mardi 22 octobre 2013

La fête de l’ours, de Jordi Soler : un roman noir aux allures de conte

[Belfond, 2011]

Résumé

Dans « Les exilés de la mémoire », Jordi Soler avait retracé le destin de son grand-père, Arcadi, un républicain espagnol qui s’est battu contre Franco. A cette occasion, il avait affirmé qu’Oriol, le frère d’Arcadi, était mort dans les montagnes pyrénéennes. Suite à la parution de ce roman, une femme vient le trouver et lui affirme qu’Orio a survécu, dans le Sud de la France. Jordi Soler part donc en quête de son grand-oncle, découvrant à cette occasion qu’il n’est pas le héros que tous imaginaient.

Une enquête entre réalité et fiction

L’auteur brouille les pistes, il part de personnages existants et le lecteur ne sait pas où s’arrête la réalité et où commence la fiction. Oriol a-t-il vraiment survécu ? Est-il le sombre personnage décrit ici ? L’auteur se met lui-même en scène dans ses recherches et nous fait progresser avec lui sur les traces d’Oriol. Mais à aucun moment il ne nous donne les clés permettant de démêler le réel et l’imaginaire.

Un roman noir aux allures de conte

Ce roman est assez noir dans son contenu, évoquant un certain nombre de crimes et de délit et une propension à la violence. L’auteur a donné à son histoire des allures de conte dans le sens traditionnel du terme, le conte cruel. Nous avons en effet une allégorie du géant, de l’ogre, et même du loup poursuivant le petit chaperon rouge dans la forêt. L’auteur s’est également emparé de la tradition de la « Fête de l’ours » célébrée dans les Pyrénées et de la légende qui l’entoure. J’ai apprécié cette atmosphère particulière, mais sans être embarquée dans le récit, sans m'impliquer dans l'histoire.

Les personnages

L'auteur-narrateur Jordi Soler s'efface devant deux personnages marquants, dont même la présence physique en impose. D'un côté, il y a Novembre, le « géant » amoureux de la montagne et de ses chèvres qui comprend la nature beaucoup mieux qu'il ne comprend les hommes, et qui voue à Oriol une affection aveugle. De l'autre côté il y a Oriol, l'ogre, un ancien pianiste dont la guerre et la fuite des franquistes ont révélé la violence enfouie, le côté bestial. Un personnage qui restera énigmatique jusqu'au bout pour le lecteur, même une fois le livre refermé.

L'écriture

Jordi Soler a un style particulier, avec de très longues phrases qui empêchent le lecteur de reprendre son souffle. Cela donne au roman un petit côté haletant qu'il n'aurait pas sans cela, il oblige le lecteur à avancer encore et encore dans le récit, mais c'est tout de même un peu lourd à la longue. Il réussit également à créer une ambiance inquiétante et mystérieuse.

En quelques mots...

Ainsi, c'est un roman particulier et assez sombre que l'auteur nous propose ici, avec des accents de conte dans le sens cruel du terme. Jordi Soler se met lui-même en scène et brouille les frontières entre le roman et le récit, le témoignage. J'en retiendrai avant tout deux personnages marquants, Novembre et Oriol, mais ce titre n'aura suscité aucune émotion chez moi.

Note : 2,5/5

Stellabloggeuse

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« J’avais commis une sorte de crime, et même s’il était certain que nous avions tous ourdi la fausse mort d’Oriol, il était tout aussi vrai que c’était moi qui l’avait tué par écrit. Cette réflexion, qui a un autre moment m’aurait peut-être fait rire, me sembla alors très grave, me fit penser que mon devoir était d’aller faire une visite à cette femme, à cet homme ou à ce pseudonyme, pour savoir, fût-ce par une tierce personne, ce qu’il était advenu de mon grand-oncle pendant tout le temps où il avait été mort pour nous. La lettre de Novembr était bien plus que la précision d’un lecteur ayant pris en faute l’auteur d’un livre, comme ceux qui prennent la peine de vous écrire pour vous dire « Vous vous êtes trompé, ce n’était pas le XIe siècle, mais le XIIIe » ou « Ce vent que vous décrivez n’est pas le mistral mais la tramontane. », c’était beaucoup plus qu’une précision, c’était la dénonciation d’un assassinat. »

« Chaque rafale qui le frappait l’obligeait à s’arrêter, et c’est au cours d’une de ces pauses, alors qu’il recevait des coups de vent sur la poitrine et le visage, qu’il buta contre le corps d’Oriol, pelotonné et partiellement caché dans une cavité de la montagne. Au début, novembre pensa à un animal, la situation était confuse, il faisait nuit noire, le vent, lourd de glace, soufflait avec fureur, et il préféra d’abord s’en assurer en remuant le corps avec le pied, acte imprudent que pouvait se permettre cet homme gigantesque devant lequel les bêtes préféraient faire demi-tour plutôt que de lui donner un coup de griffe ou le mordre. »

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