samedi 21 décembre 2013

La nuit tombée, d’Antoine Choplin : des villages dans l’ombre de Tchernobyl


Dans le cadre de mon travail, j’ai découvert cet automne les éditions de la Fosse aux Ours, un petit éditeur lyonnais, un homme seul qui mène sa barque depuis 15 ans déjà en publiant 4 à 6 titres par an. « La nuit tombée » d’Antoine Choplin est le « best-seller » de la maison, et a notamment reçu le prix France Télévisions en 2012.

Résumé

Un peu plus de 2 ans après l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, Gouri, qui s’est exilé à Kiev avec sa famille, revient dans les villages jouxtant l’ancienne centrale. Il rend visite à des amis qui sont restés là envers et contre tout, malgré la maladie qui commence à frapper. Il prévoit d’attendre la nuit pour s’introduire dans la zone interdite, au plus près de la centrale, et rejoindre le village de Pripiat pour retourner dans l’appartement qu’il habitait au moment du drame.

Une ambiance particulière

Je ne sais pas si l’auteur a voyagé en Ukraine pour écrire son roman, mais ce qui est certain, c’est que l’on a l’impression d’y être. Il restitue pour nous le silence qui plane sur les villages qui entourent la centrale, la désolation des maisons abandonnées, l’épaisseur de l’air avec ce « je ne sais quoi » qui s’insinue dans tout votre être, les pillards qui continuent à rôder au péril de leur vie. Cela donne un roman à l’ambiance très particulière, qui m’a beaucoup plue.

Un roman lumineux

Malgré le sujet et la mort qui plane au-dessus des personnages, je n’ai pas trouvé ce roman pesant. Au contraire, il est lumineux, très humain. En effet, autour de Tchernobyl, la vie continue envers et contre tout. Ceux qui sont restés, désormais isolés, combattent la maladie comme ils le peuvent, s’entraident, profitent du temps qui leur reste et ravivent les beaux souvenirs.

Les personnages

Les personnages de ce roman sont pour la plupart en sursis. Après l’explosion, les hommes ont été enrôlés pour enfouir les retombées nucléaires dans la terre, au nom du patriotisme et de la promesse d’une grosse rétribution. Certains sont déjà malades, comme Iakov, d’autres attendent d’être rattrapés. Gouri, lui, s’en est allé quelques jours après l’accident, et on ressent chez lui une certaine culpabilité de les avoir abandonnés. Mais il n’est pas épargné non plus puisque sa fille Ksenia est très malade. J’ai été particulièrement touchée par Iakov qui, aux portes de la mort, se soucie encore de musique et de poésie, et de réussir à dire à sa femme combien il l’aime.

L’écriture

J’ai été séduite par l’écriture d’Antoine Choplin, qui est sensible et poétique. Son style suscite l’émotion, tout en retenue, sans jamais tomber dans un ton larmoyant. C’est une écriture délicate, qui est dans la suggestion. Les descriptions m’ont vraiment parlé, j’ai pu me figurer les paysages de Pripiat.

En quelques mots…

Ainsi, j’ai été séduite par ce roman qui s’intéresse aux villages qui survivent tant bien que mal aux environs immédiats de Tchernobyl, au bord de la zone interdite. Il est porté par des personnages très humains et une écriture qui suscite avec délicatesse une émotion puissante. Je lirai volontiers un autre titre de cet auteur, et je vous conseille celui-ci sans hésiter !

Note : 4/5

Stellabloggeuse

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« -Eh bien, il dit d’une voix hésitante, comment dire, je sais que mes jours sont comptés.
Gouri prend une inspiration comme pour dire quelque chose mais finalement, il reste silencieux.
-Avant de partir, poursuit Iakov, j’aimerais pouvoir dire un mot ou deux à Véra.
-Un mot ou deux ?
-Oui, tu vois, je voudrais lui dire, je sais pas moi, combien elle a compté pour moi dans cette vie d’ici-bas, et combien elle a été bonne pour moi toutes ces années et comme elle a fait de moi quelqu’un de meilleur que si je l’avais pas connue. J’ai envie de la remercier pour ça. Et aussi d’autres choses. J’ai plusieurs fois essayé de le faire comme ça, avec la parole. Mais je sais pas pourquoi, ça veut pas venir. Alors je me suis dit, tiens, peut-être que Gouri, il pourrait m’aider à écrire ça comme il faut. »

« Au début, quand tu te promènes dans Pripiat, la seule chose que tu vois, c’est la ville morte. La ville fantôme. Les immeubles vides, les herbes qui poussent dans les fissures du béton. Toutes ces rues abandonnées. Au début, c’est ça qui te prend les tripes. Mais avec le temps, ce qui finit par te sauter en premier à la figure, ce serait plutôt cette sorte de jus qui suinte de partout, comme quelque chose qui palpiterait encore. Quelque chose de bien vivant et c’est ça qui te colle la trouille. Ça, c’est une vraie poisse, un truc qui t’attrape partout. »

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