Il y a une quinzaine de jours, j’ai passé un très bon moment avec « Le magasin des suicides » de Jean Teulé. J’ai donc décidé d’enchaîné avec « Mangez-le si vous voulez » du même auteur, dans l’idée d’aller
peut-être voir l’adaptation théâtrale de ce dernier, qui passera non loin de
chez moi en janvier.
Résumé
Dans
ce roman, Jean Teulé reconstitue un fait divers d’une rare violence qui a eu
lieu le 16 août 1870 dans un village jusque-là paisible. Lorsque Alain de Monéys,
notable du village voisin, se rend à la Foire de Hautefaye, il ne se doute pas
qu’il n’en reviendra pas vivant. Il s’imagine encore moins qu’il sera lynché,
torturé et même dévoré. Et pourtant, c’est bien ce qui arrive…
Du désespoir à la violence
collective
C’est
un roman assez hallucinant que nous propose ici Jean Teulé, le récit d’une
hystérie et d’une violence collective, remède
terrible d’un profond désespoir. En effet, les villageois viennent d’apprendre
que la défaite de la France contre la Prusse est imminente. Cette mauvaise
nouvelle fait suite à un été désastreux marqué par la sécheresse et des
récoltes minimes. C’est alors qu’un simple quiproquo met le feu aux poudres et
Alain Monéys se trouve accusé d’être de mèche avec les prussiens.
Teulé
nous montre ainsi comment de paisibles villageois peuvent devenir, si l'on
combine les bons facteurs, des brutes sanguinaires dénuées de raison. Les
défenseurs d’Alain sont trop peu nombreux pour contenir tous les autres
désireux d’agir, de faire un geste pour « sauver » l’Empire français.
S’ensuivent des scènes terrible de torture jusqu’au bûcher final, puis le
procès qui suivra. Ames sensibles s’abstenir, mais c’est vraiment bien mené !
Les personnages
Ce
qui ajoute à la tension et au drame du roman, c’est que le personnage d’Alain
de Monéys est bien sous tous rapports. C’est un bon citoyen, adjoint au maire
de son village, qui s’efforce d’aider son prochain dans la mesure de ses
moyens. Courageux, il a refusé d’être réformé et s’apprête à rejoindre le
front. Quant aux villageois, ils offrent un tableau dément, de ceux qui
réclament que le sang coulent aux couards qui refusent de voir ce que se
déroule sous leurs yeux, en passant par les enfants pour lesquels cette journée
marquera un passage vers l’âge adulte.
L’écriture
Dans
ce roman, la plume de Teulé se fait plus simple, plus directe. Il va davantage
à l’essentiel, sans pour autant négliger le décor. Il n’épargne pas à son
lecteur les détails sanglants (comment le pourrait-il ?), mais pour moi c’est
bien dosé, ni trop policé ni franchement gore.
En quelques mots…
Ainsi,
une fois de plus avec Teulé, ce roman est un Ovni ! Il s’empare d’un fait
divers et montre le pire de la nature humaine. Il décortique la manière dont de
paisibles villageois sans histoire deviennent des brutes sanguinaires. Bien
mené, mais à réserver aux lecteurs avertis et pas trop sensibles ! (mais
si j’ai pu le supporter, cela devrait aller pour vous^^).
Note :
3,5/5
Stellabloggeuse
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« Chacun
se bouscule pour le taper, imprimer sa marque sur son corps ennemi. Celui qui
vient de frapper se retire, laisse sa place à un autre qui, coup donné,
s’efface pour être aussitôt remplacé. Cette gestion instinctive et collective
du massacre dilue la responsabilité. Pour les adolescents venus à la foire, ce
carnage offre l’heureuse opportunité de prouver leur virilité et de s’intégrer
parmi les hommes. »
« Il
est conduit hors du village comme par un déluge, comme en triomphe, à travers
le pétillement de leurs injures. Les rives des sombres bords se serrent autour
de lui, sonores de cris de mort ! Ô le souvenir des frais instants de paix
profonde de sa vie plutôt confortable d'avant. Mais, devenu ange hors d'usage,
il poursuit, tiré par les chevilles, sa montée vers le foirail. Le meurtre que
la foule s'apprête à commettre est un cri d'amour adressé à la France. »
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