mardi 2 octobre 2012

Bras de fer, de Jérôme Bourgine : le handicap et la drogue évoqués avec brio

[Sarbacane, octobre 2012]

Il y a pratiquement un an, j’avais lu « Toute la vie » de Jérôme Bourgine, un roman qui avait pour objet la maladie d’un jeune garçon de 12 ans. Ce titre m’avait laissé perplexe, j’avais apprécié la construction et l’écriture sans pour autant arriver à croire à l’histoire et à m’attacher aux personnages. Aujourd'hui, je viens vous parler du nouveau roman de cet auteur, « Bras de fer », que vous trouverez dès demain en librairie.

Résumé

A 18 ans, Julian a la vie devant lui. Il vient de décrocher son baccalauréat et s’apprête à entamer un IUT de dessin industriel. Il est champion d’Ile de France de natation, et a trouvé l’amour en la personne de la belle Leïla. Pourtant, Julian est préoccupé, ses perspectives d’avenir ne le satisfont pas. Ses relations avec son père, inflexible et taiseux, sont chaotiques. Mais tout bascule lorsqu’un soir, il emprunte une moto et qu’il a un accident. Julian perd un bras, mais aussi beaucoup plus que ça. Et bien que Leïla reste bravement à ses côtés, il trouve bientôt son seul réconfort dans la découverte de diverses drogues…

Des thèmes durs…

Avec ce roman, Jérôme Bourgine s’attaque à deux thèmes difficiles. En lisant le résumé, on pourrait croire que l’on a affaire à un roman sur le handicap. Et en effet, l’absence de bras de Julian est un fil rouge de l’histoire. Mais le vrai propos, celui qui est au centre du roman, c’est l’engrenage de la drogue et du manque. L’auteur en parle avec aisance, restituant toute la dureté et l’absence de scrupules qui sévissent dans le milieu de la drogue, qui sert de point d’ancrage des pratiques mafieuses et/ou perverses. Du fait de ce thème, certaines scènes du roman sont forcément assez glauques, le lecteur se trouve face à une véritable déchéance humaine. C'est donc un titre à réserver à un public averti.

…traités avec humour et sensibilité

Mais la réussite de ce roman réside dans le traitement de ces deux thèmes difficiles. En effet, le tour de force de l’auteur, c’est de faire en sorte que le roman ne soit jamais pesant pour le lecteur. Oppressant, oui. Pathétique, jamais. Drôle, souvent. L’humour est présent tout au long de l’histoire, avec un brin de cynisme. Il y a également dans ce roman de la sensibilité et de la tendresse, notamment au travers du couple formé par Julian et Leïla. Ainsi, le roman est très vif et se lit avec plaisir.

Les personnages

J’ai beaucoup aimé la manière dont l’auteur présente et fait agir ses personnages. On sent qu’il les aime, et de fait, le lecteur s’attache lui aussi aux protagonistes de l’histoire, même lorsqu’ils se montrent faillibles, même s’ils agissent mal. Ils sont en fait terriblement humains, voilà pourquoi j’ai cru, dur comme fer, à cette histoire.

Julian, éternel insatisfait, cherche par tous les moyens à oublier ses rêves qu’il juge inaccessible. Tout ce qu’il veut, c’est se sentir bien, quitte à renoncer à sa dignité, quitte à voler ses parents, à piétiner le cœur de la femme qu’il aime. Et pourtant, on est touché par son mal être, lui qui est gouverné par le manque.
Leïla, inébranlable, porte Julian à bout de bras et se détruit pour que lui s’en sorte. Ses intentions sont si bonnes que, quoi qu’elle fasse, il est impossible de la juger.
L'histoire est racontée d'après le point de vue de ces deux personnages, cette alternance est intéressante.

Je m’attendais à ce que le père de Julian soit plus présent, que leur relation soit davantage au centre du roman. Mais finalement, il est surtout présent par son silence, et par l’importance qu’il a pour Julian. C’est un personnage intéressant lorsqu’on lève un peu le voile sur sa propre histoire, qui mériterait peut-être d’être un peu plus mis en avant.
Il y a aussi des personnages secondaires intéressants, comme Véro, l'institutrice qui ne dit pas non à un petit pétard à ses heures perdues, ou Kurt, le voisin aveugle qui espionne tout l'immeuble.

  L’écriture

J’avais aimé l’écriture de Jérôme Bourgine dans son précédent roman, c’est toujours le cas ici. Son écriture est vivante et assez imagée. Elle recèle également beaucoup d’humour, comme je l’ai déjà mentionné. L’auteur utilise également des références cinématographiques assez nombreuses. Je ne les ai pas toutes saisies, mais j’en en tout cas apprécié le clin d’œil à Star Wars !

En quelques mots…

Ainsi, c’est un roman qui attrape le lecteur dès les premières pages et le relâche, remué mais heureux, après le point final. Un roman dur, mais qui est aussi et surtout plein de vie, très humain. Un roman fort, qui ne vous laissera pas indifférent, à destiner aux grands ados à partir de 15 ans et aux adultes. Je serai bien en peine de vous expliquer pourquoi ma note ne va pas jusqu’au coup de cœur, peut-être à cause de la fin un peu abrupte, mais je vous le recommande chaudement. Vous le trouverez dès demain dans toutes les bonnes librairies. Je vous invite également à découvrir les avis de Batifolire et de La littérature jeunesse de Judith et Sophie.
Merci aux éditions Sarbacane pour leur confiance !

Note : 4,5/5

Stellabloggeuse
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Ce roman fait partie du challenge :


Où sont les hommes ? Lecture n°11
Le prince charmant est tombé dans le caniveau, mais on l'aime bien quand même !

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« Tu vas me hurler dessus. Comme un malade mental. Moi, je ne bougerai pas, je sourirai. C’est mon côté arabe, mon Roumi. On a appris à devenir transparent. Il nous passe au travers, tu sais, l’océan de connerie qui coule des yeux des gens. Je t’apprendrai, tu verras. Peut-être même que tu me frapperas, mon Terre-Neuve, toi qui refuse qu’on tue les guêpes à table. Mais je saurai pourquoi ; les gens qui résistent à la force, ça vous met hors de vous. Je sais bien. […] Quand on aura beaucoup pleuré sur mon œil au beurre noir, on fera « l’amourquandmême », celui de la bête à trois bras. On va l’inventer celui-là, et il sera extraordinaire ! Je te guiderai, un peu, beaucoup ; et tu me montreras que ta puissance d’homme est intacte. Et tu sortiras dans la rue la tête haute, sûr du sourire de ta petite femme qui a eu tout le plaisir qu’il lui faut. »

« Heureusement, il y a la douleur. Elle a longtemps fait diversion et elle continue, si cuisante par moments qu’il est bien forcé de lui prêter attention. Une douleur sur laquelle les médicaments n’ont pas d’effet : localisée dans ce bras qu’il n’a plus ! Il y a eu en particulier ce jour de septembre où il était censé reprendre l’entraînement de natation. De cinq à sept heures, la mâchoire invisible n’a pas desserré son étreinte. Peut-être que mon bras libre crawle comme un fou dans sa tombe, a pensé Julian. Z’auraient pu me le rendre, quand même. Il imagine une cérémonie dans le jardin de la cité avec les gosses dont il était le champion amassés autour de lui. »

« C’est ça, le problème : vous, vous êtes dehors et vous me voyez comme avant, juste avec un morceau en moins. Mais moi, je ne suis plus du tout pareil. Je suis dans un bocal avec une vitre sans tain, et je m’en fous des trucs que j’aimais. Plus rien ne m’intéresse ; tu peux le comprendre ça, non ?! C’est pas mon bras, le problème, c’est dans ma tête que c’est l’enfer. »

8 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas mais tu donnes envie de le découvrir :)

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    1. Il est vraiment très beau, je te le conseille volontiers :)

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  2. Ouhhh un de mes prochains choix, je dois finir Toute la vie aussi...
    Superbe ! merci ! Cette collection est vraiment de qualité !
    Bizoo

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    1. Il est vraiment très bien ! Une excellente surprise !

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    2. Chut mais c'est une future surprise pour où tu sais, je viens de le recevoir :p

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    3. J'espère que ça va bien fonctionner et que les dark-ambianceurs l'aimeront ! Tu vas le lire toi du coup ?

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    4. Si j'ai le temps, je me mettrai en fin de liste voui :p

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    5. T'as intérêt (oui, encore des menaces :D)

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