mardi 29 octobre 2013

La fabrique du monde, de Sophie Van der Linden : un dramatique espoir


Jusqu’ici, Sophie Van der Linden était connue en tant que professionnelle de la littérature jeunesse. Avec « La fabrique du monde », elle nous a offert en cette Rentrée littéraire 2013 un premier roman dont le résumé et la couverture m’ont immédiatement attirée.

Résumé

Agée de 17 ans, Mei vit et travaille dans une usine chinoise. Elle a quitté ses parents et la campagne, tandis que son grand frère poursuit des études à l’université. Mei voulait découvrir la ville, mais elle n’en voit rien. Sa vie est collective, vouée à l’usine, rythmée par les commandes. Mei a l’habitude, mais un sentiment de révolte gronde en elle. Lors d’une parenthèse enchantée, à l’occasion du nouvel an, elle laisse libre cours à ses rêves et à ses émotions. Avec de terribles conséquences.

Le quotidien d’une usine

L’auteure nous plonge au cœur d’une usine textile en Chine. Mei travaille à l’atelier de couture et nous décrit la routine des commandes, la sensation du tissu sous les doigts. La surveillance impitoyable du contremaître, le chantage au salaire. La révolte, parfois, vite étouffée. Les accidents, parfois graves, lorsque l’on veut travailler trop vite ou que l’on est distrait. Les temps de pause sont quasiment inexistant et le bol de nouilles du midi presque avalé en marchant. Le soir, les filles essaient de se détendre malgré la fatigue, elles vont au marché nocturne, elles se sont la lecture. Prises dans ce système, les filles ont tendance à oublier leur individualité et à disparaître derrière les intérêts de l’usine.

Une parenthèse enchantée…

Pourtant, dans ce quotidien sans surprise, Mei se voit offrir une parenthèse enchantée. A l’occasion du Nouvel an, elle reste quasiment seule à l’usine, faute d’argent pour rendre visite à ses parents. Sa vie est alors bouleversée par des rêves obsédants, et par un rapprochement inattendu. J’ai beaucoup aimé cette parenthèse de douceur, presque trop belle, mais comme Mei, on a envie d’y croire. Le retour sur Terre n’en est que plus brutal, un terrible engrenage se met en place et le lecteur bascule avec Mei.

Les personnages

Mei est un personnage attachant, une jeune fille qui rêve de vivre sa vie et qui se sent prise au piège dans cette usine. Incapable de gagner assez d’argent pour partir ailleurs, ni de rentrer chez elle et d’avouer son échec. Contrairement à ses camarades, elle a des rêves d’une autre vie, des rêves d’amour transmis par sa grand-mère, qui venait d’un milieu aisé. J’ai eu du mal à comprendre son entêtement à la fin du roman, mais j’imagine qu’il est simplement trop dur pour elle de renoncer à ses rêves après les avoir touchés du doigt.

Quant à Cheng, il a deux facettes, l’une tendre, l’autre impitoyable. Déterminé à obtenir pour lui-même une bonne situation, il n’est absolument pas prêt à prendre de risque pour les autres. Il a bon fonds, mais l’usine et son fonctionnement l’ont rendu dur. J’aurais bien aimé passer un petit moment dans sa tête pour savoir ce qu’il ressentait au fond de lui.

L’écriture 

Sophie Van der Linden écrit très bien, c’est un roman vraiment agréable à lire. Les rêves de Mei qu’elle nous raconte sont assez frappants, écrits avec des mots forts et des phrases brèves. Le quotidien est décrit efficacement, et les paysages prennent vie sous nos yeux.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un premier roman étonnant et très prenant que nous offre l’auteure, j’ai eu du mal à m’en détacher et il me trotte encore en tête après l’avoir refermé. Elle met en exergue les dangers de l’espoir et du rêve dans un milieu hostile qui ne l’autorise pas. Pourtant, à regarder en arrière, on se dit que cette parenthèse enchantée en valait sans doute la peine.

Note : 4,5/5

Stellabloggeuse

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" Comme chaque fois, je ne peux m’empêcher d’imaginer l’étranger qui portera la pièce que je suis en train de commencer. Cette chemise-là sera portée par un homme qui aime les jeans et qui fait de la moto. Un homme aux cheveux un peu dorés. Mais pas trop clairs. Si ça continue, je vais faire comme Yuan qui, un jour, a glissé en douce un mot dans la poche d’un pantalon pour hommes, en pensant que le prince charmant qui le porterait trouverait le message et, hop, sauterait dans le premier avion pour venir la sauver. Est-ce qu’il leur arrive de penser à nous ? »

Je n’ai pas été au bout de ma douleur car je sais qu’elle est sans fin. Pourtant, je dois garder ma fierté. Alors, j’ai repoussé ma colère au fond de mon ventre, je l’ai ratatinée, jusqu’à en faire un petit paquet de rien. Et je l’ai laissée là, en me jurant de ne jamais l’oublier. Et de revenir la chercher s’il le fallait.

Ma grand-mère et ce livre m’ont tout appris de la vie. Sans elle, je n’aurais jamais rien su de la tendresse, de l’amour, de la bienveillance. Je n’aurais jamais été qu’un pauvre caillou jeté en ce monde… "

2 commentaires:

  1. Un immense coup de coeur aussi pour ce roman petit par la taille, mais grand par la qualité!

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