère au fond de mon ventre, je l’ai ratatinée, jusqu’à en faire un petit paquet de rien. Et je l’ai laissée là, en me jurant de ne jamais l’oublier. Et de revenir la chercher s’il le fallait.

Ma grand-mère et ce livre m’ont tout appris de la vie. Sans elle, je n’aurais jamais rien su de la tendresse, de l’amour, de la bienveillance. Je n’aurais jamais été qu’un pauvre caillou jeté en ce monde… "

samedi 26 octobre 2013

Les faibles et les forts, de Judith Perrignon : un roman poignant autour d’un fait divers

[Stock, 2013]

J’ai beaucoup apprécié le premier roman de Judith Perrignon, intitulé Les Chagrins, qui évoquait la naissance d’un enfant dans une prison pour femme. Elle nous revient en cette rentrée littéraire avec « Les Faibles et les Forts », avec lequel elle traverse l’Atlantique pour évoquer un autre fait de société, celui du fossé qui perdure entre les Afro-américains et les autres citoyens des Etats-Unis.

Résumé

Ce roman est construit autour de deux faits divers : la noyade de six jeunes afro-américains dans une rivière en 2010, et les émeutes qui ont eu lieu pendant la ségrégation lorsque les piscines ont été ouvertes aux personnes de couleur. Une statistique relie ces deux faits : aujourd’hui, 60% des afro-américains ne savent pas nager, pour des raisons liées à l’époque de la ségrégation. Judith Perrignon imagine donc l’histoire d’une famille afro-américaine, avec des personnages inventés et qui vivent ces deux terribles évènements, nous faisant faire un aller-retour entre 2010 et 1949.

Un roman à plusieurs voix

Comme « Les Chagrins », ce nouveau roman nous offre plusieurs points de vue : celui de Mary Lee, la grand-mère, sa fille Dana, les petits-enfants Déborah, Marcus, Wes et Jonah. C’est principalement la grand-mère qui s’exprime, et c’est elle aussi qui nous offre un flash-back en 1949, en pleine ségrégation. Une nouvelle fois, l’auteur mène très bien son œuvre et gère à merveille les différents points de vue. Elle termine son roman sous la forme d’une émission de radio, un procédé que j’ai trouvé intéressant.

Un livre coup de poing

La ségrégation est un sujet qui a beaucoup été traité dans des romans et pourtant, celui-ci sort du lot. Tout d’abord grâce à l’angle original de la natation. Et ensuite parce que Judith Perrignon a su trouver les bons mots pour restituer la condition des Afro-américains et la violence de ce qu’ils ont vécu. Durant l’épisode qui se déroule en 1949, on est frappé par le sentiment d’impunité des blancs, par la violence gratuite qu’ils déploient et par la position ambiguë des forces de l’ordre chargées de protéger les gens de couleurs sans pour autant sanctionner les agitateurs blancs. Concernant la période actuelle, l’auteure nous fait prendre conscience des préjugés qui pèsent sur les épaules de ces jeunes gens, et combien il est dur pour eux de tracer une autre voie que celle qu’on leur destine, d'autant plus que leurs pères sont le plus souvent absents.

Les personnages

Les personnages sont assez nombreux dans ce roman. Parmi eux, Mary Lee, la grand-mère, est la plus présente et la plus intéressante, car elle a vécu les deux époques, celle de la ségrégation et celle des années 2000. Marcus est un garçon bien, seulement un peu dépassé par la vision que l’on a de lui. Déborah rêve d’être aimée, tandis que leur mère, Dana, n’a jamais réussi à garder un homme et aimerait être fière d’elle-même, à nouveau. Ces personnages sont profondément attachés les uns aux autres et ce roman est aussi une belle histoire de famille.

L’écriture

J’aime beaucoup le style de Judith Perrignon que je trouve assez percutant. Elle emploie des mots forts et parfois crus, mais toujours à bon escient, tout sonne juste. C’est un auteur qui sait donner du poids à ses paroles. En somme, c’est un style à la fois direct et agréable.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un roman que je vous recommande volontiers, même si le sujet de la ségrégation a été maintes fois évoqué celui-ci tire son épingle du jeu, je l’ai trouvé très fort. Il est bien mené, bien pensé et bien écrit. A ce jour, c’est le titre de la rentrée littéraire que j’ai préféré, même si je n’en ai pas encore lu beaucoup… !

Note : 4,5/5

Stellabloggeuse

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« Laisse-moi être ton gardien, Marcus, écoute-moi, ne fais rien qui leur permette de t’envoyer en prison, rien qui convainque un peu plus ta mère que c’est l’armée qu’il te faut. Tu l’entends qui marmonne que c’est là-bas que tu dois aller ? Il ne s’était pas écoulé dix minutes après le départ des flics qu’elle te voyait en soldat, mais il ne faut pas que tu y ailles, il y a trop de guerres qui se préparent, des guerres pour rien, qui ne feront pas de toi un homme mais l’ombre d’un homme. »

« Ma mère prétendait nous protéger, nous inculquer les bonnes manières, prendre soin de nous, mais son silence m’effrayait davantage que les pendus de mon grand-père. Jamais elle ne disait, Amuse-toi bien, mais toujours, Fais attention à toi, elle se mettait à crier pour un rien, pour un verre qui se brise dans la cuisine, pour une veste jetée trop vite en rentrant sur le dos d’une chaise, comme si notre maison pouvait s’effondrer d’un instant à l’autre. Elle nous enseignait la peur, la sienne, qui me contaminait, m’envahissait, le danger s’était installé dans ma tête et ce vide avant moi est devenu peu à peu un trou devant moi. »

mardi 22 octobre 2013

La fête de l’ours, de Jordi Soler : un roman noir aux allures de conte

[Belfond, 2011]

Résumé

Dans « Les exilés de la mémoire », Jordi Soler avait retracé le destin de son grand-père, Arcadi, un républicain espagnol qui s’est battu contre Franco. A cette occasion, il avait affirmé qu’Oriol, le frère d’Arcadi, était mort dans les montagnes pyrénéennes. Suite à la parution de ce roman, une femme vient le trouver et lui affirme qu’Orio a survécu, dans le Sud de la France. Jordi Soler part donc en quête de son grand-oncle, découvrant à cette occasion qu’il n’est pas le héros que tous imaginaient.

Une enquête entre réalité et fiction

L’auteur brouille les pistes, il part de personnages existants et le lecteur ne sait pas où s’arrête la réalité et où commence la fiction. Oriol a-t-il vraiment survécu ? Est-il le sombre personnage décrit ici ? L’auteur se met lui-même en scène dans ses recherches et nous fait progresser avec lui sur les traces d’Oriol. Mais à aucun moment il ne nous donne les clés permettant de démêler le réel et l’imaginaire.

Un roman noir aux allures de conte

Ce roman est assez noir dans son contenu, évoquant un certain nombre de crimes et de délit et une propension à la violence. L’auteur a donné à son histoire des allures de conte dans le sens traditionnel du terme, le conte cruel. Nous avons en effet une allégorie du géant, de l’ogre, et même du loup poursuivant le petit chaperon rouge dans la forêt. L’auteur s’est également emparé de la tradition de la « Fête de l’ours » célébrée dans les Pyrénées et de la légende qui l’entoure. J’ai apprécié cette atmosphère particulière, mais sans être embarquée dans le récit, sans m'impliquer dans l'histoire.

Les personnages

L'auteur-narrateur Jordi Soler s'efface devant deux personnages marquants, dont même la présence physique en impose. D'un côté, il y a Novembre, le « géant » amoureux de la montagne et de ses chèvres qui comprend la nature beaucoup mieux qu'il ne comprend les hommes, et qui voue à Oriol une affection aveugle. De l'autre côté il y a Oriol, l'ogre, un ancien pianiste dont la guerre et la fuite des franquistes ont révélé la violence enfouie, le côté bestial. Un personnage qui restera énigmatique jusqu'au bout pour le lecteur, même une fois le livre refermé.

L'écriture

Jordi Soler a un style particulier, avec de très longues phrases qui empêchent le lecteur de reprendre son souffle. Cela donne au roman un petit côté haletant qu'il n'aurait pas sans cela, il oblige le lecteur à avancer encore et encore dans le récit, mais c'est tout de même un peu lourd à la longue. Il réussit également à créer une ambiance inquiétante et mystérieuse.

En quelques mots...

Ainsi, c'est un roman particulier et assez sombre que l'auteur nous propose ici, avec des accents de conte dans le sens cruel du terme. Jordi Soler se met lui-même en scène et brouille les frontières entre le roman et le récit, le témoignage. J'en retiendrai avant tout deux personnages marquants, Novembre et Oriol, mais ce titre n'aura suscité aucune émotion chez moi.

Note : 2,5/5

Stellabloggeuse

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« J’avais commis une sorte de crime, et même s’il était certain que nous avions tous ourdi la fausse mort d’Oriol, il était tout aussi vrai que c’était moi qui l’avait tué par écrit. Cette réflexion, qui a un autre moment m’aurait peut-être fait rire, me sembla alors très grave, me fit penser que mon devoir était d’aller faire une visite à cette femme, à cet homme ou à ce pseudonyme, pour savoir, fût-ce par une tierce personne, ce qu’il était advenu de mon grand-oncle pendant tout le temps où il avait été mort pour nous. La lettre de Novembr était bien plus que la précision d’un lecteur ayant pris en faute l’auteur d’un livre, comme ceux qui prennent la peine de vous écrire pour vous dire « Vous vous êtes trompé, ce n’était pas le XIe siècle, mais le XIIIe » ou « Ce vent que vous décrivez n’est pas le mistral mais la tramontane. », c’était beaucoup plus qu’une précision, c’était la dénonciation d’un assassinat. »

« Chaque rafale qui le frappait l’obligeait à s’arrêter, et c’est au cours d’une de ces pauses, alors qu’il recevait des coups de vent sur la poitrine et le visage, qu’il buta contre le corps d’Oriol, pelotonné et partiellement caché dans une cavité de la montagne. Au début, novembre pensa à un animal, la situation était confuse, il faisait nuit noire, le vent, lourd de glace, soufflait avec fureur, et il préféra d’abord s’en assurer en remuant le corps avec le pied, acte imprudent que pouvait se permettre cet homme gigantesque devant lequel les bêtes préféraient faire demi-tour plutôt que de lui donner un coup de griffe ou le mordre. »