samedi 17 mars 2012

Papa was not a Rolling Stone, de Sylvie Ohayon : chronique rock n’ roll d’une famille juive tunisienne


Aujourd’hui, nous allons sortir un peu de notre province (enfin, je parle pour moi bien entendu), et nous intéresser au destin d’une famille tunisienne émigrée en France au milieu du siècle, et installée dans la cité des 4 000 à La Courneuve. En effet, Sylvie Ohayon nous livre une biographie romancée dans laquelle elle nous dépeint peu à peu cette famille.

Elle commence par nous présenter ses deux grands-parents, Marguerite et Moïse. Ils se sont rencontrés sur les plages de Tunisie, puis sont partis pour la France qui avait besoin de leur force de travail. Ils ont eu beaucoup d’enfants, dont l’aînée, Micheline. Celle-ci, par sa trop grande naïveté, tombe enceinte alors qu’elle est encore très jeune, et accouche de la petite Sylvie. Cette dernière nous raconte alors ce qu’a été sa vie par petites touches, alternant des récits de son enfance avec ceux de sa vie d’adulte. Elle nous présente son combat pour se construire un avenir, pour tracer son chemin dans la vie qui ne lui a pas épargné un certain nombre de drames.

Et c’est là l’une des grandes qualités de ce livre : l’auteur nous raconte les drames de sa vie, parfois très durs, et pourtant le récit n’est jamais pesant tant elle évoque les choses avec un recul teinté d’humour. Un humour parfois grinçant, tendant parfois à l’humour noir, mais efficace. J’ai adhéré.

Quant aux personnages, ils sont attachants : Moïse et son sens de l’honneur, sa manière d’aimer sans jamais énoncer ses sentiments ; Margot et sa force incroyable, son optimisme à toute épreuve ; les garçons de la cité, capables du pires, mais toujours prêts à défendre une fille de leur milieu. Il y a aussi les personnages que l’on adore détester, comme Daniel, le beau-père de Sylvie. Enfin, Micheline est un personnage ambigü, qui a du mal à assumer son rôle de mère, qui refuse d’éprouver des sentiments, mais qui n’est pourtant pas si indifférente que cela.

Ainsi, c’est une histoire pleine de personnages, une histoire de famille, et l’on s’attache assez rapidement à cette dernière. Mais c’est aussi une histoire de courage, Sylvie s’étant battue à la fois contre son entourage qui souhaitait qu’elle reste « dans le moule » et contre les préjugés des milieux plus aisés vers lesquels elle se dirigeait.

Il y a ainsi quelque chose de très positif dans ce livre, l’idée qu’il ne faut jamais abandonner. Elle ne donne pas pour autant une vision idyllique de l’ascension sociale, montrant les obstacles à franchir et le malaise ressenti dans son nouvel univers. Et c’est cette nuance qui est particulièrement intéressante.

Dans ce roman autobiographique, l’auteur fait une sorte de bilan des quarante premières années de sa vie, avec beaucoup de recul. Elle nous livre ainsi des réflexions intéressantes sur ses origines, sur la pauvreté de son enfance qu’elle voit d’un œil positif, sur la futilité de certaines préoccupations.

Il y a beaucoup de matière, c’est un roman très dense, qui fait réfléchir, même si au bout d’un moment, l’auteur se répète peut-être un peu sur certaines choses. Mais globalement, la légèreté du ton, l’humour de l’auteur, permettent de faire passer toutes ces réflexions au lecteur tout en lui faisant passer un bon moment.

Ainsi, c’est un premier livre assurément réussi pour l’auteur, tant par son style direct et son humour grinçant que par la multitude des thèmes évoqués, avec le recul d’une vie bien remplie.

Note : 3,5/5 

Stellabloggeuse 

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« Je suis là, lasse, seule entre les murs immenses d’un appartement trop grand et mon enfance manque, la pauvreté de mon enfance qui était mienne me fait défaut parfois et je pense à la folie de ce monde de cons lorsque chez Chanel, je vois un bracelet en plastique à neuf cent vingt euros. J’ai voulu être de la fête, et maintenant que j’ai vu, je comprends que la vraie misère c’est de vivre à l’envers de la raison, de continuer à jouir de bêtises qui vous laissent le sentiment de n’être rien quand vous avez terminé de posséder les choses et des relations inutiles. »

« Il faut que je vous parle de mes souvenirs aussi. Il faut que je vous raconte comment tout cela est arrivé et pourquoi c’est bien aussi d’avoir connu des drames. Ça relève le goût de la vie, comme le poivre fait s’épanouir les saveurs d’un plat alors que le poivre, en soi, c’est dégueulasse et que ça fait pleurer. »

5 commentaires:

  1. Tu m'as touchée avec ton article et le passage sur les choses futiles qu'on possède de l'auteure m'a convaincue, je le rajoute à ma wish :p
    Bizoo

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    1. Hihi, elle gonfle cette pauvre wish-list ;) (la mienne aussi)

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    2. S'il n'y avait que la wish, ça serait raisonnable, le souci c'est que je viens encore de m'acheter 10 livres, soit 30 euros :$

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    3. 10 livres pour 30 euros c'est plutôt chouette ;)

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    4. C'est vrai que c'est raisonnable :p

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