samedi 14 juin 2014

Un homme effacé, d'Alexandre Postel : une erreur judiciaire aux terribles conséquences

[Gallimard, 2013]

Je vais vous présenter aujourd'hui l'un des romans sélectionnés pour le Festival du Premier roman de Chambéry 2014 (qui a eu lieu fin mai), un titre qui a reçu par ailleurs le prix Goncourt du Premier roman en 2013 : Un homme effacé, d'Alexandre Postel.

Résumé

Dans la ville de L**, Damien North mène l'existence paisible d'un professeur de philosophie à l'université. Veuf depuis de nombreuses années, son quotidien se résume à ses cours, les petites querelles intestines entre professeurs et son jardin. Jusqu'au jour où la police frappe à sa porte, l'accusant d'avoir téléchargé des images pédopornographiques sur son ordinateur. Il se sait innocent, mais les preuves sont accablantes et la machine judiciaire s'emballe, appuyée par la rumeur populaire. Il s'efforce de prouver son innocence, mais sa vie ne sera plus jamais la même.

De l'erreur judiciaire à la perte d'identité

Ce roman montre comment, du fait de l'existence d'une preuve matérielle, un innocent se retrouve pris dans le système judiciaire, broyé par ce dernier et accablé par la rumeur publique. En effet, la suspicion de pédophilie qui pèse sur Damien amène tout son entourage à le considérer d'un autre œil et à réexaminer les souvenirs qu'il avait de lui. Ainsi, c'est toute son identité que l'on déconstruit peu à peu et que l'on reconstruit en la déformant. Le plus effarant étant que lui-même en vient, peu à peu, à se regarder comme un coupable. C'est donc l'amertume et la colère qui dominent, puis la résignation, et ce jusqu'à la fin.

Des thèmes de société

Le roman est ancré dans une ville qui n'existe pas, l'action se situe dans une société fictive qui emprunte au système américain (avec notamment la possibilité du plaider coupable) et au système français. L'auteur en profite pour aborder des sujets de société actuels, ou qui pourraient le devenir. Notamment les dangers d'Internet, ou l'impuissance du système judiciaire à prévenir la délinquance sexuelle et à empêcher la récidive, mais pas seulement, puisqu'il s'intéresse aussi au système universitaire. Ainsi, beaucoup de thèmes sont balayés et l'on trouve dans ce roman des réflexions intéressantes, mais on passe très vite dessus, j'aurais souhaité un peu plus de profondeur.

Les personnages

Damien North n'est pas un personnage particulièrement attachant. C'est une personnalité assez taciturne, un brin cynique. Au début du roman, il montre un peu de mordant, mais il devient rapidement passif. Évidemment on peut le comprendre, c'est quelqu'un qui a perdu tous ses repères et son identité. Mais tout cela manque un peu de « tripes » pour que le lecteur soit ému et emporté par l'histoire.

L'écriture

Le style d'Alexandre Postel est agréable, on sent que c'est quelqu'un qui a l'habitude d'écrire, même s'il s'agit là de son premier roman publié. Il fait dans la sobriété et la lecture ne rencontre pas d'obstacle particulier. Il réussit à nous plonger dans la tête de son personnage et propose des images intéressantes.

En quelques mots...

Ainsi, c'est un premier roman réussi que nous propose Alexandre Postel, qui nous montre comment un homme peut perdre jusqu'à son identité suite à un malentendu. L'ensemble est bien mené et bien écrit, et comporte des réflexions intéressantes, mais manque à mon goût de profondeur et d'émotions.


Note : 3,5/5

Stellabloggeuse
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« En effet, il n'y a rien de faux dans votre commentaire, je vous l'accorde. Mais ce n'est pas pour autant qu'il y a du vrai. Entre le faux et le vrai, il y a un espace qui est celui de l'apparence du vrai. C'est l'espace de l'imposture, de la séduction, de l'opinion, de la bêtise aussi. L'apparence du vrai, c'est le cauchemar de la vérité. »

« Sur le papier, rien ne nous différencie : deux pédophiles, deux pauvres pervers dont les protestations d'innocence ne trompent ni ne surprennent personne. 85% des pédophiles sont dans le déni, disait le commissaire. Pourquoi paraîtrais-je moins coupable que lui ? La société porte sur nous le même regard. La preuve, c'est qu'elle nous enferme dans la même prison. »

« Il n'avait encore rien dit depuis qu'il avait ouvert la porte de sa chambre. Tout s'était passé comme dans un de ces rêves confus, rapide et avortés que l'on fait entre deux sonneries du réveil-matin, lorsqu'on dort moins qu'on ne fuit le jour qui vient. »

2 commentaires:

  1. l'idee est bonne et tres interessante mais cest dommage que le roman manque d'emotions surtout avec un tel sujet.

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    1. Oui, c'est un personnage complètement passif et dépassé par les évènements, il est plus spectateur qu'autre chose. Même s'il se pose beaucoup de questions sur son identité

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