samedi 26 septembre 2015

Ce qui ne nous tue pas, d’Antoine Dole : la rencontre de deux solitudes

[Actes Sud Junior, 2014]


J'ai découvert Antoine Dole avec son bouleversant (et controversé) "Je reviens de mourir", que j'ai lu avant l'ouverture de ce blog et qui n'y est donc pas chroniqué. Plus récemment, j'ai apprécié "K-Cendres" et j'ai été émue par "A copier cent fois". Je me suis donc réjouie lorsque mon travail m'a donné l'occasion de lire "Ce qui ne nous tue pas", l'un de ses derniers romans ados en date.

Résumé

Lola est en colère. D'abord contre ses parents qui ne parviennent pas à la protéger de leur rupture, sa mère trop faible qui courbe l'échine et son père fuyant. Et par extension, elle en veut au monde entier. Le collège devient le défouloir de sa colère, entre provocations et violence. Jusqu'au jour où elle va trop loin, jusqu'à cette fugue qui lui fait rencontrer Simone. Une vieille dame tout aussi seule qu'elle, avec laquelle elle va passer quelques jours...

Beaucoup de sensibilité

Ce roman raconte Lola entre passé et présent. En alternance, il évoque sa fugue actuelle et les différents événements qui l'ont provoquée, chapitre après chapitre. Nous apprenons ainsi à la connaître petit à petit, à appréhender sa souffrance. Avec sa sensibilité habituelle, Antoine Dole tisse ainsi la rencontre de deux solitudes qui vont petit à petit s'apprivoiser et se faire du bien. Il ouvre une autre voie que la colère pour échapper à la souffrance, celle de la tendresse.

Un roman crédible

J'ai particulièrement apprécie le côté réaliste de l'histoire. Lola ne devient pas une super-héroïne pour Simone, une fée du logis qui pourvoierait à tous ses besoins. Non, elle fait de son mieux, à son échelle d'adolescente, elle lui offre des rêves, et des petits gestes de rien du tout qui adoucissent la vie. La douleur de l'adolescence et celle de la vieillesse se font écho, naturellement. Et la fin échappe à un grand happy end qui gâcherait tout, tout en préservant l'espoir.

Les personnages

Le personnage de Lola est touchant. C'est une adolescente en souffrance qui n'a pas supporté de voir ses parents se déchirer, jusqu'à penser qu'elle porte peut-être une part de responsabilité dans leur divorce. En colère contre ses parents, contre elle-même, elle n'arrive à l'exprimer qu'avec maladresse. Quand à Simone, elle vit en dehors de la réalité la plupart du temps, elle vit dans ses souvenirs et dans ses rêves.

L'écriture

Quant au style, il est toujours aussi agréable à mon goût, avec des phrases parfois courtes et percutantes, mais aussi avec de belles formulations. Antoine Dole écrit comme un équilibriste et touche ma sensibilité de la pointe de sa plume.

En quelques mots...

Ainsi, j'ai retrouvé avec grand plaisir Antoine Dole dans ce roman qui fait se rencontrer deux souffrances, deux solitudes, deux âges de la vie. Avec une belle sensibilité, il tisse des liens et ouvre la voie de la tendresse. A découvrir à partir de 13/14 ans.


Note : 4/5
Stellabloggeuse

--------

« Chaque matin, quand je sors de chez moi pour venir en cours, il ne reste plus que de la colère. Contre moi, contre les autres, contre la vie. Le moindre murmure provoque des ondes de choc irrémédiables. Et c’est plus fort que moi, je le jure : au contact des autres, quand j’ouvre la bouche c’est la colère qui parle, et quand je lève la main c’est la colère qui frappe. C’est la colère tout le temps, qui décide, qui agit. Et c’est la peine ensuite, qui endort les dégâts. »


« Je monte encore le son de mon casque et la musique résonne dans ma tête, si bien qu’il ne reste des mélodies qu’un bruit assourdissant. Je m’efface, je disparais sous la peur de leurs éclats de voix, sous les doutes et la crainte. Face à ce mur qui crie et vocifère, je me sens si petite. Mais si je suis si minuscule, pourquoi ma peine, elle, est si grande ? »


« Elle en veut à sa mère d’être fragile et faible, de se laisser abattre. Elle lui en veut de ne pas avoir de solution, elle qui a toujours su quoi faire pour résoudre le moindre problème de la maison. Elle en veut à sa mère, oui, des mensonges censés rendre la vie plus belle, et qui ne font que tout compliquer. Puis elle en veut à son père de partir, de les laisser comme ça. Elle lui en veut de fuir, de ne pas savoir les protéger. Elle en veut à son père de ne pas être le héros qu’elle croyait, de ne pas être aussi fort, de ne pas savoir faire que tout tienne encore debout. Elle en veut à cette famille toute entière, qui change, qui se transforme, cette famille qui se fissure, qui craque et qui s’effondre. Et oui, après tout ça elle en veut au reste du monde, parce que cette douleur existe et qu’elle n’est pas supportable, que rien, rien du tout ne parvient à l’apaiser. »

6 commentaires:

  1. J'ai comme l'impression qu'il faut que je découvre cet auteur, je sais pas trop pourquoi... ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est une des plus belles plumes dans les contemporains, et j'adore sa sensibilité

      Supprimer
  2. "Je reviens de mourir", ce titre m'a toujours tellement plu ! Le sujet du livre m'attire moins, mais ce titre ! Par contre, le titre de "Ce qui ne nous tue pas" me tente moins, mais l'histoire, bien plus... Tellement simple, tout ça :D En tout cas, tu m'as donné envie de le découvrir ^^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je reviens de mourir est très dur, mais l'auteur l'a tellement écrit avec ses tripes que tu pars dedans et que tu le vis à fond, en une sorte de catharsis... Ce qui ne nous tue pas est plus accessible, plus adolescent, mais toujours plein de sensibilité :) N'hésite pas à sauter le pas à l'occasion!

      Supprimer
  3. les extraits que tu as mis sont assez forts ! l'auteur a l'air d'avoir une jolie plume

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'aime beaucoup Antoine Dole, ses romans sont à la fois percutants, durs et sensible... Et avec une bien belle plume

      Supprimer

A vous de donner votre avis, il est le bienvenu !