[Grenoble, café associatif Nicodème, le 15 avril 2011]
C’est un nouveau récit de rencontre que je vous propose aujourd’hui. Cette rencontre a eu lieu lors du Printemps du Livre de Grenoble, ayant pour thème les origines. Judith Perrignon a été invitée pour son premier roman, « Les chagrins », où il est question de l’origine d’Angèle, née en prison. Ce roman à plusieurs voix reconstitue l’histoire d’amour de sa mère Héléna, et de ce qui l’a menée à la prison. Pour en savoir plus, je vous renvoie à ma chronique sur ce livre
Judith Perrignon a rendez-vous avec son public dans un petit café associatif. Dans la salle, un public de personnes plutôt âgées, toutes conquises par l’auteur. Cette dernière commence par se présenter, puis les questions affluent, et la discussion commence nous permettant d’en savoir un peu plus sur son œuvre.
Son parcours
Judith Perrignon a été journaliste à Libération pendant plusieurs années. Maintenant, elle effectue des piges pour Marianne et Vingt-et-un (un journal contenant de longs reportages), et consacre le reste de son temps à l’écriture de livres.
L’écriture
Judith Perrignon se relit à voix haute, pour faire sonner ses phrases. L’écriture est quelque chose de musical pour elle. Elle prône une écriture exigeante, qui demande un effort au lecteur, et refuse la lecture facile. Elle prend peu de conseils autour d’elle sur ses romans.
Avant « Les Chagrins »
Avant de publier son premier roman « Les chagrins », Judith Perrignon avait déjà écrit plusieurs livres en collaboration. Elle a écrit « l’Intranquille », sur le peintre Gérard Garouste, en collaboration avec lui. C’est un portrait très riche, d’un homme fils d’antisémite, qui est aux prises avec des épisodes de folie, mais qui a aussi des vues intéressantes sur la peinture.
Elle évoque aussi « La nuit du Fouquet’s », écrit avec un ami journaliste. Ils ont voulu reconstituer la nuit suivant l’élection présidentielle de 2007, en tant que premier acte du mandat du président. Ce livre utilise une méthode journalistique, mais il est écrit comme une pièce de théâtre.
Elle a également écrit un livre sur Théo Van Gogh, le frère de Vincent : elle fait le récit des 6 mois qui sépare la mort de Vincent Van Gogh de celle de son frère Théo. Elle s’est beaucoup documentée, et a tenté de se mettre dans la tête de Théo.
Judith Perrignon a aussi participé à « La porte bleue », un livre d’autoportraits d’enfants atteints du cancer. Elle a écrit un texte pour accompagner les portraits.
Les Chagrins
L’idée de base
Le déclencheur : elle avait tout simplement envie d’écrire un roman, et se sentait prête.
L’idée du roman est venue du square qui a remplacé la prison de la petite Roquette, et où elle a promené ses enfants. De plus, elle aime les tribunaux, elle allait souvent assister aux assises. En tant que journaliste, elle est allée plusieurs fois en prison pour des reportages. Elle a pu observer la « beauté congédiée » : on enlève aux prisonnières tout ce qui pourrait leur remonter le moral en tant que femme (maquillage, etc).
Un roman à plusieurs voix
En écrivant ce roman, Judith Perrignon avait envie d’un roman à plusieurs voix. Ce qu’elle aime dans les livres, c’est entendre des voix, davantage que l’histoire. Plusieurs voix s’expriment sur un même personnage, qui ne prend jamais la parole : Héléna. Les moments que Judith Perrignon raconte ont lieu juste avant ou juste avant des rencontres : des mots qui n’ont pas été dits.Ce sont des rendez-vous manqués de la vie, des gens qui s’aiment sans se le dire. Judith Perrignon aime raconter les coulisses, planter un décor et laisser le lecteur analyser. Quand on commence un chapitre, on ne sait pas qui s’exprime : Judith Perrignon aime bien que le lecteur soit perdu dans l’histoire quelques instants, puis s’y raccroche.
Le titre
Les chagrins, sont ceux de tous les personnages du roman, qui s’enroulent autour de celui d’Héléna, en résonnance.
Le contexte
Judith Perrignon a grandi dans les années 1970, dans un milieu très militant. Elle a voulu faire entendre ces dernières années utopiques, et la désillusion qui a suivi, en filigrane de son roman. Une partie de l’action se situe à New-York, une ville qui lui tient à cœur.
Les personnages
Les réactions du public sont unanimes : on se met aisément dans la peau des personnages, sauf celui d’Héléna, qui est hermétique. Elle arrête sa vie au moment de la prison, et ne veut pas être mère. Elle arrête le temps à sa déception amoureuse, figée dans l’attente. Elle symbolise le vertige amoureux poussé à son paroxysme, l’enfermement dans un rêve amoureux. A sa mort, elle donne le nom de l’homme qu’elle aimait, comme si elle voulait qu’on le retrouve pour elle.
Mila, la mère d’Héléna, est la femme la plus libre du roman. Elle a été danseuse de cabaret, et ne supporte pas l’emprisonnement de sa fille à l’époque de la libération sexuelle. Elle a une rage de vivre pour les autres.
Dans le personnage de Victor, le journaliste, Judith Perrignon a mis des choses qu’elle pense sur le métier.
Tom, le père, est un musicien, un milieu qu’elle aime.
Et après ?
Un roman policier, écrit à 4 mains avec Eva Joly, est sur le point de paraître. Il s’intitule « Les yeux de Lira ». Il raconte une affaire policière sur fond de corruption mondiale. Eva Joly a apporté sa connaissance du système.
Vous le voyez, c’est un auteur qui a des choses à dire. Que vous dire de plus à part vous inviter à la lire et à aller à sa rencontre ? A ce propos, elle sera présente le jeudi 25 mai au Festival du Premier Roman de Chambéry…
Stellabloggeuse
Je ne connais pas cette auteure, mais maintenant j'ai bien envie de lire "Les chagrins", je vais l'ajouter à ma wish-list ;)
RépondreSupprimerJ'adore ton article, très complet et tout.
Merci pour le compliment, c'était une rencontre très intéressante :)
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