[Gallimard,
2014]
Il
est de ces romans qui vous parlent d’Histoire avec beaucoup d’humanité, et qui
savent vous la faire aimer, ressentir. Dernier exemple que j’ai en tête, du
côté des adultes, « Kléber »
de Henri Courtade autour de la bataille de Verdun. Côté jeunesse et ado, « Force noire » de Guillaume Prévost
possède cette même qualité, celle de faire vivre l’Histoire en plus de la
raconter.
Résumé
Alors
qu’elle est en colère contre ses parents et qu’elle veut se cacher dans l’un
des greniers de son immeuble, Alma rencontre Bakary, un octogénaire plongé dans
ses souvenirs. Il va lui raconter sa vie, et surtout sa guerre, lui qui s’est
engagé en 1915 dans l’espoir de retrouver son frère porté disparu. Il a
affronté des combats violents au sein de la Force noire, régulièrement envoyée
en première ligne, mais aussi le racisme quotidien des officiers et des
populations…
Une histoire bien menée
C’est
un roman très réussi. Bakary commence par raconter à Alma son enfance au Mali,
au sein d’une famille de guerriers réputés. Son engagement dans la guerre de
14-18 commence ensuite par un entraînement à Fréjus, où il fait connaissance
avec ses camarades de combat et ses supérieurs. Puis enfin les combats et la
vie dans les tranchées, entrecoupée de permissions et de blessures. L’ensemble
est bien mené, on a envie de connaître la suite, tout comme Alma. La fin est
également réussie, bien dans l’esprit africain et ses légendes, et agrémentée d’un
secret de famille. Seul bémol, Bakary traverse peut-être cette guerre un peu
trop facilement.
Beaucoup d’humanité
La
force du roman, c’est son humanité. C’est un roman solaire, on s’attache
facilement à Bakary et il noue une jolie relation avec Alma, très spontanée.
Nous vivons la guerre de l’intérieur, des amitiés se nouent, des inimitiés
également. Il y a des lâches et des courageux. Même l’amour a sa place dans
cette guerre. En plus des allemands, les tirailleurs sénégalais doivent
affronter le racisme quotidien de leurs supérieurs et des populations. Considérés
comme des sous-hommes, ils ne bénéficient d’aucune gratitude et n’ont pas
vraiment de perspective d’avenir.
Les personnages
Alma
est une collégienne dotée d’un fort caractère, qui représente cette jeunesse
que l’Histoire ennuie. Pourtant, le destin de Bakary lui importe beaucoup, elle
est emportée par ce qu’il lui raconte et réagit vivement à certains événements.
Sa propre histoire n’a pas grand intérêt en tant que telle, elle permet surtout
de mettre en valeur celle de Bakary. Ce dernier est très attachant. Il n’a pas
été à l’école, mais il a la tête sur les épaules et il a beaucoup appris par
lui-même. Il est loyal et pense au bonheur des autres avant de penser au sien.
Il croise toute une galerie de personnages, le Siffleur et son talent
particulier, Goliath et son handicap, l’Intellectuel, la belle Jeanne…
L’écriture
Quant
au style d’écriture, il est agréable, simple et abordable sans être pauvre. La
lecture est fluide, les pages se tournent toutes seules. Grâce à la discussion
entre Alma et Bakary, il y a une certaine vivacité, de la spontanéité. C’est
donc un roman qui peut être lu et apprécié dès 11/12 ans.
En quelques mots…
Ainsi,
Guillaume Prévost propose ici un roman historique très humain. C’est une vision
de la guerre de 14-18, mais aussi le destin d’un homme très attachant qui fait
face au racisme et à la lâcheté avec bonhomie. Ses souvenirs sont précieux et
il s’efforce de les transmettre à Alma avant qu’il ne soit trop tard. A lire
dès 11/12 ans.
Note :
4/5
Stellabloggeuse
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"C'est
le propre des jeunes gens que de courir vers le précipice les yeux fermés. Ce
n'est qu'après, en se retournant, qu'ils réalisent à quoi ils ont
échappé."
"Mais
dans l'esprit des généraux, la Force noire devait impressionner ses
adversaires. Un déferlement d'africains brandissant leur coupe-coupe en
hurlant, prêts à taillader et à découper tous ceux qui se mettraient en travers
de leur route... Nous avions la réputation de barbares sans pitié, et c'est
précisément ce que souhaitait l'état-major."
"Si
je te dis ça, c'est pour que tu comprennes que nous n'étions pas des héros,
juste des pauvres gars ballottés sur un océan de violence. A la guerre, seul le
pire est toujours certain... Et malgré tout, il faut continuer à vivre,
n'est-ce pas ? La première fois que je me suis battu pour de vrai, j'étais
convaincu que je ne tiendrais pas trois jours. Trois ans plus tard, j'y étais
encore."
"Durant
les phases d'attaque, au moins, nous pensions à sauver notre peau, et à rien
d'autre. Mais il y avait le reste du temps... Tout le reste du temps.
D'interminables journées à camper dans la boue, avec le froid qui glaçait les
uniformes mouillés, les poux qui vous suçaient le sang sous le casque et dans
les moindres replis du corps, les rats qui vous détalaient entre les jambes ou
vous grignotaient dès que vous aviez le malheur de vous assoupir."
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Ce roman fait partie du challenge :
Challenge
ABC 2015 : 5/26
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