samedi 15 mars 2014

Blue Jay Way, de Fabrice Colin : mensonges et illusions

[Sonatine, 2012]

Fabrice Colin fait partie des auteurs que je suis de près depuis que je l’ai découvert avec « Bal de givre à New York ». J’ai également lu son dyptique « 49 jours » et « Seconde vie » dont le premier tome m’avait littéralement bluffée par sa virtuosité et sa richesse. Aussi, j’étais impatiente de le découvrir dans un autre registre, celui du roman policier. Un roman qui a une histoire particulière, puisque je l’ai acheté aux Quais du Polar et que cela m’a donné l’occasion de discuter avec l’auteur, qui est très agréable et accessible, une belle rencontre.

Résumé

La vie de Julien est comme suspendue depuis les attentats du 11 septembre 2001, qui ont coûté la vie à son père. Le mystère de ces attentats ronge Julien depuis plusieurs années, il ne parvient pas à se remettre à vivre sans pour autant se résoudre à rentrer en France. Aussi, il finit par accepter la proposition de l’auteure célèbre Carolyn Gerritsen afin de devenir le précepteur de son fils, Ryan, un jeune homme d’une vingtaine d’années lui aussi en déroute. Il part pour Los Angeles, s’installe à la ville de Blue Jay Way. Il ne réalise pas encore qu’il a mis les pieds dans un panier de crabes, tissé de faux semblants. Mais tout dérape lorsque Ashley, la belle-mère de Ryan, à peine plus âgée que lui, disparaît.

Un roman dense

« Blue Jay Way » n’est pas seulement un polar, c’est un roman très dense qui évoque de nombreux sujets. L’auteur interroge les attentats du 11 septembre. Il brosse également un portrait au vitriol de la jet-set de Los Angeles, dépeint une jeunesse à la gueule de bois perpétuelle et à la sexualité débridée. Ainsi, ce roman se fait aussi étude de mœurs. Il faut ajouter à cela la trajectoire personnelle de Julien, qui n’a plus aucune prise sur son existence. On aborde aussi divers types de psychose au travers de deux histoires parallèles développées au fil du roman, qui se rejoignent à la toute fin.

Le polar prend le dessus à la moitié du roman environ, et tout s’accélère dans les 150 dernières pages durant lesquelles j’ai eu beaucoup de mal à interrompre ma lecture. Ce final alambiqué offre plusieurs rebondissements et le fin mot de l’histoire est laissé à la libre appréciation du lecteur

Un tissu de mensonges

Le narrateur évolue dans un monde de mensonges et d’illusions, quoi de plus normal dans la capitale du cinéma ? La littérature est également présente puisque certains personnages écrivent. Ces deux arts permettent à l’auteur de jouer avec les frontières de la fiction et du réel, le narrateur étant en quête perpétuelle de vérité. A quel point nos vies sont-elles mises en scène ? Pouvons-nous écrire notre propre histoire ? En tout cas, ces faux-semblants créent une atmosphère pesante, une méfiance qui contribue à la tension du roman.

Les personnages

Julien est un personnage complètement paumé qui multiplie les erreurs de jugement. Il n’est pas franchement admirable, mais il n’est pas détestable non plus. Ce qui le sauve à mes yeux, c’est une sorte d’innocence, il ne pense jamais à mal et n’élabore aucune stratégie. Il a peur que le monde cesse de tourner, enrage de ne pas comprendre ce qui est arrivé à son père et s’évade dans la boisson et le sexe irréfléchi. Il est le témoin d’une histoire sur laquelle il n’a aucune prise. Autour de lui gravitent la grinçante Carolyn, son ex-mari Larry, producteur à succès et sa nouvelle femme Ashley, Ryan et ses amis plus étranges les uns que les autres, son avocat Curtis qui veille sur la petite bande.

L’écriture 

J’ai retrouvé avec plaisir la « patte » de Fabrice Colin, un style agréable qui n’en fait pas trop, avec régulièrement de petites envolées lors desquelles sa plume se fait poétique, notamment lors de descriptions. Ici, cette belle écriture côtoie des passages plus crus, en particuliers sexuels, un registre adapté au milieu dans lequel évolue le narrateur. A quoi bon enjoliver un monde et une existence qui n’ont rien d’admirable ?

En quelques mots…

Ainsi, j’ai été convaincue par ce polar d’un auteur que j’admire de plus en plus. « Blue Jay Way » n’est pas un roman facile, il est dense, il faut s’y accrocher pour en saisir toute l’épaisseur, mais il vaut le détour. C’est un bon roman autour du mensonge et de l’illusion. Je continuerai ma découverte de Fabrice Colin avec « La malédiction d’Old Haven » ou « La fin du monde » que je possède, et j’ai aussi très envie de lire son dernier polar « Ta mort sera la mienne ». Et vous ?

Note : 3,5/5
Stellabloggeuse

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Ce roman fait partie des challenges :


Challenge ABC 2014 : 4/13


Challenge New PAL 2014 : 9/20

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« De temps à autre, je levais les yeux au ciel. La nuit qui se déployait sur New-York n’avait plus rien en commun avec l’océan des temps anciens. C’était juste une fatalité désormais, juste une ode fanée aux lumières et aux sirènes, à la puissance fragile des monstres de verre qui s’obstinaient à diffracter son image, et ces ténèbres-là ne recelaient plus de magie : les meilleures histoires avaient été racontées il y a des siècles. »

« Le diagnostic était clair : tout ce en quoi je croyais – le bonheur, une certaine idée de la vérité – s’était effrité sous mes doigts, et j’étais impuissant à y changer quoi que ce soit. […] Je sais que j’ai consacré l’essentiel de mon énergie à essayer de comprendre ce qui s’est passé à Washington le 11 septembre 2001 et que je n’y suis jamais parvenu de façon satisfaisante. Je sais que j’ai perdu pied, et que transformer ma rage et ma souffrance en énergie positive s’est révélé impossible ; je sais aussi que j’aurais pu m’en tirer plus mal encore. »

2 commentaires:

  1. C'est à chaque fois que je lis un de tes avis sur un polar que je me dis "tu n'en lis pas beaucoup alors que tu aimes plutôt ça"... Un jour, j'en lirai plus régulièrement. Peut-être :D
    De cet auteur, je n'ai lu qu'un roman de SF jeunesse lorsque j'étais au collège : "Projet oXatan" ; je me souviens l'avoir lu un soir, au fond de mon lit et avoir été très secouée par l'histoire. En y repensant, les thèmes abordés et ce qui s'y déroule sont assez durs. Même si aujourd'hui ça ne me ferait pas le même effet, je pense que ça reste l'un de livres jeunesse qui m'ont le plus marquée ^^

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    1. Merci :) Je ne connais pas le titre que tu mentionnes. Mais oui, Fabrice Colin est très préoccupé par la mort, les attentats, la fin du monde, maintenant que j'en ai lu quelques uns je vois des thèmes qui émergent et j'ai l'impression que c'est un esprit un peu torturé ;) Mais j'aime vraiment sa plume et je ne peux que te conseiller ses livres

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