mercredi 13 novembre 2013

Pietra Viva, de Léonor de Récondo : Michel-Ange, la pierre et le deuil


L’opération « Rentrée littéraire » de Price Minister, à laquelle je participe depuis l’an dernier, permet de découvrir gratuitement un titre, en l’échange d’une chronique. Cette année, j’ai eu la chance d’être citée comme « marraine » par un nouveau participant, ce qui m’a permis de recevoir un second livre en cadeau. J’ai choisi « Pietra viva », de Léonor de Récondo.

Résumé

Dévasté par la mort d’Andréa, un jeune moine qu’il considérait comme un idéal de bonté, Michel-Ange se rend à Carrare afin de choisir les blocs de marbres dans lesquels il sculptera le tombeau du pape. Ici, en compagnie de ces gens ordinaires, des tailleurs de pierre, un enfant, un simple d’esprit, l’artiste laissera peu à peu sa carapace se fendiller et ses émotions s’exprimer.

Une vie simple

Ce roman rend hommage à la vie simple des tailleurs de pierre, qui travaillent toute la journée sous un soleil de plomb. Un travail certes physique, mais aussi des artistes qui ont une connaissance profonde du marbre, de sa texture, de ses veines. Michel Ange se retrouve ainsi à partager des repas avec ces gens humbles, à nouer une amitié avec un jeune homme qui se prend pour un cheval, et à partager de longues discussions avec un petit garçon. Nous sommes loin ici des fastes de Rome, mais c’est dans cette simplicité que Michel-Ange retrouve le sens de son existence et fait son deuil de ceux qui l’ont quitté.

L’art et l’amour de la pierre

L’histoire fait également la part belle à la sculpture, et à l’amour de Michel-Ange pour la pierre. Il connaît le marbre, jugeant de sa valeur au premier coup d’œil, le sentant prendre vie sous ses doigts. Ainsi, le marbre est pratiquement l’un des personnages du roman. L’auteure s’est efforcée de décrypter la manière dont Michel-Ange appréhendait son art et fait de ce séjour à Carrare un tournant dans sa carrière. J’ai pris plaisir à cette dimension artistique.

Les personnages

Au début du roman, Michel-Ange est un personnage ombrageux, qui fuit la compagnie et la conversation des gens. Il refuse de se lier, craignant de laisser sortir les émotions enfouies en lui. Pourtant, au contact des villageois, il va peu à peu s’ouvrir et laisser affleurer des souvenirs enfouis. Cette évolution est très intéressante à suivre. J’ai également apprécié les villageois, notamment le petit Michele qui fait parfois preuve de davantage de maturité que Michel Ange, mais surtout Cavallino, qui certes, se prend pour un cheval, mais qui a tout compris à l’amour.

L’écriture

Le style de Léonor de Récondo est très agréable, travaillé et souvent poétique, sans être inabordable pour autant. La lecture est très plaisante. Un seul bémol à apporter, je n’ai en revanche pas ressenti d’émotion particulière lors de ma lecture.

En quelques mots…

Ainsi, j’ai apprécié ce titre qui fait de Michel-Ange un personnage de roman, auquel l’auteure a offert une belle évolution. Ce roman fait la part belle à la pierre et à la sculpture, ainsi qu’à des villageois d’une touchante simplicité. Et, pour ne rien gâcher, le tout est servi par une belle écriture poétique.

Note : 3,5/5

Stellabloggeuse

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« A force de côtoyer leurs rires et la montagne, la fièvre de la pierre était entrée en lui et ne l’avait plus quitté. Elle était entrée comme un torrent. Ce qui l’intéressait, c’était de toucher les outils, les voler pour les utiliser à sa guise, mentir le plus dignement possible en disant que non, ce n’était pas lui. Prendre des bouts de pierre tombés ou délaissés par les tailleurs, jouer avec, les cogner les uns contre les autres, écouter la musique qui en résultait, l’imprimer dans son cœur afin de ne jamais l’oublier et, surtout, se dire qu’en apprenant à maîtriser la pierre, il apprendrait à maîtriser le monde, plus exactement à le sculpter au gré de son imagination, et Dieu sait qu’il en avait. »

« Andrea, retourne d’où tu viens ! Ne me laisse pas croire trop longtemps que tu es là. Eloigne ton corps du mien. Eloigne tes doigts des miens. Et qu’avec toi s’en aillent les souvenirs de ta peau que je n’ai jamais touchée, que je n’ai fait que parcourir du regard sur le marbre. Andrea, tu es la beauté que je ne saurai jamais atteindre avec mon ciseau. Tu es la preuve ultime de la supériorité de la nature sur mon art. Te voir me rappelle mon inutilité. »

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