[Calmann-Lévy,
2015]
Il
y a quelques semaines, je lisais « Eben ou les yeux de la nuit » d’Elise Fontenaille, un roman très court mais
instructif, autour du génocide qui a eu lieu en Namibie à l’aube du XXe siècle.
Ce roman m’a donné envie de lire son « Blue
book », un livre plus copieux autour des recherches de l’auteur sur le
sujet.
Résumé
Alors
qu’elle souhaitait écrire sur son aïeul, le général Mangin, qui était à la tête
de la Force Noire durant la Grande Guerre, Elise Fontenaille apprend l’existence
d’un génocide, au tout début du XXe siècle, dans ce qui était alors la colonie
allemande du Sud Ouest africain. Elle découvre alors l’existence du Blue Book,
un rapport anglais sur les exactions des allemands. Submergée par l’horreur,
elle décide de partager ces connaissances avec le grand public, et nous raconte
un génocide occulté quasiment jusqu’à son centenaire, en 2004.
De la colonisation au génocide
Dans
ce livre, l’auteure revient aux origines de la colonisation allemande au
Sud-Ouest de l’Afrique, à partir de 1883. Elle retrace les différentes étapes
de l’installation des colons, et de la répression qui se durcit peu à peu
envers les populations indigènes. Une répression qui donnera lieu à une rébellion
des Hereros, l’ethnie la plus importante du pays. La réponse allemande, orchestrée
par le général Lothar Von Trotha, n’est rien de moins qu’un génocide. Les Hereros doivent tous mourir, femmes, enfants et vieillards inclus. Puis viendra
le tour des Namas, seconde ethnie du pays. En quelques années, ces peuples
brillants et cultivés sont décimés, puis internés dans des camps de travail.
Les germes du nazisme
Ce
qui fait froid dans le dos, en dehors des horreurs commises, c’est cette
impression d’une répétition générale de ce que le régime nazi reproduira quelques
décennies plus tard. Les hommes qui ont inspiré Hitler ou le docteur Mengele ont
fait leurs premières armes en Namibie. (On
sait néanmoins que les allemands n’ont pas inventé cela tout seuls, quelques années
plus tôt les britanniques mettaient en place des camps de concentration en
Afrique du Sud, et les belges ont meurtri le Congo). Des hommes capables de
supprimer un peuple déclaré inférieur, tout en créant des parcs naturels pour
sauvegarder des espèces animales rares. Enfin, pour parachever le tout, l’auteure
nous raconte la manière dont ces événements ont été étouffés, occultés avec la
complicité des autres puissances coloniales, pour ne resurgir qu’à l’aube des
années 2000.
Un essai écrit comme un roman
L’auteure
nous conte horreurs et violences, mais elle le fait avec toute son humanité.
Elle n’a pas écrit ce livre comme un documentaire, mais comme un roman, même si
les faits sont réels : elle imagine les réactions des Hereros et des
Namas, ce qu’ils ont pu avoir dans la tête et dans le cœur. Elle s’identifie à
eux. Cela n’atténue pas l’horreur, mais génère une profonde empathie. Le livre
est écrit dans un langage simple, rendant accessible à tous la connaissance de
ces événements, il ne se destine pas à un public de spécialistes.
En quelques mots…
Ainsi,
cet essai écrit avec le cœur nous en apprend beaucoup sur le génocide perpétré
en Namibie, et son lien avec la doctrine nazie. Un génocide longtemps ignoré du
grand public, avec la complicité des grandes puissances. Une lecture éprouvante
mais importante, au nom du devoir de mémoire. Et ce même si, j’en suis sûre,
nous ignorons encore une grande part des brutalités de la colonisation. Mais ce
livre-là a le mérite d’exister, et il est extrêmement intéressant.
Note :
4/5
Stellabloggeuse
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« On
n'a jamais su trop quoi en faire, de cette île inhospitalière, autour de
laquelle de grands requins rôdent inlassablement. Elle est si peu faite pour
l'homme qu'on l'a appelée Shark Island... C'est là qu'on parquera les derniers
Hereros!
Les
prisonnières et leurs enfants; les hommes sont presque tous morts. Les femmes,
il en reste quelques milliers; il faut bien s'en occuper, et aussi des petits;
sans cela ils vont grandir, et vouloir se venger un jour. »
Tu me fais découvrir un pan de l'histoire que je ne connaissais pas du tout.
RépondreSupprimerJe note ce titre.
Une lecture très instructive, pas difficile sur le plan littéraire, mais terrible.
Supprimermerci ! ( elise
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