samedi 13 octobre 2012

13 rue Thérèse, d’Elena Mauli Shapiro : une reconstitution historique et sentimentale

[Michel Lafon, septembre 2012]

Je viens vous parler aujourd'hui d’un livre tout récent, puisqu’il est sorti à la fin du mois de septembre. La quatrième de couverture m’a tout de suite plue, puisqu’elle laissait supposer un roman ayant un fond historique, avec une reconstitution à partir d’objets du quotidien. En tant qu’amoureuse de l’Histoire, il ne m’en fallait pas plus pour succomber lorsque l’occasion s’est présentée de le recevoir en partenariat.

Résumé

Trevor Stratton, un universitaire américain en poste à Paris pour quelques temps, se voit remettre une boite mystérieuse, emplie de souvenirs datant de la fin du XIXe siècle à la Seconde Guerre Mondiale : des photographies, des lettres, des gants, des pièces de monnaie… A partir de ces menus objets, il reconstitue une histoire : celle de Louise Brunet, qui a vécu au 13 rue Thérèse à Paris entre les deux guerres, avec son mari. Une femme pleine de passions, dont l’histoire entraîne Trevor de plus en plus loin dans la reconstitution, brouillant les frontières entre réalité et imagination.

Un roman original

Pour commencer, j’ai beaucoup aimé l’idée de base du roman, cette reconstitution de l’histoire d’une personne et de sa famille à partir d’objets personnels. La reconstitution faite par Trevor est d’abord minutieuse, « scientifique », il scanne certains objets et les décrits dans des lettres adressées à un certain « Monsieur ». Mais il se laisse emporter peu à peu et commence à imaginer des choses, des dialogues, des évènements. La frontière entre la « réalité historique » et l’imaginaire est de plus en plus floue et le lecteur lui-même ne sait plus vraiment où il en est, c’est assez réussi.

Un fonds historique intéressant

La Première Guerre Mondiale a un rôle assez important dans cette histoire, elle en est en quelque sorte la toile de fond. L’auteur a bien su retranscrire la dureté de l’hiver dans les tranchées, ainsi que la dureté des combats avec l’utilisation pour la première fois d’armes lourdes dans un conflit. Mais mis à part l’évocation de ce conflit, la dimension historique reste finalement assez peu présente. Le roman nous donne néanmoins une bonne idée de ce que pouvait être une vie de femme  dans les années 1920, cantonnée au foyer et aux tâches ménagères.

Un personnage passionné

Le personnage de Louise est un intéressant, c’est une femme moderne avant l’heure. Elle n’a pas la foi, n’hésitant pas à blasphémer à l’occasion ou à faire de fausses confessions au curé ! Mais c’est surtout une femme passionnée, qui rêve d’une vie intense alors qu’elle s’ennuie dans la sienne, privée même du bonheur d’avoir un enfant. Mais si j’ai aimé la regarder évoluer, je ne me suis pas vraiment attachée à elle. Il y a aussi quelques personnages secondaires attachants comme la jeune Garance à qui elle donne des cours de piano, et d’autres intrigants comme Xavier, son voisin.

Quant aux personnages du présent, Trevor et la secrétaire de l’université, ils manquent cruellement de corps et d’épaisseur. Ils sont délaissés par l’auteur, et le lecteur ne peut ni les connaître ni s’y attacher. Et c’est bien là mon principal regret avec ce roman : on se concentre sur le passé jusqu’à en oublier la « vraie vie », celle de Trevor et Josiane. J’aurais aimé que le présent soit plus approfondi, que le lien entre le passé et le présent soit beaucoup plus exploité qu’il ne l’est.

L’écriture

L’écriture d’Elena Mauli Shapiro est agréable, on se laisse porter par ses mots. Elle alterne les modes narratifs en introduisant un certain nombre de lettres dans son récit, ce que j’ai apprécié. Elle se montre également douée pour raconter les passions qui animent Louise, et pour écrire quelques scènes érotiques bien menées qui émaillent le roman. Le vocabulaire est bien choisi, je n’ai rien relevé qui soit anachronique ou déplacé.

En quelques mots…

J’ai donc aimé l’expérience originale de lecture que j’ai vécue avec ce roman, appréciant le principe de la reconstitution historique. J’ai également apprécié ce personnage de femme prisonnière d’une condition qui ne lui plaît pas. Je regrette néanmoins que le présent soit délaissé, que le personnage de Trevor ne soit qu’un prétexte pour raconter l’histoire de Louise.
Je remercie en tout cas chaudement Camille et les éditions Michel Lafon pour leur confiance.

Note : 3,5/5

Stellabloggeuse

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« Heureusement, elle n’associe pas ses gants qu’à ce seul contexte – ce ne sont que des objets du quotidien – mais il n’est pas tout à fait impossible que sa réticence à les porter et à aller à l’église ait quelque chose à voir avec les funérailles de son frère…lui qui a survécu durant la guerre, lui qui a souffert durant cette boucherie absurde et interminable, pour être fauché à la fin par la maladie, par ce qu’on appelle la Nature…un acte divin. Quelle négligence, quelle insouciance de Sa part, tout comme nous, quand nous laissons tomber par inadvertance de la menue monnaie de nos poches, des pièces sans importance, des espèces errantes… Lui, le Saint Père, ne tourne même pas la tête quand résonne le bruit infime de notre chute sur le sol dur. »

« Il sourit devant cette soudaine douceur en elle. La rage qui les habitait plus tôt semble s’être évaporée, les laissant en pleine confusion. Ils ignorent comment se comporter en cet instant, cet instant de vérité qui fait suite à leurs poses et à leur violente ambivalence. Céder les oblige à rendre les armes, les transforme en un couple d’enfants désorientés, alarmés et enivrés par la chute qui les attend. »

4 commentaires:

  1. Rholala, je rajoute de suite ! Y'a tout la recherche, l'histoire, la première guerre...
    Merci et encore un très beau billet *-*

    Bisouuus

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    1. C'est pas mal du tout oui, même si j'ai exprimé quelques bémols ;)

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  2. Je suis à moitié d'accord sur ton avis. Quoique. J'ai bien aimé le concept des objets disséminés dans le livre. Par contre , personnellement, j'étais tellement prise dans le jeu que comme Trevor, j'ai plus vu où était la réalité du reve? En fait, j'avais tout pris pour argent comptant Je sais pas ce qu'il s'est passé mais alors, pas un seul instant, j'ai compris que Trevor extrapolait l'histoire de la boite. La honte :P

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    1. Cela veut dire que cela a fonctionné pour toi, c'est plutôt bon signe ! J'ai du être assez terre à terre sur ce coup-là ;) Ce que j'aurais surtout aimé, c'est connaître mieux Trevor et le voir un peu vivre lui aussi :)

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