mardi 5 août 2014

Les Suprêmes, d’Edward Kelsey Moore : une belle histoire de femmes

[Actes Sud, 2014]

« Les Suprêmes » d’Edward Kelsey Moore ont bien fait parler d’elles en ce printemps. Il ne fallait pas plus que l’avis très positif de ma copinaute Plume de Cajou pour que je me lance à mon tour à la découverte de ce premier roman de l’auteur !

Résumé

Odette, Clarice et Barbara Jean ont été surnommées « Les Suprêmes » par tous leur quartier de Leaning Tree à Plainview, en référence au célèbre groupe, dans les années 1960. Aujourd’hui âgées de plus de cinquante ans, leur amitié est toujours aussi solide, même si la vie ne les a pas épargnées. Tout en faisant face à leurs défis actuels – le cancer, le deuil, l’alcoolisme, l’infidélité – elles se rappellent les épreuves et les bons moments du passé.

Une amitié mise à l’épreuve

Ce roman est avant tout une belle histoire d’amitié entre trois femmes très différentes (je reviendrai un peu plus tard sur le caractère de chacune). Passé et présent se mêlent pour nous faire entrer dans leurs vies. Elles ont vécu la ségrégation, l’assassinat de Martin Luther King, et ce thème reste en filigrane de tout le roman même s’il n’est pas vraiment abordé frontalement. La ségrégation a marqué leurs vies, et même le paysage. Toutes ont également vécu des deuils, de différentes natures, et la cinquantaine leur réserve son lot d’épreuves, qu’elles soient médicales ou conjugales. Pourtant, leur amitié traversent les décennies.

Un roman solaire

Mais malgré certaines thématiques difficiles, c’est une histoire qui recèle beaucoup d’humour et de tendresse, un livre lumineux. Les esprits des morts, avec lesquels Odette converse régulièrement, donnent au roman un côté décalé très rafraîchissant. Les personnages ne baissent pas les bras, il se trouve toujours un ami ou un conjoint pour les soutenir dans les moments difficiles. Par ailleurs je n’ai pas vraiment cru au dénouement proposé, mais il m’a semblé en cohérence avec le ton de l’ensemble du roman.

Les personnages

Les trois personnages principaux donnent toute leur saveur au roman. Ma préférée a été Odette – la principale narratrice de cette histoire. C’est un personnage fort, né dans un arbre, qui ne se laisse pas intimider et toujours prête à se battre pour défendre ceux qu’elle aime. Clarice est un peu moins aimable, elle tient trop aux apparences, mais elle a conscience de ce défaut qui lui vient de sa propre mère, et essaie de déployer ses ailes. Quant à Barbara Jean, l’icône glamour du quartier, c’est un personnage blessé, qui a besoin de ses deux amies pour s’accrocher à la vie. On s’attache également à James, le mari d’Odette, et à la mère de cette dernière, à Larry, à Big Earl ; on adore réprouver cette canaille de Richmond, cette arnaqueuse de Minnie et la peste Veronica… Vous vous régalerez de votre rencontre avec chacun d’eux !

L’écriture

En ce qui concerne le style, il est agréable et la lecture est fluide. Il y a un habile mélange d’humour (avec des scènes cultes !) et d’émotion, cette dernière vous cueille alors qu’on ne s’y attend pas. On sent chez lui la délicatesse du violoniste. Les descriptions sont suffisantes pour se représenter les personnages et les décors dans lesquels ils évoluent.

En quelques mots…

Ainsi, ce roman nous raconte une belle histoire de femme et d’amitié, portée par des personnages très bien construits et qui ont tous leur rôle à jouer dans cette histoire. Les épreuves de la vie ne nous sont pas épargnées, mais les Suprêmes les combattent avec une bonne humeur inégalée et nous montrent que même à cinquante ans passés, une vie de femme comporte son lot de défis.

Note : 4/5

Stellabloggeuse


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« -Ce ne sont pas les enfants qui ont changé, Odette, c’est toi. Tu vieillis, glissa Barbara Jean.
-Merci, c’est sympa, les filles. Quel plaisir de venir déjeuner le dimanche et d’apprendre que je ne suis qu’une vieille pie ronflante. Dieu seul sait pourquoi je continue à traîner avec vous, bande de sorcières.
Clarice éclata de rire et riposta « C’est parce qu’on est les seules à ne pas avoir peur de toi et à oser te dire en face que tu es vieille et que tu ronfles. Mais ne t’inquiète pas, on en est toutes là. »

« Un jour, début novembre, alors qu’elle était sur le chemin du retour, elle s’arrêta un moment pour contempler Leaning Tree. Les grands arbres biscornus, témoins de son passé, paraient le paysage d’une mélancolie plus puissante encore à présent que leurs feuilles étaient tombées. Elle considéra leurs squelettes voûtés. Ces arbres lui semblaient plus impressionnants que jamais. Ils s’étaient tous adaptés, allant même jusqu’à s’épanouir malgré le grave affront qu’on leur avait infligé. Si Barbara Jean avait eu envie de demander quelque chose à Dieu, c’eût été de lui insuffler la même rage de vivre que ces arbres penchés. »

« -C’est Clarice qui sera contente quand je serai chauve ! elle me tannait déjà en quatrième pour que je cache ma tignasse sous une perruque.

Clarice savait qu’Odette ne pensait pas à mal en parlant ainsi. Son amie lui aurait volontiers dit la même chose en face avec un large sourire. Mais cette certitude ne lui fut d’aucun réconfort sur le moment. Elle n’eut qu’une envie, se précipiter à l’intérieur et crier à Odette qu’elle l’aimait comme elle était – que ses cheveux soient beaux, moches, ou absents. »

4 commentaires:

  1. encore un avis qui me donne bien envie!

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    1. Merci, c'est une belle histoire d'amitié, et s'il y a des moments durs, il y a aussi beaucoup de fantaisie, j'ai passé un très bon moment :)

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  2. J'ai adoré ce livre, l'histoire et les personnages. C'est vrai qu'il y a des moments durs mais heureusement ce n'est jamais pesant (même si c'est très émouvant) et compensé par les moments cocasses.

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    1. En effet il y a un très bon dosage entre les moments durs et l'humour qui fait que tout cela passe très bien sans devenir pesant. J'en garde un agréable souvenir :)

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