mercredi 7 novembre 2012

La peau d’un autre, de Philippe Arnaud : prise d’otages dans une école maternelle

[Sarbacane, novembre 2012]

Je vais vous parler aujourd'hui du dernier-né de la collection eXprim’, aux éditions Sarbacane : « La peau d’un autre » de Philippe Arnaud. Un roman qui sort aujourd’hui en librairie, tout comme « Tu seras partout chez toi » d’Insa Sané, auquel je consacrerai également un billet, sans doute d’ici dix à quinze jours !

Résumé

Un après-midi comme un autre, un jeune homme de 20 ans, armé et bardé d’explosifs, pénètre dans une classe de grande section de maternelle. Il tient sous sa menace les élèves ainsi qu’Anna, leur institutrice. Pendant de nombreuses heures, ils resteront dans la classe tous ensemble. Trois personnages nous livrent leur ressenti, heure par heure : le forcené, l’institutrice et Manon, l’une des élèves. Leurs pensées s’échappent également, nous offrant des souvenirs de leurs vies respectives.

Un huis-clos bien mené

J’ai aimé l’originalité de ce roman. Nous ne sommes pas face à une véritable intrigue, mais à un huis-clos, que nous observons à travers trois paires d’yeux. Cette idée de raconter une prise d’otages m’a plu, d’autant plus que nous n’avons pas ici un point de vue extérieur, journaliste, mais un triple point de vue « de l’intérieur », entrecoupé de souvenirs. J’ai aimé la différence des approches entre le forcené, l’institutrice et la petite fille. Il y a beaucoup de tension, et bien que l’action ne soit pas au rendez-vous, on ne s’ennuie pas un instant.

La différence et la cruauté des autres

Au fil des souvenirs du narrateur, du forcené, nous comprenons peu à peu comment il en est arrivé là. La difficulté d’être blanc à l’extrême dans une Afrique imprégnée de superstitions et terrorisée par des milices. La difficulté d’être immigré en France, où certains tentent de profiter de sa position de faiblesse. La peur des autres, parce qu’il n’est pas seulement blanc, il est pâle à faire peur (sans doute albinos, même si ce n’est jamais mentionné). Ce roman tourne ainsi autour de la cruauté dont sont capables les humains vis-à-vis de leurs semblables, s’ils ont le malheur d’être différents.

Les personnages

Le personnage que nous suivons le plus est celui du forcené. Nous ne connaissons pas son nom, juste un surnom (dont je vous laisse la surprise). En revanche, il nous emmène dans son enfance, et contre toute attente on se range assez vite de son côté. Il a souffert, et il a eu peu de chances de pouvoir mener une vie « normale », paisible. Il y a eu cette fille, à qui il n’a pas su parler. Il y a eu la musique, qui lui a permis de s’exprimer. Mais il n’a jamais trouvé sa place, et cela le rend touchant. De même, sa manière de se conduire avec les enfants le rend sympathique, tout en étant un preneur d’otages crédible. Néanmoins, il n’est pas attachant pour autant, et je ne me suis pas vraiment impliquée émotionnellement auprès de lui.

En revanche, j’ai été un peu frustrée par le personnage d’Anna, les quelques visions que nous avons de son enfance. Elle a une double personnalité, avec des monologues intérieurs qui poussent à sourire. Elle semble assez complexe, et j’aurais aimé que son personnage soit plus creusé.
Quant à Manon, elle est innocente et rafraîchissante. C’est une petite confiante et très attentive aux autres et à leurs besoins, elle parvient à conquérir tout le monde.

L’écriture 

En ce qui concerne l’écriture, l’auteur épouse bien les points de vue des trois personnages principaux, et nous relate une prise d’otages tout à fait crédible. Son écriture est souvent directe, mais jamais pauvre. Et surtout, le roman est émaillé de moments poétiques, des textes écrits par le preneur d’otages et mis en musique par son meilleur (et seul) ami, lorsqu’ils étaient au lycée.

En quelques mots…

J’ai donc apprécié de huis-clos grâce aux multiples points de vue, au personnage du preneur d’otages bien développé et au talent d’écriture de l’auteur, même si j’aurais aimé que certains aspects soient un peu plus creusés. Je vous invite à découvrir également les avis de La littérature jeunesse de Judith et Sophie et de Batifolire sur ce roman.
Merci aux éditions Sarbacane et à la collection eXprim’ pour leur confiance.

Note : 3,5/5

Stellabloggeuse

--------

Ce roman fait partie des challenges :

  
Où sont les hommes ? : lecture n°15
Le narrateur n’a pas eu ne serait-ce que la possibilité d’envisager devenir un prince charmant…


 Bouge ta PAL ! : lecture n°2

--------

« Peu importe, il est au bout. Ce qui remonte dans sa gorge à cette seconde précise a une saveur de bile étrange, cependant qu’il fait face à la porte, place devant lui sa mitraillette. Ultime respiration, et soudain dans sa bouche le goût des palétuviers, reflux d’enfance. Il va pour enfoncer la porte, oubliant qu’elle est entrebâillée, chancelle avant de foncer…la referme derrière lui, rageusement. L’écho du claquement hante l’air, puiss s’évanouit. Je donne je prends. Il a réussi. »

« Son baume, ce sont les livres et les feuilles blanches avec lesquelles il rentre jour après jour. Lire, écrire, vivre enfin ! Au long des journées qui s’écoulaient dans la cuisine enfumée de sa mère, il dévorait sans relâche, relisant plusieurs fois les « grands messieurs » de la littérature, comme disait le maître, Monsieur Dickens, Monsieur Victor Hugo, et, joie suprême, un roman de Sembene Ousmane qui semblait soudain relier ses rêves à son monde, au milieu d’autres qu’il oubliait et redécouvrait régulièrement. Parfois, quand il relevait la tête pour respirer, comme s’arrachant à l’apnée, il croisait le regard attendri et inquiet de sa mère, qui ne savait pas lire. Il lui racontait les histoires avec passion, dissimulait tant bien que mal ses cicatrices. Le temps du bonheur. »

9 commentaires:

  1. Ça m'a plu cette lecture. L'histoire est vraiment bien menée et jusque la fin, on a des doutes sur l'issue finale.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est vraiment bien mené, que ce soit au niveau des évènements, des retours en arrière ou des points de vue adoptés

      Supprimer
  2. Il a l'air génial !!! Sarbacane décidément :D
    Je me le note :p

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, un bon titre de la collection, inattendu et bien mené. Mais j'ai hâte de retrouver un de mes chouchous de la collection, Insa Sané, avec "Tu seras partout chez toi".

      Supprimer
    2. J'ai plus de proposition de SP en ce moment :( je t'avoue que ça m'arrange car plein de LV mais bon... :(

      Supprimer
    3. ça doit être du au changement de stagiaire, il faut peut-être que tu te fasses connaître auprès d'elle. En plus c'est une bloggueuse (le Calidoscope). Nous les ambassadrices, on a reçu les deux nouveautés de novembre, + le monde de Charlie pour celles qui ne l'avaient pas lu.

      Supprimer
    4. Ben on échange pour le forum mais jamais pour moi :/ m'enfin pas grave, j'ai déjà un max de lectures pour le trimestre avant ma formation et tjs d'autres SP donc...

      Supprimer
  3. Voilà, un nouveau huit clos très original

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, je garde un bon souvenir de cette lecture qui date pour moi d'il y a deux ans, je conseille volontiers ce livre

      Supprimer

A vous de donner votre avis, il est le bienvenu !