mardi 20 août 2013

Patients, de Grand Corps Malade : immersion dans un centre de rééducation

[Don Quichotte, 2012]

Pour ce retour de vacances du blog, j'ai choisi de vous parler d'un livre que j'ai lu il y a un petit moment déjà, mais dont je n'avais pas pris le temps de publier la chronique. Il s'agit d'un livre sur lequel je suis « tombée » par hasard et dont l’idée de base a su m’intéresser. Grand Corps Malade est un artiste sympathique dont j’apprécie les textes de manière générale, même si j’écoute assez peu de slam. Aussi, la découverte de son expérience du handicap m’a intriguée.

Résumé

A l’aube de ses vingt ans, Fabien a fait une bêtise, pas si grave à première vue : il a plongé dans une piscine trop peu remplie. Seulement voilà, lorsque sa tête a heurté le sol, l’une de ses vertèbres cervicales s'est logée dans sa moelle épinière. Après plusieurs semaines en réanimation, le voilà en centre de rééducation. Il est tétraplégique, il ne peut bouger aucun des muscles en dessous de son cou. Ce livre retrace son expérience dans ce premier centre de rééducation qu’il a fréquenté, son combat pour retrouver son autonomie, les patients qui ont croisé sa route.

Un autre regard sur le handicap

Je ne sais pas si c’est ce que Grand Corps Malade avait en tête en écrivant ses souvenirs, mais l’un des atouts de cette autobiographie, c’est qu’elle apporte sur le handicap un regard de l’intérieur. Nous sommes nombreux à voir le handicap et à oublier la personne qu’il y a derrière, à avoir une appréhension vis-à-vis de ce que l’on ne connaît pas. Ce livre, finalement, dédramatise : un handicapé reste un être humain on ne peut plus normal, avec ses qualités, ses défauts, ses joies et ses peines. Grand Corps Malade nous présente des gens courageux, qui doivent laisser derrière eux leur « vie d’avant » et trouver la force d’en construire une autre. Une leçon nécessaire dans notre société où les différences sont encore source d’exclusion.

La perte d’autonomie, entre drame et autodérision

C’est un quotidien méconnu que nous livre Grand Corps Malade, celui de patients qui n’ont, pour la plupart, aucune autonomie. Ils ne peuvent pas s’alimenter, se tourner, se gratter, aller à la selle – et tout un tas d’autres petits gestes – sans l’aide d’un aide-soignant. Pour eux, c’est une humiliation. Pourtant, ce livre n’est jamais glauque ni pesant. On y trouve de l’humour, de l’autodérision, et surtout, des joies simples. C’est un livre où l’on se réjouit de pouvoir appuyer sur une télécommande, par exemple. Voilà de quoi nous faire relativiser sur nos petits tracas, et mesurer la chance que nous avons d’être sur nos deux jambes.

Les personnages

Ce qui fait la force de ces personnages, c’est qu’ils existent réellement. Mais surtout, même si le moral n’est pas toujours au beau fixe, ces hommes s’efforcent d’avancer, envers et contre tout. Ils montrent de formidables capacités d’adaptation, ainsi qu’une bonne dose de patience. Patience qui doit devenir leur principale qualité, afin d’accepter leur état. Ne voyez pas d’angélisme dans ces beaux portraits, c’est simplement que ces hommes ont dû développer certaines qualités pour s’en sortir et se soutenir les uns les autres.

L’écriture

Cette autobiographie est écrite simplement. Ne vous attendez pas à un long slam. Les phrases sont courtes et Grand Corps Malade nous décrit avec minutie et sans lyrisme ce qui a été son quotidien. Pour autant, le style n’est pas désagréable et l’auteur nous gratifie régulièrement de quelques bons mots. Il manie l’autodérision, ce qui donne une certaine légèreté à l’ensemble et lui permet de parler d’un sujet difficile sans en faire une lecture indigeste.

En quelques mots…

Ainsi, c’est une autobiographie que j’ai lue avec intérêt, et avec plaisir malgré la difficulté du sujet. Grand Corps Malade aborde son expérience du handicap et de la rééducation sans aucun auto-apitoiement. C’est intéressant à la fois sur le plan médical et sur le plan psychologique. L’auteur ne nous fait pas la leçon, il nous ouvre les yeux sur un monde qui est étranger aux valides. Et ça fait du bien.

Note : 3,5/5

Stellabloggeuse

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« La vie c’est gratuit je vais me resservir et tu devrais faire pareil. »

« Jamais cette chambre ne m’a parue si grande. Je ne suis pas attaché à mon fauteuil, la porte est grande ouverte et pourtant je suis prisonnier, enfermé dans mon immobilité. Une fois de plus, j’attends. Le sentiment que je ressens à ce moment-là est difficile à décrire. Ça ressemble à un mélange d’impuissance et de frustration. Je me rappelle alors que la dernière fois que j’ai ressenti ce genre de sentiment, c’était bien pire. »

« Vingt ans, c’est le règne des envies d’enfant dans un cœur d’adulte. »

« Ils ont un énorme pouvoir sur nous. On dépend d’eux pour le moindre geste, c’est pour ça qu’il est important de bien apprendre à connaître chacun pour apprendre à peu près ce dont tu as besoin. Il faut composer avec leur état de fatigue, leur humeur, leur susceptibilité. Et, comme le quota de personnel soignant par rapport aux nombres de patients est loin d’être à l’équilibre, on passe beaucoup de temps à les attendre, c’est inévitable. Pour avoir nos soins, déjeuner, changer de chaîne, se lever, se laver, s’habiller, se coucher, couper la viande, se servir de l’eau, attraper un truc dans le placard, fumer, on doit attendre notre tour.
Quand tu n’es pas autonome, tu passes plus de temps à attendre qu’à faire les choses. Un bon patient sait patienter. »

4 commentaires:

  1. C'est un livre que j'aimerais beaucoup lire !

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    1. C'est vraiment intéressant, pas pathétique pour un sou, seulement humain et optimiste envers et contre tout

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  2. A lire ton billet, je suis encore plus heureuse de l'avoir dans ma PAL... tout ce que tu en dis est ce que j'espérais y trouver ! Yapluka ^^
    Des bisous ma petite Stella :)

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    1. J'espère qu'il te touchera et qu'il te plaira autant qu'à moi. J'ai trouvé cela vraiment très intéressant, et il y a là dedans un optmisme (sans angélisme non plus) qui fait du bien. Il est un peu court, dommage ! Bisous bisous Cajou

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