samedi 16 novembre 2013

Pas assez pour faire une femme, de Jeanne Benameur : l’éveil à la féminité et à la lutte


Voici maintenant quelques années que j’entendais régulièrement parler de Jeanne Benameur et de ses romans. Ce petit roman destiné aux adolescents et aux plus grands, paru chez Thierry Magnier pour la Rentrée littéraire 2013, m’a donné l’occasion de la découvrir, d’autant plus qu'il avait séduit ma copinaute Cajou.

Résumé 

Judith, âgée de 17 ans, entre à l’université et occupe pour la première fois son propre studio. Loin du regard de son père et de la tyrannie domestique qu’il exerce, la jeune fille s’épanouit entre les bras d’Alain qui l’éveille en même temps à la lutte politique. Ensemble, en ce début des années 1970, ils tentent de faire en sorte que Mai 68 ne se réduise pas à un souvenir.

Le contexte des années 1970

L’auteure, qui est de la même génération que sa narratrice, restitue pour nous le bouillonnement des étudiants au début des années 1970. Après les conquêtes de 1968, le manque de moyens accordé aux universités les déçoit, et ils réclament le droit au savoir. Mais ces revendications s’étendent bien plus loin que le cadre de l'université. C’est une génération qui réclame d’être libre, de pouvoir décider de sa vie. Cela est particulièrement valable pour les femmes qui, à l’époque, passaient du joug de leur père à celui de leur mari. Judith et Alain se battent pour une existence différente, avec conviction.

L’éveil à la féminité

Mais ce petit roman est avant tout l’évocation d’un éveil à l’amour et à la féminité. Judith découvre son corps, le désir, l’intimité d’un homme. Mais elle apprend surtout beaucoup sur elle, sur l’enfant qu’elle a été et sur la femme qu’elle souhaite devenir. Elle s’interroge beaucoup sur les rapports amoureux et la place que l’on doit accorder à l’autre. Tout cela sonne très juste et a trouvé une résonnance en moi.

Les personnages

Judith est un personnage attachant, j’ai beaucoup aimé la regarder évoluer, laisser parler son désir et libérer son corps. C’est une fille intelligente, qui se pose beaucoup de questions. C’est aussi un esprit torturé par la pression conservatrice de son père, elle évoque souvent un « lac noir » tapi au fond de son être et dans lequel elle n’ose puiser. Alain est également un personnage plaisant, un meneur politique convaincu qui va au bout de ses idées et un premier partenaire à la hauteur pour Judith. Quant à la famille de Judith, elle est dominée par la figure du père, tandis que sa mère et sa sœur tentent d’entrer dans le moule des femmes modèles.

L’écriture

J’ai découvert ici l’écriture de Jeanne Benameur qui est très intéressante et agréable à lire. Son style est original, un peu oral dans le sens où l’on a vraiment l’impression que la narratrice nous parle, nous sommes comme branchés en permanence sur le flux de ses pensées. C’est un style direct qui recèle également une forme de poésie. Je suis sous le charme.

En quelques mots…

Ainsi, j’ai beaucoup apprécié ce petit roman qui constitue un éveil à l’amour et à la féminité et qui nous plonge dans les luttes politiques et sociales du début des années 1970. Porté par un personnage intelligent et attachant, et par le style très agréable de l’auteur, c’est un titre de la Rentrée littéraire à ne pas manquer, à lire à partir de 14-15 ans et qui peut également plaire aux adultes. Je n’ai qu’un regret : qu’il soit si court !

Note : 4,5/5

Stellabloggeuse

--------

« Il me sourit et je fonds. Je tends la main vers son épaule. Toucher. Toucher. Je ne sais pas comment j’ai toute cette audace. Je ne peux pas parler mais toucher, oui. Avec lui, oui oui oui. Il sourit plus fort. Il me prend contre lui, il me serre. C’est tout ce que je veux. Et que ça ne s’arrête jamais. Je découvre, je découvre. Je n’aurais jamais assez de temps pour découvrir. Ce que m’ouvre ce garçon c’est un territoire infini à l’intérieur de moi. Je n’en reviens pas. Je n’ai pas envie d’en revenir. »

« Le temps de la lutte était venu. Derrière les sages revendications matérielles, il y avait la grande la totale revendication d’une vie qui tiendrait ses promesses de liberté, d’humanité, dans un monde qui reconnaîtrait ces valeurs-là plutôt que les simples valeurs marchandes. On n’était pas des objets qui s’échangent contre de l’argent. Le savoir, la pensée, n’étaient pas des produits manufacturés avec un prix et une étiquette collés dessus. C’était bien plus que ça. Et c’était ça que nous venions chercher. »

6 commentaires:

  1. Un très joli roman en effet, qui reflète bien l'écriture forte et sensible de l'auteur!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'était mon premier de l'auteure (ne fais pas les gros yeux^^) et je ne compte pas m'arrêter là ;)

      Supprimer
  2. Ahhh je suis très très contente de voir que tu as aimé aussi ! Un bien joli roman dont je garde un souveir bien agréable !
    Des bisous
    Cajou

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est grâce à toi que je l'ai lu si vite et je ne regrette pas ! bisous

      Supprimer
  3. Moi aussi j'ai été très tentée par le billet de Cajou. Il est aujourd'hui dans ma pal. Je suis contente de lire encore un joli billet !

    RépondreSupprimer

A vous de donner votre avis, il est le bienvenu !