mardi 22 septembre 2015

Celle qui sentait venir l’orage, d’Yves Grevet : eugénisme dans l’Italie du XIXe siècle

[Syros, 2015]

J’ai découvert Yves Grevet avec Nox, un diptyque de science-fiction à quatre voix que j’avais beaucoup apprécié, bien mené et avec de bonnes idées. Je me réjouissais donc d’avance de le retrouver, cette fois dans un registre historique.

Résumé

Frida est une jeune fille en fuite. Elle vivait avec ses parents, dans une zone marécageuse de la plaine du Pô. Sa famille était en marge de la société, son père accusé d’être violent et diabolique, en raison d’un physique un peu différent. Ses parents ayant été jugés et pendus pour la disparition d’une diligence dans les marais, Frida doit s’enfuir pour ne pas être la cible de la fureur collective. Elle trouve refuge chez le docteur Grüber, qui l’accueille aimablement mais la soumet à toutes sortes d’examens médicaux…

Un thème original

C’est un roman très original, sur un léger fond historique, celui de l’Italie de la toute fin du XIXe siècle. Mais c’est avant tout un roman sur la différence, et sur l’émergence d’une forme d’eugénisme, d’une médecine qui veut trouver un lien entre certaines caractéristiques physiques et les comportements criminels, qui seraient en outre transmis par l’hérédité. C’est donc un thème bien particulier, traité par le prisme d’une jeune fille qui lutte pour sa survie et qui cherche à réhabiliter ses parents.

Un roman assez sombre

Le roman est assez sombre dans l’ensemble, avec une ambiance pesante. Frida a subi beaucoup de violence et de méchanceté gratuite, notamment au pensionnat où elle a été envoyée. Alors qu’elle se croit en sécurité sur le docteur Grüber, un terrible piège se referme sur elle, elle est manipulée par des personnes sans scrupules et traitée comme un cobaye. Il lui faut beaucoup de force et de volonté pour s’en sortir et faire éclater la vérité. L’intrigue est bien menée, même si la fin est un peu rapide et détone avec le reste du roman.

Les personnages

Frida est une jeune fille à la fois forte et fragile. Elle a beaucoup de volonté, et un instinct de survie chevillé au corps. Elle laisse peu de place aux émotions, elle se concentre sur sa fuite et sur sa vengeance. Elle est assez curieuse et avide de connaissances. Le docteur Grüber et le professeur font quant à eux froid dans le dos, et Marco est un parfait personnage de lâche qui se trompe de voie. Enfin, la « nouvelle famille » de Frida est sympathique, mais tombe un peu du ciel, et les rapports entre eux se nouent trop rapidement à mon goût.

L’écriture

Quant au style, il est très agréable, on est dans de la littérature, qui reste accessible aux adolescents. On se laisse porter sans problème par la plume d’Yves Grevet.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un roman très original, qui vaut la peine d’être lu pour son sujet assez inédit dans la littérature pour adolescents. C’est l’histoire d’un terrible piège, d’une lutte pour la survie et la vérité par une jeune fille courageuse. A découvrir à partir de 13/14 ans.

Note : 3,5/5
Stellabloggeuse
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« Voilà ce qu’est un père : une présence quasi muette dont il faut apprendre à lire les pensées en observant longuement ses attitudes, ses regards ou en interprétant le bruit de sa démarche. Mon père était comme ça, mais lui ne m’a jamais frappée. Ce n’est pas que c’était un homme tendre, loin de là, mais il exerçait sa violence sur les autres, sur ceux qui s’en prenaient à lui ou aux siens, jamais sur nous. »

« Je partage le dîner avec mes bourreaux qui ne semblent pas avoir le moindre remords à mon égard. Ils me paraissent même particulièrement joyeux et boivent davantage que d’habitude. Qu’ont-ils à fêter ? Pour ma part, je reste muette durant tout le repas. Je prends mon temps pour déguster le dessert. Est-ce la dernière occasion qui me sera offerte d’en manger un aussi bon ? Demain, à la même heure, peut-être serai-je en train d’errer seule dans les rues à la recherche d’un porche sous lequel dormir. »

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