[Rouergue,
2015]
Me
voilà aujourd’hui avec un très court roman, d’une soixantaine de pages, écrit
par la prolifique Elise Fontenaille et chaudement recommandé par plusieurs de
mes collègues bibliothécaires.
Résumé
Eben
vit dans la Namibie d’aujourd’hui, un pays immense et désertique. Il a la peau
sombre, comme tous les Hereros, le peuple dont il est issu. Mais il a aussi des
yeux bleus, dont il a appris qu’ils lui viennent des allemands et du génocide
perpétré dans son pays par le IIe Reich, au tout début du XXe siècle. Entre
colère et désir d’agir, il nous raconte cette triste histoire.
Un génocide méconnu
Bien
que le roman soit très court, il est véritablement intéressant et bien
documenté, on apprend beaucoup de choses sur ce pan d’Histoire de la Namibie en
peu de temps, livré avec clarté, au travers de la vision d’un adolescent. Les
Hereros, jadis l’ethnie la plus représentée dans le pays, ont été décimés, tout
comme les Namas. Ce génocide a longtemps été occulté, le travail de mémoire a
commencé dans les années 1990, et c’est principalement en 2004, année du
centenaire, que le sujet a émergé dans la lumière. Le roman est passionnant
tout en faisant froid dans le dos, quand on découvre que c’est dans ce pays que
l’idéologie nazie a pris racine.
La Namibie d’aujourd’hui, héritage
et colère
Le
roman nous donne également à connaître un peu la Namibie d’aujourd’hui, avec
ses déserts impitoyables et magnifiques. Un pays où les allemands sont toujours
présents en nombres, possèdent la majorité des richesses et occupent les
emplois prestigieux, même si les Namibiens gouvernent désormais eux-mêmes. Il
nous présente un adolescent d’aujourd’hui, confronté à l’Histoire de son
peuple, un fardeau lourd à porter.
Les personnages
Eben
est un adolescent hanté par le passé de son peuple et de sa famille, honteux de
ses origines. Il est en colère, nombre des participants au génocide n’ont
jamais été inquiétés et sont morts péniblement, certains se tenant aux côtés
d’Hitler dans son extermination des juifs. Alors, il va ressentir le besoin
d’agir. Son oncle Isaac insiste lourdement sur la nécessité de connaître
l’Histoire, pour savoir d’où l’on vient et où l’on va, et je ne peux que lui
donner raison.
L’écriture
Je
n’ai rien relevé de particulier concernant le style d’écriture, la lecture est
fluide et les explications claires, on n’en demande pas davantage à ce type de
roman.
En quelques mots…
Ainsi,
Elise Fontenaille propose aux adolescents (à partir de 14 ans) un petit roman
très intéressant et bien documenté sur un sujet historique peu connu. Pour ma
part il m’a donné très envie de lire son « Blue book », un essai sur le même sujet destiné aux
adultes, pour aller plus loin.
Note :
3,5/5
Stellabloggeuse
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« Sans
l’Histoire, tu ne comprends rien du monde où tu vis, me dit Isaac, c’est comme
de marcher en pleine rue les yeux bandés : tu te cognes partout, tu ne
sais pas où tu vas, ni d’où tu viens – et tu finis par te faire écraser par un
camion. »
« Ils
mesuraient nos crânes, ils les prenaient en photo, qu’ils classaient dans de
grands cahiers couverts de notes et de dessins, et ils les envoyaient à Berlin,
aux universités, pour que d’autres savants là-bas les mesurent à leur tour,
afin que chacun sache à quel point le Noir était inférieur au Blanc – à cause
de deux millimètres de différence entre l’orbite et l’os frontal. Enfin, tout
ça, c’étaient des prétextes, comme dit Isaac : ils voulaient nos richesses
et nos terres, il leur suffisait de démontrer qu’on était une race inférieure,
et le tour était joué… Pour eux, l’Afrique n’était peuplée que par des animaux,
certains marchants sur deux pattes. Ils avaient oublié qu’on lisait la Bible et
qu’on jouait parfois du piano, ou aux échecs. »
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