samedi 22 juin 2013

L’herbe bleue : un témoignage qui serait frappant…s’il était véridique

[Pocket, 2003]

Je vais vous présenter aujourd’hui une relecture, d’un livre que j’ai lu à l’adolescence et qui m’a fait forte impression. Il s’agit de l’Herbe bleue, publié sous anonymat. Ce n’est qu’après ma relecture que j’ai appris qu’il s’agit en fait d’un faux journal intime, écrit par une psychologue pour enfants spécialiste du genre, Beatrice Sparks. Mon ressenti s’en trouve bouleversé et ma chronique sera complètement différente de ce qu’elle aurait été s’il s’agissait d’un véritable témoignage. Je suis d’ailleurs outrée que dans l’édition 2003 de Pocket, on continue à nous laisser croire qu’il s’agit d’un témoignage, alors que la supercherie a été révélée quelques années après la première édition (qui date de 1970).

Résumé

Nous suivons avec ce livre le journal d’une jeune fille américaine anonyme, durant environ deux ans. Sur ces deux années, l'une est marquée par la prise de drogue, après une première expérience involontaire, puisque l’on a versé du LSD dans son verre lors d’une soirée. Pour cette jeune fille normale et complexée, c’est le début d’un terrible engrenage de dépendance, de mensonge, de fugues.

L’engrenage de la drogue

Ce livre s’efforce de démontrer comment la drogue, même prise une seule fois, peut entraîner n’importe quelle jeune personne dans son engrenage. En effet, « l’héroïne » de l’histoire vient d’un milieu plutôt aisé et conservateur, et rien ne la prédestine à devenir une junkie. Pourtant, avec cette première prise vient l’envie d’essayer d’autres choses. Puis, lors de « voyages » particulièrement intenses, on prend des décisions folles, comme prendre un bus pour l’autre bout du pays. Avec la dépendance et drogue viennent le mensonge, le sexe perverti, la revente, épreuves que traverse notre narratrice. Encore une fois, ce serait frappant si c’était vrai. Sachant que c’est une fiction, on est tenté de se dire que certains évènements sont invraisemblables (par exemple, deux adolescentes de 15 ans en fugue pendant deux mois et qui parviennent à ouvrir un commerce dans une grande ville).

Une position conservatrice

Ce livre reflète l’Amérique conservatrice des années 1970, effrayée par la vague hippie, l’effet Woodstock. Ainsi, l’auteure nous donne l’impression que quasiment la moitié des jeunes du pays sont tombés sous l’emprise de la drogue, et ce dès neuf ou dix ans. Là encore, c’est assez invraisemblable et sachant qui est l’auteure, on peut penser qu’il y a là un message alarmiste : si vous ne faites pas attention, tout le monde sera drogué. De même, la famille présentée dans ce roman est « bien sous tous rapports ». Un père enseignant, une mère au foyer et trois enfants sages qui rêvent de leur ressembler. Celle qui s’écarte de leurs valeurs risque de trouver la mort au bout du chemin. Je pense que je serais passée à côté de cet aspect si je n’avais pas su qu’il s’agissait d’un faux journal, je n’aurais retenu que le propos sur la drogue.

Les personnages

Le personnage principal est une jeune fille désespérément normale avant de commencer à se droguer. En effet, avant la drogue, son journal est d’une banalité affligeante. Au départ la jeune fille est naïve et complexée. Puis, la drogue la transforme et elle perd ses repères, elle ne sait plus vraiment ce qui est bien ou mal. Elle est déchirée entre sa culpabilité et le plaisir qu’elle ressent lors de ses « voyages ». Lorsqu’elle est libérée de la dépendance, ses désirs sont on ne peut plus conventionnels : se marier avec un gentil garçon, devenir une bonne épouse et une bonne mère, dans la lignée des valeurs que ses parents lui ont inculquées. D’ailleurs, elle a un nombre de prétendants assez impressionnant pour une fille tantôt junkie, tantôt insipide.

Il y a également les jeunes drogués de la ville, présentés comme des personnes impitoyables. Ils forment un groupe et refusent que quelqu’un « décroche », allant jusqu’à l’intimider voire lui faire prendre des drogues à son insu. Là encore, dans le cas d’un vrai témoignage je vous aurais dit que la drogue a fait beaucoup de mal à ses jeunes qui vont jusqu’à s’en prendre aux autres. Sauf que cette histoire n’est pas vraie, donc j’y vois une caricature de drogués.

L’écriture

Quant au style, il n’est pas particulièrement agréable, je ne sais pas si cela est dû à la traduction ou au texte original. Certaines choses sonnent étrangement, par exemple quand la narratrice parle de ses camarades, elle dit « les gosses » (sans doute pour traduire « kids »). Il y a également beaucoup d’exclamations, qui sont un peu pénible à la longue. En revanche, j’ai beaucoup apprécié les passages où la narratrice raconte ses expériences de la drogue, ils sont beaucoup plus travaillés.

En quelques mots…

Je suis navrée car cette chronique est bien trop longue, mais j’ai eu du mal à démêler mon ressenti premier et ce qui m’est venu avec la révélation de la supercherie. C’est un livre que j’ai dévoré, prise dans le terrible engrenage de la drogue. Néanmoins, la révélation de la tromperie m’a beaucoup déçue et me fait remettre en cause tout le bien que j’aurais pu dire de ce texte. Si cela avait été un vrai témoignage, j’aurais dit qu’il s’agissait d’un incroyable récit sur ce que peut faire faire la drogue à la plus sage des jeunes filles. Mais maintenant, je n’y crois plus. Au final, je pense qu’avec ce mensonge, l’auteure aura perverti son message, qui partait pourtant d’une bonne intention. Dommage.

Note : 2,5/5 (si cela avait été un vrai témoignage, j’aurais mis 3,5 voire 4)

Stellabloggeuse

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Ce roman fait partie des challenges :


Challenge ABC 2013 : 22/26
(Mes lectures n°20 et 21 ont été chroniquées sur le blog du challenge uniquement, ici et ici)


Challenge « Bouge ta PAL ! » : lecture n°40

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« Je me suis mise à rire comme une folle. C’était la chose la plus drôle, la plus absurde que j’avais jamais entendue. Et puis j’ai remarqué des dessins qui changeaient lentement, au plafond. Bill m’a attirée contre lui et m’a posé la tête sur ses genoux pendant que je regardais les couleurs se mêler et tournoyer au plafond de grandes tâches rouges,  bleues, jaunes. Je voulais faire partager aux autres ce spectacle merveilleux mais les mots qui sortaient de ma bouche étaient pâteux, mouillés, ils avaient un goût de couleur. Je me suis redressée et je me suis mise à marcher en frissonnant un peu. J’avais l’impression que le froid s’insinuait en moi  et je voulais le dire à Bill, mais je ne pouvais que rire. »

« J’ai regardé le ciel ce matin et j’ai compris que l’été est presque fini et ça m’a rendue très triste parce qu’il me semble que je n’ai pas eu d’été du tout. Ah ! Je voudrais qu’il ne soit pas fini ! Je ne veux pas vieillir. Je souffre d’une peur idiote, chez journal, je me vois vieille, sans jamais avoir été jeune. Je me demande comment ça peut m’arriver si vite, à moins que je n’aie déjà gâché ma vie. Tu crois que la vie peut passer sans qu’on s’en aperçoive. Rien que d’y penser j’en ai des frissons ! »

8 commentaires:

  1. Pour avoir expérimenté la même déception, je te comprends tout à fait !
    J'avais lu ce livre lorsque j'étais ado et il m'avait beaucoup parlé, je m'étais sentie proche de la narratrice, pas au niveau de ses problèmes de drogue mais de certains des sentiments qu'elle éprouve...Ce n'est que bien des années plus tard, quand j'étais à la fac, que j'ai appris qu'en fait le bouquin avait été écrit par une psy et je me suis sentie un peu trahie !

    Et comme toi, je trouve hallucinant qu'il soit toujours édité en "anonyme" !

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    1. Ce n'est pas seulement qu'il soit édité en anonyme, c'est qu'à la dernière page on trouve toujours le petit texte qui dit "L'auteure de ce journal a été retrouvée morte deux semaines après avoir décidé de ne plus en tenir un. Ses parents sont rentrés un soir du cinéma et l'ont trouvé morte. Elle n'est que l'une des 50000 victimes de la drogue cette année-là et blablabla"

      On se moque de nous!

      Merci de me comprendre et de me soutenir ;)

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  2. Je n'ai jamais lu ce livre, quoique j'en ai souvent entendu parler. Toutefois, je dois dire que l'idée que ce soit un vrai ou un faux témoignage n'est pas un problème pour moi. Le tout est que ce soit crédible et bien écrit. Ce qui compte à mon sens, c'est la qualité intrinsèque du livre.

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    1. Eh bien justement, sachant que c'est une fiction pas mal de choses semblent peu crédibles, caricaturales. Tandis que, lorsque je croyais que c'était un témoignage, je ne remettais rien en question, même si c'était incroyable... Donc ça change toute ma perception du roman. En tant que roman, c'est plutôt mauvais, dirais-je

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  3. Mince alors, du coup, ce que je pensais du livre est complètement transformé avec ce que tu dis. J'ai l'impression aussi de voir un plaidoyer puritain maintenant

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    1. Oui, d'autant plus que cette fameuse psychologue est également une mormone^^

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  4. J'avais beaucoup aimé ce livre quand je l'avais lu en étant ado mais quand j'ai su plus tard que ce n'était pas un réel témoignage, ça m'a complètement fait revenir sur mon avis, tout comme toi :/
    C'est dommage... À ce sujet, y a pas besoin de faire semblant autant lire quelque chose de vrai...

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    1. Disons que c'est le mensonge qui est dérangeant, on nous fait croire à une histoire vraie pour faire passer une intrigue emplie d'invraisemblances et de clichés...

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