jeudi 6 septembre 2012

La drôle de vie de Bibow Bradley, d’Axl Cendres : un roman drôle et enlevé, mais qui manque de profondeur

[Sarbacane, septembre 2012]

Rappelez-vous, peu de temps après la création de ce blog, je vous parlais d’un livre intitulé « Mes idées folles », écrit par Axl Cendres. J’avais beaucoup aimé ce livre plein d’humour et de folie, sans être dénué de réflexion. C’est donc avec beaucoup de bonheur que je me suis attelée à la lecture de son nouveau titre, « La drôle de vie de Bibow Bradley », sortie en librairie depuis hier.

Résumé

Le jeune Robert Bradley, troisième du nom, a hérité du surnom de Bibow pour se distinguer de son père et de son grand-père. Il vit dans l’un de ces petites villes de l’Amérique profonde, au début des années 1960. Son horizon se réduit au bar familial empli d’ivrognes et à l’école qui ne veut pas vraiment de lui. Bibow ne rêve que d’une chose : être ailleurs, s’échapper. Son souhait sera exaucé lorsqu’il est recruté pour participer à la guerre du Vietnam. Bibow devrait craindre pour sa vie, surtout que son père et son grand-père ont respectivement perdu une jambe et un œil à la guerre. Sauf que la peur, Bibow ne connaît pas, et cela va lui faire vivre toutes sortes d’aventures…

Une intrigue vive et rythmée

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce roman se lit très vite. L’intrigue avance vite, portée par des phrases plutôt courtes, et les évènements s’enchaînent sans que le lecteur n’ait le temps de s’ennuyer. Mais les choses vont justement un peu trop vite, on saute très vite d’une péripétie à une autre, sans prendre le temps de creuser certains thèmes ou d’approfondir les personnages. Aussi, même si c’est un livre qui se dévore, il en reste au final un petit goût d’inachevé, et c’est bien dommage. Pourtant, la fin du livre m’a bien plu, elle m’a même fait beaucoup sourire.

Une peinture des années 1960

Malgré sa brièveté et son rythme trépidant, Axl Cendres aborde dans ce roman plusieurs facettes de l’Amérique profonde des années 1960. Ainsi, nous sommes en pleine ségrégation raciale, et les ivrognes du bar voient d’un mauvais œil l’arrivée d’un libraire noir dans leur ville. L’auteur aborde également la guerre du Vietnam, en montrant quel gâchis elle a pu constituer, et restitue le climat de la guerre froide avec une CIA si méfiante que c’en est presque comique. Enfin, on s’intéresse au mouvement hippie, au festival de Woodstock et à ce qu’il a pu représenter. Tous ces aspects sont traités avec intelligence et il est d’autant plus dommage que ce ne soit pas plus développé. J’ai particulièrement apprécié sa description d’une communauté hippie.

Un personnage à la fois original et caricatural

L’ensemble du roman tourne autour du personnage de Bibow, nous sommes dans ses pensées et les personnages secondaires sont peu mis en avant, mis à part celui de la fille dont il s’éprend. Bibow est une caricature de l’américain de province : inculte, il ne s’exprime pratiquement qu’en jurant. Il a pourtant quelque chose de différent, non seulement par son absence de peur, mais aussi parce qu’il se pose beaucoup de questions sur les évènements qui l’entourent. J’ai été un peu déçue de la manière dont il choisit de finir ses jours, même si j’ai beaucoup apprécié l’ironie de la situation et la lueur d’espoir que représente son jeune neveu. Mais dans l’ensemble, l’histoire va trop vite pour que l’on puisse s’attacher à ce personnage et se sentir concerné par sa destinée.

L’humour d’Axl Cendres

J’ai en tout cas été ravie de retrouver l’écriture d’Axl Cendres, et surtout son humour. Elle sait créer des situations cocasses comme personne, et elle a le sens de la formule. J’ai souri à de nombreuses reprises en parcourant ce roman. Le niveau de langage est assez familier, voire souvent injurieux, mais c’est le personnage qui veut ça. L’auteur arrive ainsi à donner vie à ce morceau d’Amérique des années 1960, qui est tout de même un brin caricatural.

En quelques mots…

Au moment de conclure, je me trouve assez partagée. En effet, c’est un roman qui va beaucoup trop vite et qui reste en surface. Il va aussi parfois un peu trop loin à mon goût dans la caricature. Et pourtant, j’ai passé un très bon moment, grâce aux aventures de Bibow et à l’humour de l’auteur. C’est ce que je choisis finalement de retenir, même si j’aurais aimé que ce roman aille plus loin.

Note : 3,5/5

Stellabloggeuse 
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Ce roman fait partie du challenge :

  Où sont les hommes ? : lecture n°7
  Bibow aurait pu être un prince charmant, s'il avait eu l'occasion de rester parmi les hippies...
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« Mademoiselle Kingsley, notre institutrice qui n’avait de demoiselle que le nom, m’a tout de suite identifié « crétin », parce que je ne savais pas lire un mot ; faut dire que chez moi, à part ceux marqués sur les étiquettes des bouteilles, j’en voyais pas beaucoup, des mots.
-Tu sais même pas écrire ton nom ?!, elle m’a demandé bien fort.
-Ça commence avec pareille que celle du Bourbon, j’ai dit. Celle qui ressemble à des seins. »

 « Le lieutenant l’avait pas dit, mais on avait en fait deux façons de mourir : soit dans une embuscade, en étant attaqués par des Viets qui se planquaient là, soit sous une bombe américaine, en mettant trop de temps à rentrer au campement après une alerte…d’où la quantité industrielle des pertes humaines. C’est pourquoi il fallait de la chair fraîche en abondance, de la chair que personne ne regretterait. Et c’était donc pour ça que l’armée parcourait les villes paumées du fin fond de l’Amérique, à la recherche de tous les ignares qui servaient à rien. »

« Combien de temps cela a-t-il duré ? Le temps et le LSD n’ont jamais été bons amis. Je sais seulement l’avoir vue debout dans l’herbe, entièrement nue et colorée, les bras ouverts comme si elle voulait prendre le ciel noir dans ses bras ; je sais qu’elle me souriait que je me suis aperçu que ses lèvres n’étaient pas bleues, alors je me suis collé à elle pour rectifier cet oubli. Et ses yeux déversaient de la lumière à en oublier la nuit. »

7 commentaires:

  1. Ohhh ! Cette auteure pourrait me plaire, notamment ce livre :D Je le note, merci :D
    Bizoo et je me dirige vers la page FB ;)

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    1. Comme je te le disais, j'aime beaucoup cette auteure en effet, mais j'ai nettement préféré "Mes idées folles"

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    2. Ok alors ce sera Mes idées folles :D Après le Dole, je pense :p

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  2. J'ai lu ton article avec beaucoup d'intérêt.
    Pour ma part, ce livre est un véritable coup de coeur. J'ai adoré le style vif et drôle d'Axl Cendres. C'est vrai que le roman est assez court, mais ça ne m'a pas dérangé. J'ai vraiment lu ce texte comme une satire sociale, une sorte de fable.

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    1. Je suis contente que tu aies aimé :) La vérité, c'est que j'ai été déçue, non par rapport au livre en lui-même, mais par rapport à ce que je connaissais déjà de cette auteure. Du coup, j'avais sans doute trop d'attentes, et dans ces cas là on est souvent déçu... Et si tu ne l'as pas lu je te conseille vraiment "Mes idées folles" d'Axl Cendres.

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    2. Oui je comprends. C'est certain que quand on attend un auteur au quart de tour, on est parfois déçu.
      J'ai très envie de lire d'autres romans d'Axl Cendres du coup et Mes idées folles me tentait beaucoup. ;-) Mais il n'était pas chez mon libraire malheureusement et je me suis rabattue sur Echecs et but. J'aime aussi beaucoup et je retrouve le côté loufoque de l'auteur. Mais je lirai Mes idées folles c'est certain. Raison de plus si tu me le conseilles :-)

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    3. Il faudrait que je lise Echec et but un de ces quatre :) N'hésite pas à venir papoter quand tu auras lu "Mes idées folles", je serai curieuse de connaître ton avis

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