samedi 5 septembre 2015

Blue Book, d’Elise Fontenaille : un génocide oublié

[Calmann-Lévy, 2015]

Il y a quelques semaines, je lisais « Eben ou les yeux de la nuit » d’Elise Fontenaille, un roman très court mais instructif, autour du génocide qui a eu lieu en Namibie à l’aube du XXe siècle. Ce roman m’a donné envie de lire son « Blue book », un livre plus copieux autour des recherches de l’auteur sur le sujet.

Résumé

Alors qu’elle souhaitait écrire sur son aïeul, le général Mangin, qui était à la tête de la Force Noire durant la Grande Guerre, Elise Fontenaille apprend l’existence d’un génocide, au tout début du XXe siècle, dans ce qui était alors la colonie allemande du Sud Ouest africain. Elle découvre alors l’existence du Blue Book, un rapport anglais sur les exactions des allemands. Submergée par l’horreur, elle décide de partager ces connaissances avec le grand public, et nous raconte un génocide occulté quasiment jusqu’à son centenaire, en 2004.

De la colonisation au génocide

Dans ce livre, l’auteure revient aux origines de la colonisation allemande au Sud-Ouest de l’Afrique, à partir de 1883. Elle retrace les différentes étapes de l’installation des colons, et de la répression qui se durcit peu à peu envers les populations indigènes. Une répression qui donnera lieu à une rébellion des Hereros, l’ethnie la plus importante du pays. La réponse allemande, orchestrée par le général Lothar Von Trotha, n’est rien de moins qu’un génocide. Les Hereros doivent tous mourir, femmes, enfants et vieillards inclus. Puis viendra le tour des Namas, seconde ethnie du pays. En quelques années, ces peuples brillants et cultivés sont décimés, puis internés dans des camps de travail.

Les germes du nazisme

Ce qui fait froid dans le dos, en dehors des horreurs commises, c’est cette impression d’une répétition générale de ce que le régime nazi reproduira quelques décennies plus tard. Les hommes qui ont inspiré Hitler ou le docteur Mengele ont fait leurs premières armes en Namibie. (On sait néanmoins que les allemands n’ont pas inventé cela tout seuls, quelques années plus tôt les britanniques mettaient en place des camps de concentration en Afrique du Sud, et les belges ont meurtri le Congo). Des hommes capables de supprimer un peuple déclaré inférieur, tout en créant des parcs naturels pour sauvegarder des espèces animales rares. Enfin, pour parachever le tout, l’auteure nous raconte la manière dont ces événements ont été étouffés, occultés avec la complicité des autres puissances coloniales, pour ne resurgir qu’à l’aube des années 2000.

Un essai écrit comme un roman

L’auteure nous conte horreurs et violences, mais elle le fait avec toute son humanité. Elle n’a pas écrit ce livre comme un documentaire, mais comme un roman, même si les faits sont réels : elle imagine les réactions des Hereros et des Namas, ce qu’ils ont pu avoir dans la tête et dans le cœur. Elle s’identifie à eux. Cela n’atténue pas l’horreur, mais génère une profonde empathie. Le livre est écrit dans un langage simple, rendant accessible à tous la connaissance de ces événements, il ne se destine pas à un public de spécialistes.

En quelques mots…

Ainsi, cet essai écrit avec le cœur nous en apprend beaucoup sur le génocide perpétré en Namibie, et son lien avec la doctrine nazie. Un génocide longtemps ignoré du grand public, avec la complicité des grandes puissances. Une lecture éprouvante mais importante, au nom du devoir de mémoire. Et ce même si, j’en suis sûre, nous ignorons encore une grande part des brutalités de la colonisation. Mais ce livre-là a le mérite d’exister, et il est extrêmement intéressant.

Note : 4/5
Stellabloggeuse
--------

« On n'a jamais su trop quoi en faire, de cette île inhospitalière, autour de laquelle de grands requins rôdent inlassablement. Elle est si peu faite pour l'homme qu'on l'a appelée Shark Island... C'est là qu'on parquera les derniers Hereros!

Les prisonnières et leurs enfants; les hommes sont presque tous morts. Les femmes, il en reste quelques milliers; il faut bien s'en occuper, et aussi des petits; sans cela ils vont grandir, et vouloir se venger un jour. »

3 commentaires:

  1. Tu me fais découvrir un pan de l'histoire que je ne connaissais pas du tout.
    Je note ce titre.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Une lecture très instructive, pas difficile sur le plan littéraire, mais terrible.

      Supprimer

A vous de donner votre avis, il est le bienvenu !