samedi 23 novembre 2013

Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson : des paysages et des réflexions

[Gallimard, 2011]

Je n’ai pas pour habitude de lire des essais, me tournant bien plus souvent vers les romans, les œuvres d’imagination. C’est dans le cadre d’un club de lecture autour des récits de voyage que j’ai donc découvert « Dans les forêts de Sibérie », de Sylvain Tesson.

Résumé

Ce livre est constitué du journal de Sylvain Tesson, qu’il a rédigé durant les six mois qu’il a passés en Sibérie, dans une cabane, au sein d’une réserve naturelle sur les rives du lac Baïkal. A une journée de marche de son premier voisin, il apprend à vivre avec la solitude rompue par quelques visites, le froid, et un faible éventail d’activités à sa disposition.

Une nature magnifique

La nature est omniprésente dans la vie de Sylvain Tesson. Le lac Baïkal est à lui seul un véritable personnage de ce livre, il est présent presque à chaque page. D’abord gelé, il offre des paysages polaires. Puis, avec l’arrivée du printemps, il se craquelle puis bouillonne. La forêt et les montagnes sont également très présentes, puisque l’auteur effectue de longues randonnées, parfois sur plusieurs jours. L’auteur observe également beaucoup les animaux qui l’entourent : les oiseaux qui égaient sa fenêtre, les ours qui constituent une menace, ses deux chiots dont il admira la capacité à se satisfaire toujours du même bâton. Ainsi, ce récit constitue une véritable plongée dans la nature.

Un cheminement intérieur

Mais ce qui m’a semblé le plus intéressant, c’est le cheminement intérieur de l’auteur. Au début, il s’oblige à vivre simplement et à observer ce qui se passe autour de lui, puis cela devient naturel. Il se nourrit de lectures qui alimentent à merveille sa pensée. Il découvre les joies de la solitude, de s’éloigner des pressions de la société, vivant parfois les visites qu’il reçoit comme des intrusions. Il prend plaisir à une vie simple, se trouvant plus heureux en ayant une palette d’activités plus réduite, tandis qu’en ville il ressentait le besoin de remplir sa vie avec des expériences inédites. Enfin, il apprend à vivre au présent, dans l’instant, à apprivoiser sa peur du temps qui passe et à ne pas se projeter sans cesse dans l’avenir ou le passé. Le tout arrosé copieusement de vodka russe !

Les personnages

L’auteur est un vrai « personnage », quelqu’un de marquant que j’ai pris beaucoup de plaisir à suivre. C’est visiblement un grand voyageur et un amoureux des grands espaces, des longues marches. C’est quelqu’un d’assez sensible et de très cultivé. Les russes sont également intéressants à découvrir, car pleins de paradoxes. Ils sont méfiants envers les étrangers, choqués par le nombre de musulmans et d’immigrés en France. Mais ils sont aussi capables d’une grandes hospitalité et de partir à l’aventure sur un coup de tête. On sent l’auteur osciller entre incompréhension et sympathie à leur égard.

L’écriture

La lecture de ce récit est un vrai plaisir littéraire. La plume est travaillée et les descriptions de paysage sont particulièrement réussies. Je n’aurais jamais cru prendre autant de plaisir en lisant des pages de description d’un lac gelé ! Il fait également preuve d’humour et d’autodérision. Au cours de la lecture, j’ai relevé de nombreuses citations, je n’ai d’ailleurs pas résisté et je vous en ai préparé 5 que vous trouverez à la fin de ce billet. Mais en résumé, je me suis régalée ! Seul petit bémol, le récit est parfois si dense et si bien écrit que j’ai ressenti le besoin de le savourer à petite dose, j’ai eu du mal à lire plus de 30 pages à la suite.

En quelques mots…

Ainsi, je ne peux que vous conseiller de découvrir ce récit de voyage et ce cheminement intérieur extrêmement intéressant et bien écrit. J’aurais déjà presque envie de le relire !

Note : 5/5 (Coup de cœur)

Stellabloggeuse

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"La cabane, royaume de simplification. Sous le couvert des pins, la vie se réduit à des gestes vitaux. Le temps arraché aux corvées quotidiennes est occupé au repos, à la contemplation et aux menues jouissances. L'éventail de choses à accomplir est réduit. Lire, tirer de l'eau, couper le bois, écrire et verser le thé deviennent des liturgies. En ville, chaque acte se déroule au détriment de mille autres. La forêt resserre ce que la ville disperse."

"Je dîne, les yeux par la fenêtre. Il y a des gens dont les repas proviennent exclusivement d'un paysage étendu dans leur champ de vision. C'est une définition de l'Eden. Vivre replié dans un espace que le regard embrasse, qu'une journée de marche permet de circonscrire et que l'esprit se représente."

"Nous jouons sur la plage. Je leur lance l'os de cerf déniché par Aïka. Ils ne se lassent jamais de me le rapporter. Ils en mourraient. Ces maîtres m'apprennent à peupler la seule patrie qui vaille : l'instant. Notre péché à nous autres, les hommes, c'est d'avoir perdu cette fièvre du chien à rapporter le même os. Pour être heureux, il faut que nous accumulions chez nous des dizaines d'objets de plus en plus sophistiqués. La pub nous lance son "va chercher!". Le chien a admirablement réglé le problème du désir."

"Le paradis aurait du se situer ici : une splendeur infaillible, pas de serpents, impossible de vivre nu et trop de choses à faire pour avoir le temps d'inventer un dieu."

"Je me sens de la chrétienté, ces étendues où des hommes, décidant de vénérer un dieu qui professait l'amour, autorisèrent la liberté, la raison et la justice à envahir le champ de leurs cités. Mais ce qui me retient, c'est le christianisme, ce nom que l'on donne au tripatouillage de la parole évangélique par un clergé, cette alchimie de sorciers à tiares et à clochettes qui ont transformé une parole brûlante en code pénal. Le Christ aurait dû être un dieu grec."

2 commentaires:

  1. Joli billet ! Je l'ai lu il y a un .moment et j'en garde un souvenir bien vivace encore, c'est bon signe. Par contre, j'ai trouvé que l'auteur allait parfois un peu loin (merci l'alcool). Mais bon c'est vrai.Sie c'est un beau récit et que la naturey est décrite avec amour.

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    1. Merci pour le compliment :) J'avoue que je le relirai bien, en m'imprégnant encore un peu plus de ces réflexions qui sont assez denses. Il faudrait le lire au jour le jour, comme il l'a écrit !

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