mardi 18 mars 2014

La ligne verte, de Stephen King : oppressant et humain

[Librio, 1996]

Jusqu’à maintenant, je n’avais encore jamais lu quoi que ce soit de Stephen King, un auteur qui me faisait un peu « peur », sans bien savoir pourquoi. J’ai pourtant acquis « La ligne verte » en librairie d’occasion, l’édition de 1996 découpée en six petits épisodes, à la manière des romans feuilletons du XIXe siècle. Une séance du club de lecture lyonnais dédiée aux livres adaptés en film m’a permis de le lire enfin.

Résumé

Dans une maison de retraite, à un âge très avancé, Paul Edgecombe se souvient. En 1932, il est le gardien en chef du bloc E au pénitencier de Cold Mountain, la prison d’Etat où l’on procède aux condamnations à mort. Sur le bloc et l’ensemble de ses occupants plane la présence inquiétante de la chaise électrique, surnommée « La Veuve Courant » ou « Miss Cent Mille Volts ». Avec ses collègues Brutal, Harry et Dean, ils essaient d’accompagner du mieux possible les condamnées à mort le long de la Ligne Verte, le chemin qui mène des cellules à la chaise électrique, en les préservant de Percy, un gardien violent qui n’a que mépris pour ces hommes. L’arrivée dans le bloc de John Caffey, un géant noir étrangement placide, va remettre en cause leur foi dans leurs missions.

Un récit dans le récit

J’ai beaucoup apprécié cette rencontre avec Stephen King, et j’ai trouvé ce romans découpé en épisodes très addictifs. Il y a un récit imbriqué dans le récit, nous suivons de manière alternée le vieux Paul dans sa maison de retraite (cela m’a fait penser sur ce point à « De l’eau pour les éléphants » de Sara Gruen) et le jeune Paul au pénitencier, en 1932. Les deux histoires s’emboitent de manière intelligente et j’ai trouvé le vieux Paul très touchant.

La chaise électrique

La chaise électrique plane sur tout le récit et fait réfléchir les lecteurs sur cette manière de donner la mort qui a été longtemps en pratique aux Etats-Unis. Avec beaucoup de précisions, l’auteur explique comment fonctionne la chaise électrique et la manière dont elle agit sur le corps humain. Certaines scènes sont vraiment saisissantes. Mais dans le même temps, on découvre avec surprise un personnel profondément humain (sauf Percy évidemment), un lieu où l’on ne cherche pas à faire du mal à ces hommes qui n’ont plus rien à perdre, où l’on fait seulement en sorte que leur fin de vie se déroule le mieux possible.

Une touche de fantastique

Enfin, ce roman incorpore une touche de fantastique avec Mister Jingles la souris apprivoisée, les mains de John Caffey et leurs étranges pouvoirs. En cet automne étouffant et orageux, il plane une drôle d’ambiance sur le bloc E, que l’auteur parvient tout à fait à faire partager au lecteur.

Les personnages

Comme je le disais un peu plus haut, j’ai été très agréable surprise par l’humanité du personnel de la prison. Dean, Brutal et Harry m’ont été très sympathiques. Mais logiquement je me suis particulièrement attachée à Paul, qui est le narrateur de cette histoire, à sa femme Janice avec laquelle il a une touchante complicité, à Elaine, sa complice à  la maison de retraite. On s’attache également à John Caffey et on éprouve des sentiments ambigus envers les autres prisonniers, notamment le français Delacroix. Enfin, l’histoire comporte deux « méchants » efficaces, le gardien de prison Percy Wetmore et Brad Dolan qui travaille à la maison de retraite.

L’écriture

J’ai également apprécié la manière dont est racontée cette histoire, avec beaucoup de simplicité. L’auteur réussit à créer une ambiance oppressante mais insuffle aussi une certaine tendresse. Il jongle aisément entre les différentes facettes de son récit. Enfin, je trouve l’exercice de l’écriture « en épisodes » réussie, avec une cohérence dans chaque petit tome et des rappels des faits efficaces.

En quelques mots…

Ainsi, c’est pour moi une première rencontre réussie avec Stephen King. J’ai dévoré ce roman, j’en ai apprécié toute l’humanité mais aussi toute la tension et j’ai été très touchée par Paul, un des personnages les plus estimables que j’ai croisé durant mes lectures. Plusieurs récits s’imbriquent, avec la vie du personnage en maison de retraite, son passé au pénitencier, et la touche de fantastique qui imprègne le tout. Je vais bientôt visionner le film, en prenant bien soin d’avoir des mouchoirs à portée de main !

Note : 4,5/5

Stellabloggeuse

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Ce roman fait partie des challenges :

  


Challenge New PAL 2014 : 15/20
 (Ce roman comptait pour 6 dans ma PAL en raison de son édition en 6 petits tomes distincts)




Big Challenge 2014 : 2/5

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« Ça s'est passé en 1932, quand le pénitencier de l'État se trouvait encore à Cold Mountain. Naturellement, la chaise électrique était là. Ils en blaguaient, de la chaise, les détenus, mais comme on blague des choses qui font peur et auxquelles on ne peut échapper. Ils la surnommaient Miss Cent Mille Volts, la Veuve Courant, la Rôtisseuse. Et de rigoler de la note d'électricité et du directeur Moores, qui devrait passer sa dinde de Noël à la Rôtisseuse, vu que Melinda, sa chère moitié, était bien trop malade pour cuisiner. »

« Ces gens n'étaient pas seulement des contribuables, ils étaient aussi nos clients. Oh, des clients très spéciaux, qui avaient une raison pressante et particulière de venir voir un homme mourir et se convaincre du bien-fondé de la peine de mort. Ces gens, surtout les parents des victimes, avaient vécu un cauchemar, et le but de l'exécution était de leur démontrer que ce cauchemar était terminé. Au prix d'un mort de plus. »

« J'suis fatigué à cause de toute la souffrance que j'entends et que j'sens. J'suis fatigué d'courir les routes et d'être seul comme un merle sous la pluie. De pas avoir un camarade avec qui marcher ou pour me dire où on va et pourquoi. J'suis fatigué de voir les gens se battre entre eux. C'est comme si j'avais des bouts de verre dans la tête. J'suis fatigué de toutes les fois où j'ai voulu aider et que j'ai pas pu. J'suis fatigué d'être dans le noir. Dans la douleur. Y a trop de mal partout. Si j'pouvais, y en aurait plus. Mais j'peux pas. »

8 commentaires:

  1. C'est une magnifique histoire. Le roman n'est pas mon préféré de l'auteur, mais j'ai dû voir le film une bonne cinquantaine de fois (et ce n'est pas fini...) et il me retourne chaque fois. Mon grand film culte.

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    1. Tu me donnes vraiment hâte de le regarder ;) Merci d'être passée par ici, bonne journée!

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  2. Yo cousine !
    Celui-ci, je l'ai acheté récemment, mais pas encore lu. Je lis en ce moment l'édition américaine de 11.22.63, que je te recommande si tu as pas mal de temps (il est long). C'est aussi un King avec quelques éléments de fantastique, mais qui ne verse pas dans l'horreur. Et il est absolument génial, je savoure chaque page et je prends mon temps, parce que je sais que ça va me chagriner quand il sera fini.
    Les Stephen King en général pourraient te plaire, on reste souvent plus dans la tension et l'ambiance, l'atmosphère qui s'installe au fil des pages, que dans le gore pur. Et les personnages sont assez fouillés.
    A+

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    1. Ce que j'ai le plus apprécié c'est la manière dont s'imbrique la vie de Paul au pénitencier en 1932, et celle à la maison de retraite en 1996. J'avais déjà bien aimé ce mélange dans "De l'eau pour les éléphants" de Sara Gruen. Je ne pense pas lire King en anglais (je n'ai pas la patience, j'avais commencé Harry Potter, je n'ai pas lu plus de 10 pages) mais je note ce titre. Julie dévore pas mal Stephen King en ce moment, je pense qu'elle aura aussi des titres à me conseiller ;) Merci d'être passé me lire par ici, bisous !

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  3. Je ne raffole pas de Stephen King et j'ai beaucoup de mal à m'y mettre... Par contre, je crois que je vais essayer de me mettre à celui-ci, surtout parce que j'ai trouvé le film magnifique !

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    1. Si j'en crois ce que j'ai pu lire sur cet auteur, ce titre est vraiment à part. On est dans le roman contemporain, avec juste cette petite touche de fantastique bien dosée et une manière très touchante d'aborder la peine de mort

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  4. J'ai aussi trouvé que les matons faisaient preuve de beaucoup d'humanité ! En tout cas, j'ai adoré l'histoire et les personnages (et surtout Mister Jingles !). Le film que j'ai vu il y a longtemps est très bien aussi.

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    1. J'ai vu le film dans la foulée, je n'avais encore jamais "osé" (je ne sais pas pourquoi, il me faisait un peu peur) et j'ai adoré les deux. Dans le roman j'ai particulièrement aimé l'imbrication avec le "vieux" Paul

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