samedi 5 octobre 2013

Une part de ciel, de Claudie Gallay : un roman des petits choses du quotidien

[Actes Sud, 2013]

Parmi les titres de la rentrée littéraire, « Une part de ciel » de Claudie Gallay est l’un de ceux qui m’ont interpellée, par son thème familial et parce que l’action se déroulait dans les vallées savoyardes, un cadre qui me parle.

Résumé 

Carole est de retour au Val des Seuls, le petit village dans lequel elle a grandi, au sein du parc de la Vanoise. Son père, Curtil, a annoncé son retour. Avec son frère Philippe et sa sœur Gaby, elle l’attend. Lorsque l’attente se prolonge, Carole se ressource dans des petits rituels quotidiens et réapprend à connaître ce frère et cette sœur dont elle a du mal à pénétrer l’intimité. Ils ont été séparés par un drame, autrefois, que Carole a toujours du mal à digérer. Au Val des Seuls, Carole va pouvoir faire le point sur sa vie, son divorce, ses envies.

Une histoire de famille et de silence

Avec cette intrigue, nous sommes à mille lieues d’un roman d’action. C’est un roman contemplatif, qui comporte beaucoup de répétitions. Les journées s’enchaînent et la narratrice se rassure dans de petits gestes quotidiens, qui sont parfois légèrement obsessionnels. C’est avant tout une histoire de famille. Cependant ne vous attendez pas à de chaleureuses retrouvailles ni à un déballage de sentiments. Entre ces frères et sœurs, il y a avant tout des non-dits. L’intérêt pour le lecteur est de regarder ces relations évoluer peu à peu, Carole s’efforçant de comprendre son frère et sa sœur tout en se débattant avec ses propres démons. Au-dessus d’eux plane toujours cet incendie dont ils ne veulent pas parler. J’ai beaucoup aimé ce côté intimiste du roman.

Un petit village de Savoie

L’auteure invente un petit village dans une vallée savoyarde aux portes du Parc de la Vanoise, le Val des Seuls. La nature, sauvage et parfois dangereuse, a la part belle dans ce roman. Le village fait également face à certaines problématiques : son isolement, la possibilité d’ouvrir une piste de ski qui occasionne un débat entre ceux qui rêvent d’une nature préservée et ceux qui attendent un peu de progrès et de confort. J’ai apprécié la simplicité de cette vie villageoise, le dépaysement qu’elle occasionne.

Les personnages

Les personnages sont l’un des points forts du roman, tous ont su m’intéresser. La narratrice, Carole, ne m’a pas été particulièrement sympathique, elle est assez centrée sur elle-même et ses propres questionnements. Néanmoins j’ai aimé la regarder évoluer. Gaby est un personnage très attachant, un petit soleil dans une vie de misère, qui attend son homme enfermé en prison avec un optimisme à toute épreuve. Philippe quant à lui est un peu en retrait, plus difficile à cerner, mais passionné par « sa » montagne. Il y a aussi la Môme qu’élève Gaby, la Baronne qui recueille les chiens abandonnés, Diego et son puzzle de 3000 pièces, Jean le patron de la scierie… En refermant ce roman, j’ai eu l’impression d’avoir véritablement vécu dans ce village auprès de ces gens, l’auteure a réussi à leur donner vie.

L’écriture

Le roman est agréable à lire malgré des formulations parfois argotiques (« le bar à Francky »). Il y a une véritable atmosphère et j’ai particulièrement apprécié les descriptions de la nature. Les réflexions de la narratrice sont également très bien menées.

En quelques mots…

Ainsi, « Une part de ciel » est un joli roman intimiste. Un roman des petites gestes du quotidien, du plaisir des choses simples et de la nature sauvage. Le roman d’une famille imparfaite et pleine de non-dits, mais qui est sur la bonne voie. Le roman d’un village qui hésite entre préservation et progrès. Je vous le conseille volontiers si l’aspect routinier ne vous effraie pas, ce roman vous dépaysera et vous fera réfléchir.

Note : 3,5/5

Stellabloggeuse


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« Il décrochait des petits boulots sur des chantiers, il vivait avec nous jusqu’au jour où il s’en allait. Il nous embrassait tous, nous serrait fort, je reviens vite, c’était son truc, partir, voir et revenir, il nous laissait sur le palier, on s’accrochait à la rampe, même pas le temps de chialer, il dévalait l’escalier et on entendait claquer la porte. Avec le temps, je suis devenue nomade de lui et de tous ces endroits. De lui, surtout. Les pères font les failles des filles. »

« -Tu vas refaire ta vie ?
Je me suis marrée. La vie, on ne la refait pas. On fait des choix et on laisse des choses. Il m’arrive de penser à celles que je laisse. Les choix qui restent. Tout ce qu’on ne vit pas. Il faudrait des vies de plus pour vivre certaines de ces choses. »

« Emma avait tout fait au mieux. Même le moelleux coulant du dedans. Tout était pareil. Tout. Mais ce n’était pas notre gâteau. Il manquait quelque chose. Dans le goût ou dans l’odeur. On a goûté encore en mâchant lentement comme pour déloger sous la langue le secret qui nous échappait. C’était ailleurs. On cherchait. Gaby a avalé tout ce qu’elle avait en bouche. Elle a relevé la tête, lentement.
-C’est l’enfance…c’est ça qui manque.
On l’a regardée. L’enfance merveilleuse, ces années qui donnent aux choses un goût si différent. C’était ça, exactement. Cette part précieuse que le temps nous gratte jusqu’à l’os. »

2 commentaires:

  1. c'est un titre que je note et que je me procurerai certainement en poche.

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    1. Oui, il n'est pas non plus essentiel de se jeter dessus en GF

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