[Michel Lafon, 2014]
En
ce début du mois de septembre, me voici avec un premier titre de la rentrée
littéraire : « Contrecoups », premier roman de Nathan Filer.
Cajou et son avis plus qu’enthousiaste m’avait donné très envie de le découvrir,
aussi je n’ai pas hésité lorsqu’il m’a été possible de le recevoir de la part
de l’éditeur !
Résumé
Matthew,
19 ans, est hanté par la voix de son grand frère, mort une dizaine d’années
auparavant. Il est schizophrène, une maladie qui « ressemble à un serpent »,
qui lui fait perdre le fil du temps, qui brouille les frontières entre le rêve
et la réalité. Pourtant, armé d’un ordinateur ou d’une machine à écrire, il s’efforce
de reconstituer le puzzle, de relier son enfance marquée par le deuil à son
présent nébuleux, à comprendre comment il en est arrivé là. Pourra-t-il se
libérer de ce passé trop lourd ?
Un
roman sensible
J’ai
été touchée par ce roman très sensible qui nous fait vivre la schizophrénie de
l’intérieur. Le ton est juste, il n’y a ni dramatisation ni angélisme rose
bonbon, on est sur le fil, en équilibre parfait. La maladie de Matthew habite
tout le roman, elle est omniprésente. Il nous fait partager le quotidien
routinier d’un schizophrène, le traitement à l’hôpital de jour, les piqûres,
les séjours en service psychiatriques lors des rechutes. Mais d’autres thèmes
affleurent également, comme le handicap mental ou la restriction du service
public en Angleterre.
Une
narration maîtrisée
Matthew
présente sa schizophrénie comme une maladie intelligente, qui apprend elle aussi
de ses expériences. Elle brouille le fil du temps, le réel et l’imaginaire.
Cela se ressent dans la construction du roman qui n’a rien de linéaire, on
passe régulièrement de l’enfance de Matthew à son présent immédiat, puis à son
adolescence, lorsque la maladie montre ses premiers signes. Pourtant, le
lecteur n’est jamais perdu car la narration est impeccablement maîtrisée, ce
qui est à saluer pour un premier roman. On assemble peu à peu les pièces du
puzzle, les brides de souvenirs, les émotions, les obsessions, la répétition du
quotidien.
Les
personnages
Matthew
est un personnage extrêmement attachant, parce qu’il se livre en toute
sincérité. Il nous montre tout, de ses accès de colère et de violence, ses
regrets, sa tendresse, ses peurs. Malgré la maladie il est lucide, il sait qu’il
ne va pas guérir, qu’il va osciller toute sa vie entre la lutte contre sa
maladie et son désir d’entendre la voix de son frère et de le retrouver. Il est
entouré d’une famille qui fait tout ce qu’elle peut pour l’aider et notamment
sa merveilleuse grand-mère, Nanny Noo. Sa mère est davantage sur le fil, elle a
aussi ses propres démons. Enfin, même si on le connaît assez peu, on ne peut s’empêcher
d’aimer Simon.
L’écriture
En
ce qui concerne le style, il est très agréable, c’est un roman bien écrit et
bien traduit, avec de belles métaphores et de petites illustrations bien
choisies. On est dans la simplicité, Matthew s’exprime avec ses émotions, sans
chercher l’effet de style. Ainsi la plume est adaptée au personnage et à son
propos. Nathan Filer, qui a été infirmier psychiatrique pendant dix ans, a
vraiment réussi à se mettre dans la peau de son personnage et à le faire
parler. Très encourageant pour ce jeune auteur !
En
quelques mots…
Ainsi,
c’est un roman très bien mené et avec une belle sensibilité, qui nous fait
vivre la schizophrénie de l'intérieur. De l'enfance à l'âge adulte, du deuil à
la spirale de la maladie, de l'internement au suivi à domicile, Matt nous
emmène dans son quotidien et retrace sa vie pour nous avec sincérité et
simplicité. Une belle lecture que je vous conseille volontiers.
Un grand merci à Camille et aux éditions Michel Lafon pour cette découverte!
Note :
4/5
Stellabloggeuse
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« En
phase de traitement lourd, je peux dormir jusqu’à dix-huit heures par jour.
Pendant ces périodes-là, je m’intéresse beaucoup plus à mes rêves qu’à la
réalité puisqu’ils prennent beaucoup plus de place qu’elle. Si je fais des
rêves sympas, je me dis que la vie a du bon. Quand les médicaments ne marchent
pas comme prévu – ou si je décide de ne pas les prendre –, je passe plus de
temps éveillé. Mais alors mes rêves trouvent le moyen de me rattraper. On a
tous en nous un mur qui sépare les rêves de la réalité, mais le mien est
fissuré. En se tortillant, en se faisant tout petits, les rêves arrivent à
passer au travers jusqu’à ce que je ne puisse plus faire la différence. »
« J’ai
une maladie, une affection qui sonne comme un serpent et y ressemble. Chaque
fois que j’apprends quelque chose de nouveau, elle l’apprend aussi. »
« Le
pire, dans cette maladie, ce n’est pas ce qu’elle me fait croire ni ce qu’elle
me fait faire. Ce n’est pas l’emprise qu’elle a sur moi, ni même l’emprise qu’elle
autorise les autres à avoir. Le pire de tout, c’est qu’elle m’a rendu égoïste.
La maladie mentale nous replie sur nous-mêmes. C’est mon avis. Elle fait de
nous les prisonniers à vie de la douleur qui occupe nos têtes, tout comme la
douleur d’une jambe brisée ou d’un pouce entaillé accapare l’attention et s’y
cramponne au point que la jambe ou le pouce valides cessent d’exister. »
Contente de lire ce billet positif sur Matthew et son histoire. Contente aussi de me rappeler Nanny Noo grâce à ce billet <3
RépondreSupprimerDes bisous !
Merci de m'avoir donné envie de le lire, j'ai passé un beau moment en compagnie de ces personnages :) Bisous!
SupprimerJ'ai adoré ce titre, très touchant !
RépondreSupprimerc'est effectivement un très beau billet. Tu en parles très bien ! Contrecoups est vraiment une immersion dans la folie qui se fait avec empathie et une grande sensibilité.
RépondreSupprimerOui, empathie c'est bien le mot. J'ai vu en lisant ton billet que nos avis étaient assez proches, je suis contente que ce roman plaise :)
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