mardi 21 août 2012

Microphobie, d’Emanuel Dadoun : un roman policier au rythme vif et à l'écriture efficace

[Sarbacane, août 2012]

Me voici aujourd’hui pour vous présenter le dernier né de la collection eXprim’, aux éditions Sarbacane : « Microphobie », d’Emanuel Dadoun, présenté par l’éditeur comme un « polar survitaminé ». Il s’agit du second titre de l’auteur dans la collection après "Lazarus" paru en 2010.

Résumé

A Rennes, le policier Kowalski se trouve face à une drôle d’affaire. Il doit élucider le meurtre d’un homme nommé Kermarec, tué sur le toit d’un immeuble alors qu’il s’apprêtait visiblement lui-même à descendre quelqu’un depuis son perchoir. Son enquête le mène rapidement à deux noms qui semblent détenir les clés du mystère : Enid Plyton, le dirigeant d’un grand groupe pharmaceutique et Duane Carter, un génie des nanotechnologies. Pendant ce temps, un peu partout dans le monde, des gens explosent tels des bombes humaines, après avoir subi ce qui ressemble à une piqûre de moustique…

Une intrigue vive, mais dépourvue de suspense

J’ai apprécié la lecture de ce roman, notamment parce que le lecteur ne s’ennuie pas une seconde. Il n’y a pas de moment de flottement dans l’histoire, tout va très vite et chaque page apporte son lot d’informations nouvelles. Ainsi, c’est un roman qui a du rythme, grâce à des chapitres très courts et une alternance de points de vue. En effet, nous sommes alternativement dans les pensées de Kowalski, dans un point de vue omniscient, et dans la tête du « méchant » de l’histoire. Le lecteur pénètre également l’univers de l’industrie pharmaceutique et ses problématiques, c’est intéressant.

En revanche, il n’y a pas beaucoup de suspense car, du fait d’une narration omnisciente, le lecteur connaît assez rapidement l’identité de la personne qui est à l’origine du meurtre, bien avant que Kowalski parvienne à dénouer l’affaire. Ainsi, le seul enjeu de la fin du roman est de savoir si Kowalski va parvenir à la bonne conclusion et s’il va parvenir à arrêter le « méchant » dans son œuvre destructrice. J’imagine que les grands amateurs de roman policier peuvent être frustrés par une telle façon de faire, et il est vrai que c’est un peu dommage.

Enfin, il faut avoir à l’esprit que ce roman aura vraisemblablement une suite, et que l’histoire n’est pas terminée au moment où le lecteur referme le roman. Ainsi, ce volume ne se conclut pas par une « vraie fin », la destinée de Kowalski et le devenir de son enquête restent en suspens. Attention à la frustration !

Les personnages

Je n’aurai pas grand-chose à dire sur les personnages, car ils sont assez peu développés. Ainsi, le héros de l’histoire, le flic Kowalski, reste une esquisse pour le lecteur. C’est un solitaire qui a des insomnies et dont le frigo est perpétuellement vide. Il a aimé une femme, mais cela s’est visiblement soldé par un drame. Nous n’en saurons pas plus, et le personnage reste énigmatique, et finalement très conforme à la figure habituelle du policier. J’ai trouvé cela un peu dommage.

Du côté des personnages secondaires, Enid Plyton est la figure typique d’un chef d’entreprise sans état d’âme. Son épouse, la jeune Tania, accepte d’être exhibée comme un trophée en échange d’une vie de rêve. Mais le personnage le plus intéressant, c’est celui du « méchant ». Nous sommes au cœur de ses pensées, et cet homme semble avoir cédé à son côté obscur : il a renoncé à sa vie, à ses rêves, et s’efforce sans relâche de tout contrôler, d’où une certaine fascination pour les mécanismes. Sa seule tentative de rédemption a échoué, et il est maintenant plus déterminé que jamais. Il fait froid dans le dos, et pourtant, on aimerait le comprendre.

L’écriture

J’ai beaucoup aimé l’écriture d’Emanuel Dadoun, efficace et percutante. Je suis assez admirative de la manière dont, en quelques phrases courtes, il parvient à planter le décor d’une scène. Il nous transporte ainsi en Thaïlande, dans un aéroport australien, au cœur d’une fête foraine, ou sur une île Bretonne. Cette dernière forme le cadre idéal d’une partie clé de l’intrigue, celle qui clôt le roman.

Autre fait notable, l’auteur agrémente régulièrement son récit d’onomatopées au cours de l’intrigue, comme on le ferait dans une bande-dessinée. Ces onomatopées sont réalisées dans une typographie particulière, et participent au dynamisme du roman. C’est une petite touche d’originalité assez sympathique.

En quelques mots…

Ainsi, j’ai apprécié ce roman, notamment grâce à l’écriture de l’auteur qui m’a beaucoup plu et à ce « méchant » psychologiquement très dérangé. Néanmoins, je reste sur ma faim, car c’est un roman très rapide, qui reste un peu en surface et manque parfois de profondeur, surtout en ce qui concerne le personnage principal. De même, ceux qui recherchent un fort suspense et une véritable énigme risquent d’être déçus. Pour les autres, vous pourrez trouver ce roman dès demain, le 22 août, dans toutes les bonnes librairies ! Je vous invite par ailleurs à lire l'avis de La vie des livres, assez proche du mien, et celui, plus enthousiaste, de La littérature jeunesse de Judith et Sophie
Merci aux éditions Sarbacane et à la collection eXprim’ pour leur confiance.


Note : 3,5/5

Stellabloggeuse

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« A un moment de ma vie, quelque chose m’a échappé. Une aliénation, une étrangeté s’est insinuée en moi, pourrissant mes rêves et mes idéaux. Une attitude qui ne me correspondait pas, mal ajustée, en déraillement perpétuel. Pas à la bonne place. Pas la bonne idée. J’ai même cru qu’un judicieux démon s’amusait à me divertir – mais non, il ne s’agissait que de tristesse. »

« J’imagine que tu dois être en train de courir, Kowalski. Nous passons notre temps à courir, tu devrais le savoir. Courir après nos rêves, le temps, courir pour ne pas s’arrêter et contempler notre propre laideur. Peut-être que c’est pour ça que nous courons. La peur est immobile, Kowalski. Immobile. Elle est le miroir de notre laideur. »

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Ce roman fait partie du challenge :

Où sont les hommes ? : lecture n°6
Ce n’est pas dans ce roman que se cache le prince charmant…

5 commentaires:

  1. Oui on est d'accord pour Kowalski, il manque de profondeur et là je cherche l'histoire féminine qui l'a "détruit" ou abîmé, j'ai pas souvenance que dans Lazarus il se passait ça oO bref je pense passer sur ce roman même si les piqûres m'attire et que moi aussi j'adore le style de l'auteur mais en effet, j'aime bien savoir l'identité à la fin :/
    Bizoo

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    1. Eh bien ici, il se remémore une femme, son sourire le matin au petit déjeuner...et puis il est question de corps ensanglanté^^ Bref, il semblerait qu'elle ait connu une mort violente, peut être que la suite de Microphobie en dira plus là-dessus!

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    2. Ben y'a bien une femme dans Lazarus mais je me souviens plus si elle meurt du coup o_O

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  2. C'est vrai que nos avis ne sont pas très différents ^^ Oui je pense que le "problème" vient surtout des personnages.. C'est dommage qu'on ne les connait qu'en surface mais peut-être que ce sera mieux dans la suite ;)

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