samedi 5 janvier 2013

L’équipée volage, de Rolland Auda : Et si Christophe Colomb n’avait jamais découvert l’Amérique ?

[Sarbacane, janvier 2013]

L’année dernière, j’avais eu l’occasion de découvrir Rolland Auda avec son second roman, « Le Dévastateur ». J’avais aimé l’expérience de cette lecture, quasi cinématographique, pleine de trouvailles et de jeux de langage. Aussi, c’est avec enthousiaste que j’ai lu « L’équipée volage », le nouveau roman de l’auteur, sorti le 3 janvier en librairie.

Résumé

Ce roman est une uchronie dans lequel l’auteur imagine ce que pourrait être le monde si Christophe Colomb avait du rebrousser chemin et n’avait jamais découvert l’Amérique. Ici, l’Empire Incaztèque domine un monde régi par l’irrationnel et le mysticisme, avec cette fameuse Brume Noire qui sème la terreur. Les techniques modernes n’ont jamais vu le jour. Dans ce monde étrange, une joyeuse bande de piratesses délurées voguent sur le Faste & Furieux, leur bateau, à la recherche de la mystérieuse île d’Isocélie et des origines de la Brume Noire. Au cours de ce périple, elles rencontreront notamment Raspoutine, Conan Doyle et son héros Sherlock Holmes, ou les frères Einstein (Albert et Frank, évidemment !)

Une histoire originale, parfois nébuleuse

Une nouvelle fois, Rolland Auda se distingue par son originalité puisque, je l’affirme, je n’ai jamais rien lu de tel. Il y a là énormément de trouvailles, beaucoup d’imagination : des créatures étranges (des mamies-zombies, ça vous parle ?), des séances de spiritisme, des tortures inédites, des moyens de communication très inattendus… Ce serait difficile de vous décrire l’intrigue plus précisément, je ne voudrais pas gâcher le suspense, mais vous serez surpris à la lecture et plus d’une fois vous vous direz « ça, c’est malin ». Pour le reste, ce roman est l’histoire d’une quête à bord d’un bateau, une histoire de piraterie et de voyage. Le tout teinté de steampunk, avec des machines parfois incroyables.

Le léger bémol que j’apporterais à cela, c’est que j’aurais parfois aimé que cet univers soit un peu plus développé, mieux expliqué dans sa structure et son fonctionnement. Ayant refermé le bouquin, un certain nombre d’éléments restent (trop ?) nébuleux pour moi. Néanmoins, avec du recul, l’essentiel n’est pas là, et comme souvent avec cet auteur, il faut accepter de ne pas tout comprendre et tout maîtriser, mais se laisser porter. L’auteur joue notamment avec le roman, l’écriture, brouille les frontières entre l’imaginaire et le réel.

Un cocktail survitaminé

Tout comme son prédécesseur, ce roman va à cent à l’heure, pas de répit pour le lecteur, les évènements s’enchaînent : bagarres, enquêtes, disputes, beuveries, tout se succède sans accro. Le lecteur est happé et les pages se tournent à toute vitesse, on se trouve vite accroché à ce roman comme au gouvernail d’un navire ! Ajoutons à cela un côté très rafraîchissant : dans ce livre, le monde est dominé par les femmes et sur le bateau, les piratesses font la loi. Ce qui donne parfois lieu à des situations fort cocasses !

Les personnages

Ce roman nous offre tout une galerie de personnages hauts en couleur, à commencer par la bande de piratesses. Indépendantes, délurées, jouissant sans réserve des laisirs de la chair et de la boisson, ces demoiselles ne se laissent commander par personne ! Elles côtoient des personnages ayant réellement existé ou des personnages fictifs issus d’autres romans, venant tous de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe. Un blaireau un brin polisson apporte également quelques scènes bien cocasses. Seul bémol, avec autant de personnages, il est difficile de s’attacher, de s’impliquer émotionnellement, surtout qu’aucun n’est réellement mis en avant.

L’ écriture

Première chose à noter, l’écriture de Rolland Auda est toujours aussi cinématographique : à la lecture, on a l’impression de voir défiler sous ses yeux un film d’action. L’ensemble est écrit dans un style argotique très travaillé, qui colle bien aux personnages. Attention, argotique ne signifie pas relâché : à la différence d’auteurs qui écrivent comme ils parlent, ici, chaque mot est soigneusement pesé !

Il y a également de l’humour et, de nouveau, de très nombreuses références littéraires, cinématographiques, culturelles. On en saisit un certain nombre, mais pour ma part je suis certain que beaucoup d’autres m’ont échappé ! Cet auteur est décidément extrêmement cultivé, et en joue très bien dans chacune de ses œuvres (et j’aimerais bien être dans sa tête un petit moment, juste pour voir !). Enfin, il y a aussi un travail visuel, avec quelques illustrations présentant des machines, des créatures, ou des scènes clé du roman.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un roman original et plein de références en tous genres que nous propose Rolland Auda. Si j’ai parfois regretté que l’univers ne soit pas plus développé, c’est un roman trépidant, qui se lit comme on regarde un bon film d’action : sans reprendre sa respiration ! A ne pas mettre néanmoins entre les mains des plus jeunes, au vu de certaines scènes plus ou moins orgiaques ;) Si vous aussi vous voulez vous faire plaisir avec ces filles fortes à qui tous les messieurs obéissent au doigt et à l’œil, foncez dans toute bonne librairie ! Sinon, je vous envoie les mamies-zombies, et vous n'allez pas rigoler... !
Un grand merci aux éditions Sarbacane et à la collection eXprim' pour leur confiance !
  
Note : 3,5/5

Stellabloggeuse

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Ce roman fait partie des challenges :

 

Bouge ta PAL ! : lecture n°15




Où sont les hommes ? : lecture n°24
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« Les seize filles se levèrent alors comme une seule demoiselle. Leur riposte prit autant de temps qu’il en faut au gecko pour gober le moucheron. Dans un mouvement parfaitement coordonné, les piratesses se tinrent en appui sur leurs mains, détendirent leur corps, puis jetèrent leurs jambes en ciseaux pour dégommer chacune deux têtes de marins russes. D’un salto arrière, elles retombèrent de concert sur leurs pieds et dégainèrent sabres, pistolets, poignards et martinets à orties. Des cales du navire sortaient d’autres piratesses en furie, qui se ruèrent sur leurs proies, étouffant, estomaquant, étourdissant à l’envie. Les marins russes, amoncelés comme de la friture, sonnés et défaits, écrasés et castagnés par les jeunes filles triomphantes, levaient les bras en signe de soumission. »

« Princesse Ravanalo se leva de son hamac et alla interpeller Barbe-Marie qui coupa court :
-On vous expliquera !
Et, se retournant vers Doyle, Leroux, et Moby Dick :
-Voilà notre brick. Pour payer votre passage, la première chose que vous allez faire, c’est me briquer ça dans tous les recoins. Le nécessaire à nettoyage est dans la cabine n°3. Toi, Mob’, va trouver un coin dans la grande cale pour loger les zombasses.
Les trois hommes se regardèrent, sans trop y croire, mais devant le geste énergique de Barbe-Marie qui leur désignait une affiche placardée à la porte de la cantine…
« Tout mâle qui par le plus grand des malheurs posera le pied sur le Faste & Furieux devra ranger son arroseur à boules poilues et se l’attacher en bandoulière, se laver les pieds, obéir aux ordres de n’importe quelle moussaillonne du navire, et la fermer quand on lui fera comprendre que ses paroles ont autant de valeur que le rot d’un porc noyé dans sa fange ! »
…ils descendirent dans la cale, les épaules voûtées. »

2 commentaires:

  1. Ahh je pensais que ce serait abordé plus tel La part de l'autre. Ca reste tentant :p

    Bisous

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    Réponses
    1. On est parfois un peu perdu à la lecture, mais ça déménage ! J'aurais juste aimé que l'univers soit un peu plus étoffé

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