samedi 11 août 2012

Les manuscrits de Kinnereth, de Frédéric Delmeulle : une plongée intéressante dans la Judée du Ier siècle

[Le livre de poche, mai 2012]

Aujourd’hui, je vais vous parler d’un livre un peu particulier, qui mêle l’enquête historique et la science-fiction : « Les manuscrits de Kinnereth » de Frédéric Delmeulle. Lorsque ce livre a été proposé en partenariat sur Livraddict, j’ai décidé de sortir un peu des sentiers battus et de tenter cette lecture ! Il s’agit du second volet d’une série (un tome intitulé « La parallèle Vertov » est déjà paru), mais les deux peuvent visiblement se lire séparément.

Résumé 

Dans ce roman, l’auteur met en scène Théo Materson, un membre de l’ONU qui exerce au sein d’un service dédié aux partenariats internationaux. A l’occasion de fouilles dans le désert du Neguev, son équipe met la main sur des manuscrits qui semblent dater du Ier siècle, alors que Jésus était encore vivant. Mais ces manuscrits impliquent Childebert Kachoudas, un homme du XXIe siècle qui a disparu dix ans plus tôt. Aussi, Théo va trouver Sphinx, la compagne de Childebert, afin d’éclaircir ce mystère. Un mystère qui les amènera à emprunter le sous-marin nucléaire « Le Vertov » pour l’an 30 de notre ère, à la recherche de Childebert et de Jésus.

Une mise en place un peu laborieuse

Ce roman se compose en quelques sortes de plusieurs parties. Durant la première centaine de pages, l’histoire se met en place et il y est surtout question d’histoire des religions, les personnages tentent d’analyser les manuscrits et évoquent pour cela l’historicité de la Bible, et des Evangiles en particulier. Cela m’a rappelé mes cours d’histoire des religions et j’ai beaucoup aimé. Puis, durant une autre centaine de pages, les personnages hésitent sur la marche à suivre et sont menacés par d’énigmatiques ennemis. C’est une partie que j’ai peu appréciée, il m’a semblée qu’elle était un peu « en trop » et j’ai peu goûté les aspects de « thrillers » donnés à l’histoire, avec par exemple une course-poursuite en voiture.

Une plongée historique fascinante, des thèmes intéressants

Mais l’histoire redémarre ensuite, et j’ai bien aimé visiter la Judée du Ier siècle en compagnie des personnages, sur les traces de la Passion de Jésus. Cela peut nous faire voir différemment la religion chrétienne, et notamment le rôle de Judas. Mais c’est véritablement dans la dernière soixantaine de pages que l’intrigue s’éclaire enfin, et que le lecteur peut comprendre enfin la raison d’être de tout ce qu’il a lu précédemment (y compris cette seconde partie qui m’avait un peu ennuyée). L’auteur aborde alors des thèmes très intéressants touchant à la religion, à l’homme, à l’avenir de nos sociétés. Ces pages-là sont véritablement passionnantes, et j’ai beaucoup aimé cette interprétation de l’histoire de l’univers.

Le voyage dans le temps

Ce roman propose une vision assez originale du voyage dans le temps. En effet, à l’inverse d’un film tel que « Retour vers le futur » ou d’un roman comme « Le voyageur imprudent » de René Barjavel dans lequel le moindre geste effectué lors d’un voyage dans le passé peut avoir des conséquences énormes et terrifiantes, l’auteur développe ici l’idée d’un continuum tout puissant : les personnages auront beau s’agiter, ils ne parviendront pas à modifier l’avenir. Néanmoins, certains gestes, par exemple tirer des coups de feu en plein milieu du Ier siècle, y compris devant Jésus lui-même, m’a fait un peu tiquer…

Les personnages

Je dois l’avouer, j’ai eu du mal à m’attacher à ces personnages, pour la simple raison qu’ils sont peu développés. Même le narrateur reste très mystérieux tout au long de l’intrigue, pour des raisons que nous ne comprenons qu’à la fin. A ce moment-là, j’ai néanmoins ressenti de la sympathie pour les paradoxes de ce personnage, mais je ne peux pas vous en dire plus ! J’ai aussi apprécié les personnages de Sphinx, extrêmement posée et réfléchie, ou sa « famille » de vieux hippies un peu décalés.

L’écriture

Là aussi, j’ai un avis quelque peu mitigé. En effet, à certains moments, j’ai été agacée par une écriture un peu trop simple, à la limite de la familiarité (avec par exemple l’emploi de termes comme « ordi » ou « pisser »). Et pourtant, les passages plus descriptifs, et notamment les paysages, sont vraiment beaux et biens écrits. J’ai même souvent eu envie de relever des citations, notamment durant les passages lors desquels l’auteur réfléchit sur l’humanité.

L’auteur parvient à évoquer l’histoire de la Bible ou les fondements de la religion d’une manière à la fois compréhensible et crédible. Visiblement, c’est un homme qui a une culture historique importante. Il donne d’ailleurs une vision de l’Histoire qui m’a beaucoup plu :

« Ecrire l’Histoire, poursuivit-elle enfin, c’est comme essayer de raconter un rêve : on se pense capable d’en saisir toute la complexité mouvante, et à chaque mot que l’on met dessus s’accumule un peu de déception, parce que notre fichu cerveau ne peut s’empêcher de simplifier et de réorganiser. A la fin, on n’a fait que raconter une histoire, une de plus… »

En quelques mots

Au final, je dirais que j’ai apprécié ce roman. L’idée de base et les réflexions développées m’ont parfois beaucoup plus. Il est dommage que la lecture soit parfois rendue laborieuse par des passages un peu superflus ou une écriture qui se relâche par endroits, mais cette histoire reste tout de même une plongée historique assez fascinante.
Merci à Livraddict et au Livre de Poche pour leur confiance.


Note : 3/5

Stellabloggeuse

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« Et le Vertov, sans quitter cette cuvette rocheuse qui le dissimulait aux yeux du monde, avait pourtant traversé le temps comme on traverse une nuit. […] Seules les pierres étaient étonnamment les mêmes. Tout comme la vieille, Arad ne se trouvait qu’à quelques kilomètres vers le Nord, sur ce même plateau aride qui domine la Mer Morte. Mais ce n’était plus la ville que nous avions aperçue, où patrouillaient les chars de Tsahal. Ce n’était pas non plus l’Arad biblique, citadelle royale défendant la route d’Edom, dans l’Araba. C’était l’Arad romaine, modeste forteresse du limes impérial, gardant la Judée contre les tribus nomades du Sud. »

« Vous avez pris soin d’en estomper les aspects les plus choquants, mais cette opinion s’est imposée comme une parfaite évidence avec la fin du XXe siècle : l’être humain est devenu un bien monnayable, que l’on vend par morceaux ou à la pièce, ou bien encore en masse […]. Le totalitarisme libéral a donné naissance au stade ultime de l’être humain : l’homo consumeris. Celui qui consomme, mais aussi celui qui consume ; c’est-à-dire celui qui mène les choses à leur accomplissement définitif, et celui qui vide tout de sa substance, jusqu’à la destruction intégrale… »

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Ce roman fait partie du challenge :

Où sont les hommes ? : Lecture n°3
Beaucoup d’hommes dans ce roman, mais pas de trace du prince charmant !

3 commentaires:

  1. Hummm mouais non même le passage sur Jesus et Judas ne me convertira pas :( la SF et moi on n'est pas copines :(
    Bizoo

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    1. Je ne le classerais pas vraiment en SF, à part le passage du voyage dans le temps, qui est court, on est plutôt dans l'historique. Mais bon, c'est pas un roman indispensable à lire !

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    2. Ah ? bon si je le trouve un jour pas cher je me laisserai tenter :p

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