[Lattès,
2014]
J’ai
découvert Grégoire Delacourt avec son premier roman « L’écrivain de la
famille », et succombé avec son second, « La liste de mes envies ».
Si son troisième roman (« La première chose qu’on regarde ») m’a paru
assez maladroit et un peu décevant, j’étais néanmoins très curieuse de
découvrir son nouveau titre, qui fait déjà couler beaucoup d’encre et figure dans
la première sélection du Goncourt.
Résumé
Ce
roman se développe en trois volets. Dans la première partie de ce roman,
Antoine, un assureur, met des chiffres sur les choses de la vie, leur donne une
valeur. Ce faisant, il revient sur son enfance, le manque d’amour et de sa mère
qui a quitté le foyer, la lâcheté de son père. Il évoque aussi sa vie d’aujourd’hui,
l’absence de courage dont il a hérité, l’échec de sa famille. Puis dans une
seconde partie, on le retrouve au Mexique, après un drame, comme dans un rêve.
Enfin, dans une troisième partie, sa fille Joséphine s’exprime avec ses
douleurs et ses espoirs…
Combien
vaut une vie ?
J’ai
mis un peu de temps à entrer véritablement dans ce roman. La première partie
est intelligente, c’est un joli exercice de style de revenir sur les moments
clés de la vie d’Antoine via des
valeurs monétaires. S’esquissent peu à peu les lignes directrices de sa vie,
son besoin d’amour insatisfait, cette absence de courage reçue en héritage, les
non-dits, son incapacité croissante à exercer son métier sans compassion, cette
colère qui grandit grandit grandit… jusqu’au drame, qui m’a complètement prise
par surprise. La seconde partie est comme un rêve, on se trouve face à l’océan,
sur les plages paradisiaques du Mexique. Antoine y réapprend à vivre, dans la
simplicité, retrouve un sens à sa vie.
Une
troisième partie touchante
Mais
c’est la troisième partie qui m’a véritablement touchée et qui donne toute sa
force à ce roman. La voix de Joséphine en fait une histoire de pardon, de
rédemption. Elle affirme l’importance du lien père-fille, le besoin vital d’avoir
des parents, si imparfaits soient-ils, sous peine de « grandir de traviole ».
Elle brise l’engrenage du malheur. Alors oui, il y a dans ce roman quelques
facilités et une issue improbable, trop belle pour être vraie, MAIS j’ai été
touchée et j’ai eu envie d’y croire.
Les
personnages
Antoine
est un personnage de loser. Dépassé par sa propre vie, il est incapable de
vivre la vie dont il a rêvé, il n’ose pas. Il est une preuve vivante des dégâts
causés par le manque d’amour. Ce n’est que lorsqu’il aura tout perdu qu’il sera
capable de se reconstruire. Si on ne le trouve pas forcément très sympathique,
on compatit. En revanche j’ai beaucoup aimé Joséphine, sa volonté de s’en
sortir, sa franchise avec elle—même. En revanche son frère, Léon, est à la
dérive. J’ai également aimé Anne, la sœur d’Antoine.
L’écriture
Quant
au style, il m’a paru un peu plus simple, un peu plus épuré que dans les
précédents romans de l’auteur. Il est également moins chargé en références
culturelles. En somme, il va à l’essentiel. Dans la première partie, les
phrases sont longues, il y a beaucoup de juxtapositions par des virgules, des
accumulations. La même accumulation que celle qui va pousser Antoine à agir
dramatiquement. Par la suite, la plume se délie, devient plus fluide, plus
légère, et l’émotion va crescendo. Ainsi, l’écriture de Grégoire Delacourt
colle bien à son roman, à mon sens.
En
quelques mots…
Ainsi,
j'ai encore du mal à démêler les sentiments complexes que ce roman a suscité en
moi, cette chronique n’a pas été facile à écrire. Mais j'ai aimé cette histoire
de manque d'amour et de non dits, une histoire de pardon dont la dernière
partie m’a émue. Peut-être que c'est un peu improbable, un peu facile, mais j'ai
eu envie d'y croire. Pas le meilleur de l'auteur, mais un roman réussi, qui ne mérite certainement pas le mépris que lui ont opposé certains critiques "pros" qui, visiblement, n'ont jamais lu ses romans avec attention.
Note :
4/5
Stellabloggeuse
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« Ne
sois jamais comme ton père, Antoine, sois brutal, sois fort, sers-toi, bouscule
les femmes, fais-les tourbillonner, fais-les rêver, promets, même ce que tu ne
pourras pas tenir, on vit toutes d’espérances, pas de réalité. La réalité c’est
pour les ânes et les imbéciles, le dîner à 19h30, les poubelles, le baiser du
soir, les tartelettes du dimanche à quatre cinquante chez Montois, une vie se
rate, si vite Antoine, si vite. »
« Je
pensais juste que j’avais eu de la chance, que c’était moi qu’elle avait choisi
ce jour-là, dans la cabine d’essayage du Printemps. Moi avec lequel elle
voulait des enfants, Joséphine, toi ; boire des blood and sand au bar d’un
hôtel au nom imprononçable au Mexique ou ailleurs ; avec qui elle voulait
vieillir. Celui qu’elle voulait rendre heureux. Je pensais que c’était à moi qu’elle
offrait ce qu’elle refusait aux autres, mais l’amour rend aveugle, et sourd, et
seul, et mutile, et on ne le sait qu’après. »
« Le
bonheur est une telle ivresse, une telle violence qu’il emporte tout. Les
pudeurs. Les peurs. Il peut être si douloureux, il peut faire vaciller,
anéantir. Exactement comme le malheur. Mais on ne le dit jamais de crainte que
tout le monde se méfie du bonheur. Parce que alors tout s’écroulerait. Parce
que deviendrions tous des fauves qui se dévoreraient les uns les autres. »
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