[Sarbacane, janvier 2012]
Pour bien commencer l’année, parlons de la toute dernière parution dans la collection eXprim’ des éditions Sarbacane ! En effet, le « Journal infirme de Clara Muller » de Karim Madani sort aujourd'hui même, le 4 janvier.
Dans ce roman, l’auteur nous livre le journal intime de Clara, sur environ un mois et demi. Clara vit dans un Paris futuriste, en 2015. Un Paris aux allures d’Apocalypse, scindé entre la Ville Haute qui vit dans l’aisance et la Ville Basse, dangereuse et gangrenée par le crime. Clara vit dans la Ville Haute et fréquente le Lycée Guillaume Apollinaire. Elle est apparemment privilégiée, mais sa vie est un enfer : désignée FFO (Fille Frappée d’Opprobre), elle est le souffre-douleur du clan des populaires. La nuit, dans ses rêves, elle rejoint la Ville Basse où elle fait régner la justice aux côtés du Vengeur Toxique. Clara voit dans l’arrivée au sein de son lycée de Karin, une élève de la Ville Basse, une chance de se faire une première véritable amie.
La première chose que l’on peut dire sur ce roman, c’est qu’il attrape son lecteur et le laisse groggy à la fin des 270 pages : il se lit rapidement, les pages se tournent très vite. L’écriture rythmée de l’auteur, ainsi que la forme du journal intime, y sont pour beaucoup.
Du côté des points positifs, on note tout d’abord un gros travail sur la typographie du roman : des petits dessins ou graffitis sont présents à chaque page, comme sur un journal d’adolescent : ils symbolisent certains évènements de la journée, certaines émotions. Des poèmes sont également intercalés dans le récit de la vie de Clara, ainsi que des réflexions sur divers thèmes (tels que les amis virtuels, ou la bande des populaires). Cette présence d’illustrations et la variété des modes de narration apportent de l’intérêt à ce roman.
Le roman démarre en trombe, on entre assez vite dans l’histoire, happé par le style de l’auteur à la fois direct et travaillé. Le monde que nous décrit Karim Madani est violent, tout comme ses personnages, mais son travail sur les mots et les phrases apporte une sorte de poésie. Cependant, plus on avance dans le roman et plus la langue est crue, brute. J’ai moins apprécié, même si on se rend compte que la langue évolue avec la colère de Clara. L’histoire développée par Karim Madani était, selon moi, suffisamment forte pour pouvoir se passer de ce langage volontairement outrancier.
Le personnage de Clara est intéressant, même s’il est difficile de s’identifier à elle. La colère qui l’anime est telle qu’on ne le comprend pas toujours. On regrette parfois qu’elle soit si violente…jusqu’à ce que l’on saisisse le message délivré par l’auteur sur le mal-être que peuvent éprouver des lycéens mis au ban de leurs semblables, résumé en deux phrases :
« Ce qu’ont fait ces gamines… Tu imagines l’état de souffrance qui peut pousser des gosses à faire un truc pareil ? ».
Il évoque également certains questionnements des générations actuelles, et notamment la difficulté de se construire un avenir. Sans oublier les problèmes spécifiques à l’adolescence, comme les difficultés de communication avec les adultes.
Ce message, associé au monde apocalyptique mis en mots par l’auteur donne à ce roman une certaine force. J’ai apprécié cette lecture, mais la déconseillerais néanmoins aux âmes sensibles et aux plus jeunes (si l’on doit fixer une limite d’âge, forcément artificielle, je dirais une quinzaine d’années). A ceux qui sont tentés par une plongée dans ce Paris futuriste et dans la tête de cette ado, vous trouverez le roman en librairie dès aujourd’hui !
Note : 3/5
Stellabloggeuse
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Pour découvrir d'autres avis (plus enthousiastes!) : La Littérature Jeunesse de Judith et Sophie,Batifolire, Strip n'geek.
« Vous qui découvrirez mon Journal Infirme, ne me demandez pas, ne vous demandez pas dans quelles conditions j’ai écrit ces lignes – sur le vif, le cahier planqué sous mon pupitre, ou dans mon lit, le soir, le corps au chaud et l’esprit en paix ?... Peu importe. Ce Journal a pris forme comme tous les monstres naissent, par accident ou par miracle ; c’est tout. J’ai volé des moments au temps pour le remplir. De jour comme de nuit. Ah, une dernière chose : ne me jugez pas trop vite, frères humains qui après nous vivez… Je me fiche de vos larmes ; ce que nous allons faire est carrément génial, jouissif. Un vrai trip, rien à regretter. »
« Je lui ai répondu qu’en parfaite monomaniaque FFO je n’ai AUCUN PROJET D’AVENIR (si ce n’est traînasser dans les bas-fonds de la Ville Basse avec un paumé volant et affublé de collants, l’aider à dégommer quelques gangsters, fumer de l’herbe pendant que le corporate world – auquel tu appartiens, maman chérie – nous la met bien profond).
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