[Pocket Junior, 2003]
Le challenge ABC est souvent l’occasion de faire des découvertes. En effet, lorsqu’il s’agit de trouver des auteurs correspondant aux lettres « difficiles » (X, K, Q…), on est souvent amené à choisir des romans que nous n’aurions pas lu de nous-mêmes. Ainsi, cette année, le challenge m’aura permis de découvrir les « Effroyables jardins » de Michel Quint.
Résumé
Ce court roman s’apparentant à un récit commence par l’irruption d’un clown au procès de Maurice Papon. Puis nous rencontrons un jeune garçon qui a honte de son père, André, un instituteur qui se fait embaucher en tant que clown amateur à ses heures perdues. Jusqu’au jour où son oncle Gaston décide de lui révéler d’où vient la passion d’André pour les clowneries en lui révélant leur jardin secret, leurs effroyables jardins… Il évoque ainsi un épisode terrible de la Seconde Guerre Mondiale qu’ils ont tous deux vécu…
Un récit bien mené
Le récit est intelligemment mené par l’auteur. Il commence par évoquer un évènement récent, avec le procès de Maurice Papon. Il procède ensuite à rebours, partant d’une situation, celle d’un enfant qui rejette son père, pour ensuite en venir aux évènements qui ont causé cela. Cette histoire est donc à la fois un souvenir d’enfance (peut-être autobiographique) et un épisode de la Seconde Guerre mondiale. Nous sommes donc dans le récit historique, l’auteur revenant sur une pratique du régime de Vichy consistant à arrêter des otages suite aux actes de terrorisme de la Résistance, et de les exécuter si les coupables ne se livrent pas. Le récit est très dense, puisqu’il tient en une soixantaine de pages, et bien rythmé
Des thèmes forts
En quelques dizaines de pages, l’auteur aborde donc des thèmes très divers. Il revient ainsi sur la Seconde Guerre mondiale, les actes de Résistance, la culpabilité parfois ressentie par les survivants, la manière dont des gens ordinaires ont su se comporter en héros. Il évoque également les rapports compliqués entre un fils qui cherche un modèle à suivre et un père qui exorcise les démons de son passé par la pitrerie. Il rappelle également le pouvoir du rire dans les situations les plus dramatiques. Enfin, on sent dans ce texte une certaine nostalgie de l’enfance trop vite disparue.
Les personnages
Ce roman étant très court, les personnages restent assez peu creusés, mis à part le narrateur qui nous livre ses pensées. Néanmoins, même s’ils sont parfois à peine effleurés, ces personnages ont une grande force de caractère, qu’il s’agisse de la tante Nicole, du soldat-clown Bernhardt ou du technicien présent au sein de la gare visée par la Résistance. Ce sont des gens qui ont du réapprendre à vivre après de terribles évènements, ce en quoi ils sont assez touchants. Quant au narrateur, il doit quant à lui apprendre à accepter ce lourd héritage, et son évolution psychologique au fil du récit est assez intéressante.
L’écriture
En ce qui concerne le style, il est globalement agréable et travaillé mais argotique : il comporte beaucoup de mots en langage « ch’ti », rendant nécessaire la présence d’un lexique. Quoi qu’il en soit, c’est un style fort et marquant. De plus, l’auteur mobilise des références historiques et cinématographiques. La présence d’un dossier littéraire, historique et cinématographique présent dans l’édition que j’ai lue m’a permis de mieux apprécier la richesse de ce texte.
En quelques mots…
Ainsi, c’est un petit roman à dimension autobiographique et historique que nous livre Michel Quint. Il aborde donc à la fois des thèmes liés à l’enfance et à la construction de soi et d’autres relatifs aux évènements de la Seconde guerre mondiale, le tout dans un style puissant mais parfois difficile d’accès. C’est en tout cas une expérience de lecture originale et intéressante vécue grâce au challenge ABC 2013.
(Pour la petite histoire, j’ai du réécrire ma chronique car j’ai effacé par erreur la première version de mon billet…et je vous assure qu’elle était meilleure ! Mais quand on n’a pas de tête…^^)
Note : 3/5
Stellabloggeuse
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Ce roman appartient aux challenges :
Challenge ABC 2013 : 24/26
Challenge Où sont les hommes ? : lecture n°50
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« De fait, je le sais aujourd’hui, il méritait la distinction, la légion d’honneur de la reconnaissance, et ceux qui croisaient au trottoir son regard doux auraient dû se découvrir. Parce que lui, il a passé sa vie à rendre hommage, à payer sa dette d’humanité, le plus dignement qu’il croyait. Trente ans durant il a eu le chapeau à la main, il a salué bas. Passé l’époque primaire, il me fut confusément sensible qu’il accomplissait ses tours par devoir, rituel expiatoire, et aurait ri de l’ahuri qui lui aurait reconnu un talent d’auguste. Il se savait mauvais clown, n’éprouvait nulle honte à cet échec et prenait même plaisir à ces minableries. Mon père était un homme de douce obstination et d’intérieuer nécessité. »
« Le temps qu’on se retourne, ils nous poussaient au mur, les culasses des fusils claquaient et on s’est dit au revoir, André et moi. Vite fait, pas vaillants du jarret. L’héroïsme, le cœur à l’échancrure de la chemise, la Marseillaise que tu leur chante à la gueule jusqu’au souffle dernier, tu peux toujours rêver mon garçon, c’est du roman. Dans la réalité, tu sais plus où regarder, quoi attraper que tu peux emporter pour toujours, quelque chose qui t’occupe les mains, les yeux, les lèvres. Le mieux, c’est encore un visage de femme. On n’avait pas ça, nous. On n’avait que les cornichons. Alors pendant qu’ils nous mettaient en joue, qu’on entendait ta mère et la mère de ta mère hurler là-haut, et nos cœurs cogner, on s’est juste pris la main, André et moi, comme deux gamins à la sortie de l’école, pour pas partir tout seul, le regard bien sur les bocaux avec les cornichons géants, pas ceux au vinaigre, ceux en saumure douce, à la polonaise. »
Je trouve ta critique très bien ^^ ce livre reste un bon souvenir de lecture !
RépondreSupprimerMerci beaucoup :)
SupprimerJ'ai bien aimé ce livre aussi mais j'avais vu le film avant. ;)
RépondreSupprimerJe n'ai toujours pas vu le film, il doit être intéressant!
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