samedi 31 mai 2014

The luxe, d’Anna Godbersen, tome 3 : Tricheuses

[Albin Michel, 2010]

*Attention, il s'agit du troisième tome d'une saga, présence de spoilers sur les tomes précédents*

Quand j'ai commencé la série “The luxe” d'Anna Godbersen, j'étais assez peu convaincue, le premier tome comportait des longueurs même si le final a rattrapé l'ensemble. Le second tome m'a davantage accrochée, même si certains personnages me laissaient encore froide. Ce tome trois m'aura-t-il séduite pour de bon ?

Résumé

Pénélope a atteint son but, se marier avec Henry. Pourtant, elle ne peut tout contrôler, son mari ne l'aime pas et continue à rêver de poursuivre son idylle avec Diana Holland. Cette dernière s'efforce à grand peine d'oublier celui qui a été son premier amour. Elle essaie également de soutenir sa soeur, Elizabeth, dévastée par la mort de Will. Liz doit absolument réapparaître en public, la famille Holland ayant toujours besoin d'être sauvée par un mariage avantageux. Mais le coeur n'y est plus. Quant à Lina, elle fait son petit bout de chemin dans la haute société, jusqu'à ce qu'un évènement imprévu remette tout en cause...

Un tome addictif

Cette fois-ci, j'ai trouvé ce tome réellement addictif. Pour preuve, je l'ai dévoré en 48 heures à peine. Je me suis facilement replongée dans l'ambiance de la haute société new-yorkaise, à l'aube du XXe siècle. Il m'a semblé que ce tome démarrait plus rapidement, et je n'ai pas ressenti de longueur dans ma lecture, ce volume est plutôt dense. Mais surtout, je me suis réellement impliquée dans le destin des personnages, et c'est là principale différence avec les précédents. Seule la fin est, à mon goût un peu moins forte que les précédentes, un peu tirée par les cheveux de mon point de vue.

Sont en jeu cette fois-ci l'avenir d'Elizabeth, qui a du mal à se remettre à vivre. Tout espoir n'est pas perdu pour la romance entre Henry et Diana, mais je dois dire que leur relation m'a moins plu qu'auparavant, elle m'a semblée un peu trop caricaturale, et volontairement contrariée. J'y ai beaucoup moins “cru” qu'auparavant. Quant à Lina, son ascension sociale se trouve compromise, ce qui lui donne un côté plus intéressant.

Les personnages

Dans ce troisième tome, les personnages m'ont semblé plus aboutis, chacun a désormais son intérêt à mes yeux et je me suis plue à suivre chacun d'eux. Diana reste ma préférée, oscillant entre son coeur brisé et ses espoirs qui refusent de s'éteindre, même si son manque de confiance envers Henry m'a parfois agacée dans ce tome. Pénélope est fidèle à elle-même, toujours à tirer les ficelles, mais on la prend aussi en pitié car elle n'est pas vraiment heureuse. Quant à Elizabeth, je l'apprécie telle qu'elle est désormais, elle ne pourra pas redevenir la jeune femme vertueuse qu'elle était, elle doit apprendre à vivre avec ses contradictions et cela la rend intéressante. Enfin, Lina, que j'avais du mal à apprécier, m'est apparue plus humaine dans ce tome. Du côté des hommes, Henry est toujours aussi amoureux et cela reste touchant, mais on passe ce tome à attendre qu'il se décide à agir !

L'écriture

Le style de l'auteure est égal à lui-même dans ce tome. Anna Godbersen nous décrit minutieusement les intérieurs et les tenues des uns et des autres, nous permettant de visualiser les personnages et leur cadre. Les chapitres sont toujours introduits par des courts extraits de lettres, d'articles de journaux ou autre. L'ensemble est fluide, la lecture agréable.

En quelques mots...

Ainsi, j'ai beaucoup apprécié ce troisième tome que j'ai trouvé réellement addictif, notamment parce que chacun des personnages parvient désormais à m'intéresser, ils sont plus aboutis. On retrouve avec délices l'ambiance de la haute société new-yorkaise en 1900 et seule la fin m'a semblée un peu en dessous du reste, notamment en ce qui concerne Diana. J'ai hâte de connaître le fin mot de l'histoire, désormais !

Note : 4/5

Stellabloggeuse
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Ce roman fait partie des challenges :



Challenge ABC 2014 : 8/13



Challenge New PAL 2014 : 22/20
(La lecture n°21 étant le manga "Sailor Moon, tome 3", non chroniqué)
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« Alors il lui sourit et, en un instant, le mauvais temps sembla s’adoucir. Elle ressentait cette ancienne légèreté, cet étourdissement qui la faisait se sentir capable de tout, comme toujours, en présence d’Henry. »

« Sans Will, chacun de ses pas était un vacillement. Elle ne sentait plus les limites de son corps, qui étaient devenues vagues, incertaines, et peut-être était-ce pour le mieux, car ce qui allait se passer maintenant, elle n’avait aucune envie de l’éprouver. Elle se sentit submergée par une immense vague de tristesse, et elle ferma les yeux. Son front se plissa, et la tristesse ne passa pas ; elle pria pour que Will la voie, de là où il était, et l’aide à ne pas pleurer. »

mardi 27 mai 2014

Bordemarge, d’Emmanuelle Nuncq : un monde imaginaire

[Castelmore, 2012]

« Bordemarge » est un livre d’Emmanuelle Nuncq, qui m’a gentiment été envoyé par ma copinaute D’encre et de rêvesqui le possédait en double. Le résumé m’a immédiatement attirée, puisqu’il était question d’une héroïne bibliothécaire et d’un monde où tout est possible !

Résumé

Violette, jeune bibliothécaire d’une petite ville, s’ennuie dans sa vie trop tranquille et elle s’enfonce dans la déprime. Mais sa vie se trouve bouleversée lorsqu’une jeune femme, Roxane, surgit d’un tableau et l’envoie à sa place dans le monde de Bordemarge, qui semble tout droit sorti d’un roman de cape et d’épée. On la prend pour Roxane qui est une princesse en fuite, et qui doit être livrée au cruel Silas… L’histoire semble mal engagée, mais à Bordemarge, tout est possible.

Un roman décalé

Avec ce roman, Emmanuelle Nuncq s’amuse avec les codes du roman, notamment ceux de cape et d’épée, mais aussi avec des codes cinématographiques. L’idée de base m’a bien plu et il y a des initiatives intéressantes, comme ce générique de fin, les bonus et le bêtiser du tournage. Il y a également une réflexion autour de l’écriture, de ce qu’est un personnage. On y distingue au final une invitation à prendre son destin en main, même s’il semble tout tracé. Cela donne un roman décalé et assez dépaysant.

Trop de clichés

Malheureusement, si le principe du roman était bons, certains défauts m’ont gâché ma lecture, et notamment l’abondance de clichés. Notamment celui de la bibliothèque déserte peuplée de bibliothécaires revêches et dépressifs. Si j’ai bien compris, c’est également le métier de l’auteure, et je trouve d’autant plus dommage d’entretenir ainsi les clichés qu’a le commun des mortels sur les bibliothèques, alors que beaucoup sont aujourd’hui des lieux dynamiques et modernes. J’avoue que je ne suis peut-être pas objective, puisque cela touche à mon métier que j’aime, mais cela m’a vraiment dérangée. Ajoutons à cela une intrigue assez brouillonne, et nous obtenons une petite déception.

Les personnages

Les personnages dans leur ensemble correspondent à certains clichés et je les ai diversement appréciés. En ce qui concerne Violette, au départ, je n’étais pas touchée par sa personnalité indolente. Son évolution me l’a rendue un peu plus sympathique. Ensuite, Roxane est assez centrée sur elle-même, mais finit par développer une solidarité avec l’ensemble des personnages. D’autres m’ont davantage plu : le jeune Peter qui veut changer son destin, l’Orfèvre qui a perdu ce qui lui était le plus cher, et Christian dont l’humour apporte une bouffée d’oxygène.

L’écriture

En ce qui concerne le style, il est assez simple et plutôt vif, mais il est tout de même assez maladroit dans l’ensemble. J’ai grincé des dents devant certaines tournures de phrases. L’ensemble se lit bien et on ne bute pas à la lecture, mais c’est tout de même assez médiocre.

En quelques mots…

Ainsi, si l’idée de base et le principe du roman me plaisaient beaucoup, un style assez maladroit et une abondance de clichés m’ont un peu gâché le plaisir de cette lecture. Cela reste néanmoins un moment d’évasion sympathique, si on le prend vraiment au second degré et que l’on n’accorde pas trop d’importance à la forme.

Note : 2,5/5

Stellabloggeuse

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Ce roman fait partie des challenges :




Challenge ABC 2014 : 7/13




Challenge New PAL 2014 : 20/20
(objectif de 25% de ma PAL atteint, mais on va continuer !)

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« Votre monde n’a rien de…rien de dangereux, ni d’exaltant d’ailleurs ! Ce qu’il peut m’arriver de pire, c’est de me faire renverser par une carriole en ne traversant pas dans les passages striés, c’est vous-même qui me l’avez dit ! Non mais ! Où va-t-on, je vous le demande, quand chez tout est si…protégé, régi par des lois, surveillé ! Chez moi, les chemins zigzaguent, il y en a même qui ne vont nulle part, et quand on veut entrer dans un endroit gardé la nuit, il y a toujours un passage secret ! »


« Avant, je pensais que mourir pour l’honneur, un sacrifice héroïque, était la plus belle chose qui soit, la meilleure façon de mourir, et maintenant, je me demande même s’il y a une belle façon de mourir. J’ai l’impression…que mourir n’est jamais héroïque. »

samedi 24 mai 2014

La trilogie de braises et de ronces, tome 3 : Le royaume des larmes, de Rae Carson


*Attention, il s'agit du troisième tome d'une série, présence de spoilers sur les tomes précédents*

La « Trilogie de braises et de ronces » de Rae Carson est à ce jour la saga la plus chère à mon cœur parmi celles de la « Collection R », et également l'une de mes séries préférées en fantasy. Après avoir été très agréablement surprise par le premier tome qui m'a fait voyager, j'avais apprécié le second qui constituait une bonne transition. Aussi j'attendais avec impatience ce troisième et dernier tome, qui ne m'a pas déçue.

Résumé

Elisa, Storm, Mara et Belen sont lancés à la poursuite des Inviernos qui ont enlevé Hector. S'ils ne parviennent pas à les rattraper, Elisa est bien décidée à se livrer à l'ennemi pour sauver celui qu'elle aime. Mais la destinée de son royaume est également en jeu, Joya d'Arena étant désormais sous le contrôle du comte Eduardo et au bord de la guerre civile... Elisa parviendra-t-elle à accomplir son destin et à protéger ceux qu'elle aime ?

Un final réussi

Il est difficile de bien parler d'un roman qui nous tient à cœur, tant on a de choses à dire, mais je vais essayer de vous faire quelque chose d'organisé ! Ce tome s'inscrit dans la lignée des deux premiers et les surpasse. Certes, Elisa maîtrise un peu trop facilement sa magie et le dénouement est un brin rapide à mon goût (mais je dois avouer que je ne voulais pas que cela finisse!). Et je suis restée également sur ma faim concernant le rôle d'Elue d'Elisa. Mais ces légers défauts n'ont en aucun cas nuit à mon plaisir de lire. Il me semble que c'est à cela que l'on reconnaît un roman qui vous emporte : les défauts n'ont plus aucune importance. C'est un roman fantasy de qualité, avec un univers bien à lui, extrêmement addictif, et qui nous offre un final tout à fait satisfaisant.

Héroïc fantasy

Après un second tome qui était davantage centré sur les manipulations politiques, nous retrouvons ici les grands espaces et les combats, pour notre plus grand plaisir. Il y a davantage d'action et la magie est très présente. Nos héros se rendent à la capitale d'Invierne, ils ont à affronter un rude paysage hivernal et d'inquiétants souterrains. Ainsi, le lecteur baigne dans une délicieuse ambiance fantasy qui ravira les amateurs du genre. La romance est également présente dans ce tome, bien dosée selon moi. Ainsi, en plus d'être une épopée fantasy, cette série est également une belle histoire d'amour.

Les personnages

Les personnages sont sans aucun doute la plus grande force de cette saga. J'ai immédiatement apprécié Elisa, et cette sympathie n'a fait que croître au fil des tomes. On s'identifie énormément à cette jeune fille « normale » qui n'a pas un physique de rêve, mais dont l'assurance s'est accrue au fil des tomes. On admire sa détermination et son intelligence. En outre, dans ce tome, les personnages secondaires sont tous mis en valeur, chacun a son rôle : Hector, Storm, Mara, Belen, ainsi qu'un nouveau personnage que je vous laisse découvrir par vous-mêmes. Je me suis notamment surprise à énormément apprécier Storm.

L'écriture

Le style du roman reste simple et direct, Elisa s'exprime au présent et à la première personne du singulier. Mais l'écriture n'est en rien bâclée et la lecture est très agréable. Les descriptions nécessaires pour visualiser les paysages et les combats sont bien présentes et créent l'ambiance fantasy que j'évoquais plus haut. Rae Carson alterne avec aisance action, réflexions, descriptions, humour et sentiments. Dans ce tome, elle introduit parfois le point de vue d'Hector, ce qui nous permet de suivre l'action lorsqu'il est séparé d'Elisa.

En quelques mots...

Ainsi, pour moi, la « Trilogie de braises et de ronces » est l'une des meilleures sagas fantasy destinées aux adolescents et aux jeunes adultes, et ce troisième tome la conclut en beauté. Malgré quelques défauts, j'ai été emportée par les paysages, les combats, les retournements de situations. J'ai tremblé, j'ai été émue, j'ai souri et même ri. C'est une véritable épopée fantasy et une belle histoire d'amour, portée par des personnages que j'ai été triste de quitter. A découvrir de toute urgence si vous aimez la fantasy, et si ce n'est pas déjà fait !

Note : 5/5 (Coup de cœur)

Stellabloggeuse

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Ce roman fait partie du challenge :
  


Challenge 100% R : 15e lecture

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« Une forme surgit de l'obscurité, me fond dessus, m'entraînant par terre. Une douleur fulgurante me fend le crâne tandis que des tâches brunes me troublent la vue. Ma bouche s'emplit de sang. Je veux tourner la tête pour cracher, respirer. En vain. Des mains s'enroulent autour de mon cou, chassant peu à peu la vie de mon corps. Ma bouche s'ouvre et se ferme, mes poumons se vident. Le noir m'engloutit peu à peu. Ma vision se focalise sur le visage aux traits délicats de mon agresseur, sur son regard haineux. Franco. »

« Rien ne m'empêche d'abdiquer. De céder mon trône au comte Eduardo, qui ne rêve que de cela. De le laisser gérer le conflit qui oppose Joya d'Arena à Invierne. Pendant que moi, je retournerais auprès de Papa et d'Alodia, à Orovalle. J'aurais failli à mon rôle de reine. Je n'aurais pas accompli mon destin d'Elue. Mais je serais saine et sauve. Et ma vie se déroulerait tel un long fleuve tranquille. Je sais pourtant que jamais je ne choisirais cette voie. Même si celle que j'ai décidé de prendre est périlleuse et risque de me mener à la mort. C'est une peur que je peux contrôler. C'est moi qui l'ai choisie. »

mardi 20 mai 2014

Personne ne te sauvera, de Fabrice Colin : une vision du vampire

[Flammarion, 2013]

Fabrice Colin a été très présent ces dernières semaines sur le blog, et je voulais aujourd’hui partager mon avis sur un dernier titre. Je continuerai bien évidemment à découvrir l’œuvre de cet auteur que j’apprécie beaucoup, mais à un rythme plus « normal ». J’en ai notamment encore deux dans ma PAL « La malédiction d’Old Haven » et « La fin du monde ». Mais trêve de blabla, passons à « Personne ne te sauvera » !

Résumé

La vie de Manon, encore lycéenne, bascule lorsqu’elle apprend qu’elle a un anévrisme au cerveau et que celui-ci peut se rompre à tout moment. Son médecin lui propose une opération, mais celle-ci est risquée. Alors, Manon prend de la distance et s’envole pour Las Vegas. Là-bas, elle rencontre l’énigmatique Dorian, qui pourrait bien être la solution à son problème…

Variation autour du thème du vampire

Avec ce roman, Fabrice Colin propose son interprétation du thème du vampire. On est loin ici des classiques du genre, c’est une vision plus personnelle, qui ne plaira pas forcément à tout le monde. Si j’ai bien compris, ce roman est né d’un projet avec une classe de quatrième autour du fantastique, dont le but était de s’amuser avec les codes traditionnels du genre. Et effectivement, c’est peut-être davantage un exercice de style qu’un roman. Et notamment il est assez court, manque un peu de matière.

La quête de l’immortalité

Mais cette utilisation d’un personnage de vampire sert avant tout à aborder l’un des sujets récurrents dans l’œuvre de cet auteur, celui de la peur de la mort. En effet, Manon est prête à tout pour repousser la mort, et au départ, l’idée de l’immortalité la séduit. Ce n’est qu’au fur et à mesure qu’elle comprend tout ce que cela implique : la solitude, voir ses amis et sa famille mourir, fuir éternellement ses ennemis… Il lui faudra trancher entre la simplicité d’une vie de mortelle et les affres sublimes d’une existence éternelle.

Les personnages

Manon n’est pas un personnage qui m’a été particulièrement sympathique, je l’ai trouvée assez irréfléchie et souvent égoïste. Par exemple, les sentiments de ses proches interviennent très peu dans ses réflexions. Quant à Dorian, j’aurais pu l’apprécier si son personnage avait été davantage étoffé, je suis restée un peu sur ma faim.

L’écriture

Quant au style, il est ici plus lisse que dans la plupart des romans de l’auteur. Il ne présente pas de difficulté particulière et la lecture est dépourvue d’obstacle, mais en contrepartie, il ne « s’envole » pas non plus. Sachant combien la plume de Fabrice Colin peut être belle, j’en attends un peu plus désormais !

En quelques mots…

Ainsi, Fabrice Colin nous livre ici un roman pour adolescents assez court, qui se lit facilement et qui propose une vision du vampire qui sort un peu des sentiers battus. Il est intéressant grâce aux réflexions sur l’immortalité qu’il propose. En revanche, ce n’est pas un titre incontournable de cet auteur, il s’agit davantage d’un exercice littéraire. Si vous voulez découvrir Fabrice Colin, jetez-vous plutôt sur 49 jours ou, si vous aimez la fantasy un peu complexe, sur le sublime Arcadia.

Note : 3/5

Stellabloggeuse

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« Il paraît que certains âmes bien trempées trouvent le monde plus beau et plus intense lorsqu’elles comprennent qu’elles vont bientôt le quitter. Ce n’était pas mon cas. Le monde, à mes yeux, était devenu inutile et sans saveur. J’avais, je crois, cessé d’aimer les gens. Les rires, les paroles, la musique, tout sonnait faux, et le ciel ressemblait à une toile grise et sale sur laquelle plus rien d’important ne pouvait s’écrire. »

« Les vampires, c’est une histoire faussement tragique que l’on raconte aux gens. Les gens aiment bien avoir peur et savoir dans le même temps que leur peur est sans fondement. Ça les aide à se persuader que le monde n’est pas aussi sombre qu’il en a l’air. Alors qu’il l’est, bien sûr. Alors qu’il l’est bien plus que ça. »


« J’aspire à une connaissance, à une sagesse, à une souffrance que cette existence, je le devine, échouera à m’offrir. Suis-je prête à troquer la simplicité dérisoire d’un tour de manège contre les tourments superbes de l’immortalité ? Là est toute la question. »

samedi 17 mai 2014

Georgia, de Julien Delmaire : un premier roman sensible et musical

[Grasset, 2013]

Quand j'ai ouvert ce blog, je faisais partie de l'un des comités de sélection du Festival du Premier Roman de Chambéry, il y avait donc beaucoup de ces « premiers romans » sur le blog. Cette année, j'ai lu quelques uns des titres sélectionnés, et j'avais envie de vous parler de « Georgia » de Julien Delmaire, un jeune auteur qui vient du monde du slam.

Résumé

Venance est un immigré clandestin, arrivée en France depuis le Sénégal de longues semaines auparavant. Mais avant tout, c'est quelqu'un de digne, il reste droit en toutes circonstances. Pourtant, sa vie bien réglée connaît quelques ratés lorsqu'il rencontre Georgia. Il n'y a rien à espérer, à tomber amoureux d'une ritournelle...

Le quotidien d'un immigré clandestin

Ce roman nous fait partager la vie d'un sénégalais, immigré clandestin en France. Venance fait des boulots au « black », des heures de travail payées une misère. Il fait la queue une partie de la nuit pour espérer obtenir un permis de séjour, pour lequel il manque toujours un papier. Il vit dans la peur de se faire remarquer par les mauvaises personnes, qu'il s'agisse de la police ou des voyous. Il se satisfait de trois fois rien, même si, à force de se faire marcher dessus, sa colère enfle.

Une histoire d'amour amère

Malgré la tension de son quotidien, Venance se laisse surprendre par l'amour qui vient un soir frapper à sa porte. Il lui abandonne tout, ses économies, sa fragile situation. Il en goûte le bonheur fugace, avant la chute et les regrets. Au travers des quelques soirées qu'ils passent ensemble, c'est au tour de Georgia de se raconter : le coin de France qui l'a vue naître, ses études aux beaux-arts, et les circonstances qui l'ont éloignée de sa famille. J'ai moins aimé cette seconde partie du roman, lorsque Georgia entre dans la vie de Venance.


Les personnages

Le personnage de Venance fait toute la force émotionnelle du roman. C'est quelqu'un de très touchant, honnête et digne. Pas un instant il ne s'écarte du droit chemin, malgré sa colère contre la France qui lui refuse une existence légale. À l'inverse, Georgia est un personnage à la dérive. Le droit chemin, elle l'a quitté depuis longtemps et ne peut se soucier que de sa propre survie, pas des sentiments des autres. Elle est moins touchante, même si sa situation suscite la pitié, elle a créé sa propre déchéance.

L'écriture

Ce titre se distingue particulièrement par son style. L'écriture est belle, poétique, musicale, même si les mots sont parfois crus, par nécessité. On ressent bien l'influence du slam dans la manière dont Julien Delmaire s'exprime, et c'est tant mieux. Rien que pour cette plume, je pense que je suivrai ses futures publications.

En quelques mots...

Ainsi, « Georgia » est un premier roman qui sort du lot, grâce à une très belle écriture qui vous emporte, et un personnage très touchant dont on ne peut qu'admirer la dignité. Il nous ouvre également les yeux sur le parcours du combattant qu'est une existence de clandestin dans notre belle France. A découvrir !

Note : 3,5/5

Stellabloggeuse

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« La pierre que l'on m'a jetée, je l'ai mangée, la boue sur mon visage, je l'ai dévorée, mais j'ai toujours sous la langue un éclat de soleil qui se refuse à fondre »

« Les discours militants l'exaspéraient. Il ne voulait plus lutter, juste frapper et détruire, ses larmes déjà s'étaient taries et sa colère seule dévalait la pente. »

mardi 13 mai 2014

Love letters to the dead, d’Ava Dellaira : un roman épistolaire addictif et touchant

[Michel Lafon, 2014]

Je vais vous parler aujourd’hui du premier roman d’Ava Dellaira, qui paraît cette semaine aux éditions Michel Lafon. Lorsque ce titre m’a été proposé, j’ai été séduite par l’idée de lire un nouveau roman épistolaire, un genre que j’affectionne en général, et par le résumé qui me semblait alléchant. Comme j’ai du temps en ce moment pour des lectures imprévues, je me suis laissée tenter !

Résumé

Alors qu’elle vient d’entrer au lycée, Laurel doit rédiger une lettre à quelqu’un de disparu. Elle choisit Kurt Cobain, l’une des idoles de sa grande sœur May qui est morte quelques mois plus tôt. Elle ne rend pas son devoir, mais prend l’habitude d’écrire à des personnalités disparues qu’elle admirait. Elle leur confie son adaptation au lycée, ses états d’âmes, ses premiers émois, et tourne sans cesse autour de ce secret qui lui pèse. May est omniprésente, et Laurel cherche désespérément un sens à sa propre existence.

Un roman addictif et touchant, malgré quelques clichés

J’ai beaucoup aimé ce roman épistolaire. C’est un genre assez addictif en général, et ce titre ne fait pas exception à la règle, les pages se tournaient toutes seules. La première chose à noter, c’est que même si l’ombre de May plane sur tout le roman, ce dernier n’est pas pesant, on regarde un personnage se remettre à vivre, avec des hauts et des bas, et si c’est émouvant c’est aussi positif.

Je n’ai pas ressenti de temps mort, mon intérêt n’a pas décru au cours de ma lecture. Tout m’a intéressée, qu’il s’agisse de l’adaptation de Laurel au lycée, ses amitiés balbutiantes, ses sentiments naissants, sa culpabilité et ses interrogations vis-à-vis de la mort de la sœur et de la dislocation de sa famille.

Ce roman utilise quelques clichés présents dans de nombreuses romans adolescents : l’alcool et la drogue, les abus sexuels, les relations homosexuelles… Mais il me semble que l’auteure les utilise à bon escient, et parvient à en faire quelque chose de touchant. Ces thèmes ne sont peut-être pas originaux, mais ils sont maniés avec délicatesse. La dimension psychologique du roman est assez profonde et bien exprimée, c’est pour moi le point fort du roman. Ajoutons à cela de nombreuses références musicales et cinématographiques, avec des petites informations biographiques intéressantes sur les personnalités auxquelles s’adresse Laurel.

Les personnages

J’ai pris un grand plaisir à suivre Laurel qui est un personnage à la fois fragile et fort. Elle est perdue, elle cherche un sens à cette vie où elle n’a plus de sœur. Mais même si elle a des moments de grande tristesse et de culpabilité, elle cherche des réponses, elle cherche à donner du sens à sa vie. Les gens qui l’entourent, une personne en particulier, vont l’aider à s’ouvrir et à enfin exprimer ce qui la ronge, j’ai adoré assisté à cette évolution. J’ai également apprécié ses amis du lycée, Natalie, Hannah, Sky, Tristan et Kristen. May est également très présente. Au début on l’admire, comme le fait Laurel, puis on comprend que le vernis de perfection et de joie de vivre cachait quelque chose de plus complexe.

L’écriture

En ce qui concerne le style, ma lecture a été fluide et agréable. L’expression a un côté adolescent, puisque c’est Laurel qui rédige ces lignes. L’auteure a su bien doser son écriture entre le naturel d’une adolescente et un style écrit travaillé. Les passages introspectifs sont un régal, j’ai vraiment adhéré.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un premier roman réussi pour Ava Dellaira, un roman épistolaire addictif et touchant, grâce à son côté psychologique assez approfondi et à un personnage fort et fragile à la fois. C’est un livre qui évoque la douleur de la perte, le poids des non-dits, mais aussi la vie qui persiste malgré tout. Le petit côté « biographique » des stars disparues auxquelles Laurel s’adresse est un plus. Ainsi, malgré quelques clichés, c’est un roman qui saura séduire les adolescents dès 15 ans, mais aussi les adultes qui aiment ressentir des émotions. Je vous propose de découvrir aussi l'avis de La vie des livres pour qui ce titre est quasiment un coup de coeur.
Un grand merci à Camille et aux éditions Michel Lafon pour cette belle découverte!

Note : 4,5/5

Stellabloggeuse


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« Rien ne me pesait. J’étais heureuse. A la jonction entre le premier pâté de maison et le suivant, j’avais déjà décollé. Je voyais les cimes des arbres, je te le jure. Et l’enchevêtrement des routes. Les maisons ressemblaient à des jouets, et bientôt le monde entier était devenu une carte de géographie. »

« Soudain, je me suis sentie épuisée, épouvantée, honteuse. J’avais conscience de tous mes travers, de tous mes défauts, de toutes les mauvaises pensées que je devais bannir, de tout ce que May peut m’inspirer de révolte quand elle refait surface. »

« Nirvana signifie libération. Libération de la souffrance. Je pense que certains voient la mort ainsi. Donc bravo de vous être libérés, je suppose. Quant à nous, nous sommes encore là, à essayer de recoller les morceaux. »


« Cette scène-là, elle me transperce le cœur. Elle me fait penser à l’enfance, l’âge où on a tout à perdre à grandir. Elle me fait dire qu’il a peut-être manqué quelqu’un pour veiller sur toi. Ou que, si ce quelqu’un existait, il a eu un moment d’absence. Je garde en moi cette sensation brûlante qui me fait dire qu’il n’y aura peut-être personne pour s’occuper de moi quand j’en aurai besoin. »

samedi 10 mai 2014

Big easy, de Ruta Sepetys : pétillant et surprenant


Il y a quelques mois, j’ai eu un coup de cœur pour le premier roman de Ruta Sepetys, le poignant « Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre ». Fin 2013, l’auteure a publié un second roman, plus léger cette fois-ci, dont je vais vous parler aujourd’hui.

Résumé

Josie, dite Jo, jeune femme de 17 ans, vit dans le quartier français de la Nouvelle Orléans, au tout début des années 1950. Mal-aimée par sa prostituée de mère, elle habite au-dessus d’une librairie où elle travaille les après-midi aux côtés de Patrick, le fils du propriétaire. Ses matinées, elle les passe à faire le ménage dans la maison close où officie sa mère, dont la tenancière lui voue une affection un peu bourrue. Jo sait se débrouiller dans la vie et ne sort jamais sans son revolver. Mais au fond d’elle, elle rêve d’une autre vie, de rejoindre une université de l’Est…

Un roman historique maîtrisé

Le roman commence doucement, les différentes facettes de la vie de Josie et le décor se mettent peu à peu en place. C’est l’occasion de souligner une nouvelle fois le gros travail de documentation de l’auteure, qui parvient à nous plonger dans une époque. Elle nous restitue la Nouvelle Orléans au début des années 50, ses échoppes, ses prostituées, ses gangsters. On s’y croirait !

Surprenant et touchant

Pour Josie, l’enjeu est de parvenir ou non à quitter la ville et à changer de vie, d’échapper à sa mère et aux mauvaises fréquentations de cette dernière, aux regards des autres qui pèsent sur elle. A la manière de David Copperfield dont il est souvent question dans le roman, elle veut changer un destin qui lui semble tout tracé. Mais elle se retrouve liée malgré elle a un décès pour le moins étrange. Et pendant ce temps, son cœur balance entre deux garçons très différents… Tous ces pans de l’intrigue ainsi que la vie quotidienne de Josie se mêlent agréablement et le roman est de plus en plus prenant, jusqu’à un final qui se lit d’une traite. L’émotion nous emporte lorsqu’on s’y attend le moins, et l’intrigue est finalement bien plus surprenante qu’elle n’en a l’air au départ.

Les personnages

Il serait difficile de ne pas aimer Josie tant elle a un grand cœur. Naturelle et spontanée, ce n’est que la honte que lui inspirent ses origines qui la pousse parfois au mensonge. Débrouillarde et volontaire, le lecteur a foi en elle, tout au long de ses aventures. Seules ses hésitations sentimentales m’ont un brin irritée, l’un des garçons en particulier ne méritant pas d’être traité ainsi.

Mais ce roman est servi par toute une galerie de personnages hauts en couleurs. On s’attache au fur et à mesure à Willie – sorte de grand-mère de cœur pour Josie à qui elle voue une affection autoritaire et bourrue – et à Cokie, le chauffeur de cette dernière. Patrick et son père Charlie sont également très importants pour Jo, ils ont été sa famille. Quant à Jesse, il est charmant, un peu provocateur, et on peut compter sur lui. Restent à évoquer les « nièces » de Willie, les prostituées qui forment elle aussi une drôle de famille, et Louise, la mère de Josie, à qui l’on arracherait bien la tête…

L’écriture

Le style de Ruta Sepetys dans ce roman est agréable, assez « punchy » sans être négligé, avec une bonne dose d’humour. Les ambiances et les décors sont bien restitués, ainsi que l’accent du sud, chez certains personnages (même si cela nuit par moments à la fluidité de la lecture).

En quelques mots…

Ainsi, j’ai beaucoup aimé ce roman qui nous plonge dans la Nouvelle Orléans des années 50 en compagnie d’une excellente galerie de personnages. On est à la limite du coup de cœur, ce n’en est pas un en raison de la manière dont est mené le triangle amoureux et parce que la fin est un peu prévisible. Cela n’empêche pas le roman d’être très prenant, souvent émouvant, et de nous réserver un certain nombre de surprises tout au long du roman. A découvrir à partir de 14/15 ans !

Note : 4,5/5

Stellabloggeuse

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« Je n’aurais jamais la moindre chance d’être normale. Willie trouvait que c’était assommant d’être normale et que je devrais être heureuse au contraire d’avoir un peu de piquant. Selon elle, personne ne s’intéressait aux gens normaux, c’est-à-dire ennuyeux, et lorsqu’ils mouraient, on les oubliait aussitôt, comme un bout de papier ou un mouchoir qui tombe à votre insu derrière une commode. Quelquefois, j’avais envie de glisser, moi aussi, derrière la commode. Etre normale : rien ne me paraissait plus merveilleux. »


« L’air, comme palpable, nous cernait de toutes parts : j’adorais sa douce étreinte, son souffle sur ma peau, dans mes cheveux qu’il emmêlait, dans ceux de Jesse, qu’il fouettait. Nous poussâmes jusqu’aux limites de l’imprudence, et pourtant je me sentais en sécurité. A l’abri de Cincinnati, à l’abri de Mam. Rouler en moto avec Jesse, c’était comme laisser sortir un cri perçant après avoir été longtemps bâillonnée, et j’aurais voulu que cela n’eût pas de fin. »