mercredi 8 juillet 2015

Eben ou les yeux de la nuit, d’Elise Fontenaille : un petit roman passionnant sur un fait historique

[Rouergue, 2015]

Me voilà aujourd’hui avec un très court roman, d’une soixantaine de pages, écrit par la prolifique Elise Fontenaille et chaudement recommandé par plusieurs de mes collègues bibliothécaires.

Résumé

Eben vit dans la Namibie d’aujourd’hui, un pays immense et désertique. Il a la peau sombre, comme tous les Hereros, le peuple dont il est issu. Mais il a aussi des yeux bleus, dont il a appris qu’ils lui viennent des allemands et du génocide perpétré dans son pays par le IIe Reich, au tout début du XXe siècle. Entre colère et désir d’agir, il nous raconte cette triste histoire.

Un génocide méconnu

Bien que le roman soit très court, il est véritablement intéressant et bien documenté, on apprend beaucoup de choses sur ce pan d’Histoire de la Namibie en peu de temps, livré avec clarté, au travers de la vision d’un adolescent. Les Hereros, jadis l’ethnie la plus représentée dans le pays, ont été décimés, tout comme les Namas. Ce génocide a longtemps été occulté, le travail de mémoire a commencé dans les années 1990, et c’est principalement en 2004, année du centenaire, que le sujet a émergé dans la lumière. Le roman est passionnant tout en faisant froid dans le dos, quand on découvre que c’est dans ce pays que l’idéologie nazie a pris racine.

La Namibie d’aujourd’hui, héritage et colère

Le roman nous donne également à connaître un peu la Namibie d’aujourd’hui, avec ses déserts impitoyables et magnifiques. Un pays où les allemands sont toujours présents en nombres, possèdent la majorité des richesses et occupent les emplois prestigieux, même si les Namibiens gouvernent désormais eux-mêmes. Il nous présente un adolescent d’aujourd’hui, confronté à l’Histoire de son peuple, un fardeau lourd à porter.

Les personnages

Eben est un adolescent hanté par le passé de son peuple et de sa famille, honteux de ses origines. Il est en colère, nombre des participants au génocide n’ont jamais été inquiétés et sont morts péniblement, certains se tenant aux côtés d’Hitler dans son extermination des juifs. Alors, il va ressentir le besoin d’agir. Son oncle Isaac insiste lourdement sur la nécessité de connaître l’Histoire, pour savoir d’où l’on vient et où l’on va, et je ne peux que lui donner raison.

L’écriture

Je n’ai rien relevé de particulier concernant le style d’écriture, la lecture est fluide et les explications claires, on n’en demande pas davantage à ce type de roman.

En quelques mots…

Ainsi, Elise Fontenaille propose aux adolescents (à partir de 14 ans) un petit roman très intéressant et bien documenté sur un sujet historique peu connu. Pour ma part il m’a donné très envie de lire son « Blue book », un essai sur le même sujet destiné aux adultes, pour aller plus loin.

Note : 3,5/5
Stellabloggeuse
--------
« Sans l’Histoire, tu ne comprends rien du monde où tu vis, me dit Isaac, c’est comme de marcher en pleine rue les yeux bandés : tu te cognes partout, tu ne sais pas où tu vas, ni d’où tu viens – et tu finis par te faire écraser par un camion. »


« Ils mesuraient nos crânes, ils les prenaient en photo, qu’ils classaient dans de grands cahiers couverts de notes et de dessins, et ils les envoyaient à Berlin, aux universités, pour que d’autres savants là-bas les mesurent à leur tour, afin que chacun sache à quel point le Noir était inférieur au Blanc – à cause de deux millimètres de différence entre l’orbite et l’os frontal. Enfin, tout ça, c’étaient des prétextes, comme dit Isaac : ils voulaient nos richesses et nos terres, il leur suffisait de démontrer qu’on était une race inférieure, et le tour était joué… Pour eux, l’Afrique n’était peuplée que par des animaux, certains marchants sur deux pattes. Ils avaient oublié qu’on lisait la Bible et qu’on jouait parfois du piano, ou aux échecs. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

A vous de donner votre avis, il est le bienvenu !